Pourquoi fermer la papeterie Chapelle-Darblay est une aberration sociale et environnementale ?
Chapelle-Darblay est une pionnière de l’économie circulaire. Jusqu’à sa fermeture en juin 2020, elle était la seule usine en France à produire du papier journal 100% recyclé. Une activité nécessaire et… rentable ! Mais pas suffisamment, visiblement, pour étancher la soif de profits de son propriétaire, le groupe finlandais UPM, qui a décidé de licencier ses 230 salarié·es et de démanteler les installations. Seul sursis accordé : le site était maintenu en état de marche pour laisser la porte ouverte à d’éventuels repreneurs jusqu’au 15 juin 2021, ultimatum finalement prolongé de 15 jours, soit le 30 juin 2021.
A l’issue de ce délai, UPM a annoncé son intention d’accepter une offre de reprise pour un projet de production d’hydrogène, ce qui reviendrait à abandonner l’essentiel des activités de recyclage du site. Les représentants du personnel encore sur place ont demandé une expertise pour évaluer cette offre qui suscitait de nombreuses interrogations.
Cette fermeture est une aberration sur plusieurs plans :
- Aberration sociale, puisqu’elle met sur le carreau 230 salarié·es au savoir-faire unique, alors que les activités étaient rentables et répondaient à une réelle demande ;
- Aberration industrielle, puisque les outils et machines risquent d’être démantelés et dispersés ;
- Aberration environnementale, puisque cette usine recyclait les déchets papier de près d’un tiers des Françaises et des Français, et était la seule en France à produire du papier journal 100% recyclé ! Depuis l’arrêt des machines, 480 000 tonnes de papier ont été envoyées à l’étranger, incinérées ou enfouies, et des tonnes d’équivalent CO2 (responsable du changement climatique) ont été inutilement produites. Si Chapelle-Darblay ferme définitivement, ce sont des milliers de tonnes de papier qui devront parcourir des centaines de kilomètres pour être traitées à l’étranger, notamment en Allemagne.
C’est pour toutes ces raisons que Greenpeace France s’est associée aux membres du collectif « Plus jamais ça » pour défendre le combat des salarié·es de Chapelle-Darblay : il s’agit très clairement d’un combat commun et d’une lutte à la fois sociale ET environnementale.
Que fait le gouvernement pour sauver Chapelle-Darblay ?
Après une très forte mobilisation des salarié·es de Chapelle-Darblay et du collectif « Plus jamais ça », le lancement d’une pétition soutenue par plus de 50 000 personnes et 8 heures d’occupation devant le ministère de l’Économie, le gouvernement a fini par prendre un engagement ferme à maintenir les activités de la papeterie.
Mais les promesses gouvernementales semblaient s’être ensuite envolées. Un temps envisagé comme candidat favori à la reprise, le groupe belge VPK, spécialisé dans les cartons d’emballage, s’est finalement tourné vers une papeterie voisine, à Alizay.
Malgré ses engagements répétés à maintenir les activités de l’usine, le gouvernement semblait ne plus exclure que Chapelle-Darblay soit reconvertie pour la production d’hydrogène, comme le souhaitait le propriétaire finlandais UPM. Ce choix aurait été un échec pour l’industrie française, pour tous les salarié·es qui en dépendent, mais aussi pour la transition écologique. Cela aurait signifié la perte d’un outil et d’un savoir-faire industriel ; des pertes d’emplois, un site dédié à l’hydrogène nécessitant beaucoup moins de salarié·es ; et un impact important sur le climat et l’environnement, puisque le recyclage du papier devrait se faire à des centaines, voire milliers de kilomètres de là.
Quelles solutions sont encore possibles pour préserver les emplois et l’environnement à Chapelle-Darblay ?
La direction d’UPM France a annoncé le 15 octobre 2021 en conseil de surveillance la vente du site Chapelle-Darblay à Samfy/Paprec. Cette option ne permettrait pas de maintenir les activités de recyclage de la papeterie et ne maintiendrait qu’une cinquantaine d’emplois. Le ministère de l’Économie et des finances et la Ministre déléguée chargée de l’Industrie ont dit regretter cette décision, alors qu’une autre offre de reprise des activités de recyclage était pourtant sur la table, avec 250 emplois immédiats à la clé.
Après des mois de mobilisation et plusieurs revers, une solution restait envisageable : que la Métropole de Rouen préempte le site. Ce droit de préemption lui permet d’acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente afin d’aménager le territoire métropolitain en fonction de l’intérêt général. La bonne nouvelle est tombée fin janvier 2022 : la métropole de Rouen va bel et bien préempter le site, ce qui devrait permettre de sauver des emplois et des activités de recyclage uniques en France.
La lutte pour préserver Chapelle-Darblay n’est pas encore terminée, même si ces nouvelles sont très encourageantes. Nous restons donc mobilisé-es et vous tiendrons au courant des prochaines étapes pour soutenir les salariés.
Continuons à rappeler au gouvernement ses propres engagements et sauvons Chapelle-Darblay !
Article publié le 6 juillet 2021 – dernière mise à jour : 8 février 2022
Photo haut de page : © Andrea Olga Mantovani / Plus Jamais ça