Combien y a-t-il réellement de déchets nucléaires en France ? Beaucoup plus que ce que l’industrie électro-nucléaire est prête à assumer, démontre le rapport de Greenpeace France « À quel prix ? Les coûts cachés des déchets nucléaires ». La filière nucléaire distingue aujourd’hui des « matières valorisables », censées être réutilisées, des déchets ultimes. Or l’analyse détaillée de l’immense majorité de ces « matières valorisables » montre que les perspectives de réutilisation proposées sont incertaines, inabouties, lointaines ou ne permettent tout simplement pas de réduire effectivement les quantités de matières radioactives. Un constat qui remet en cause l’organisation actuelle de la filière nucléaire et implique des surcoûts considérables.
L’industrie nucléaire affirme disposer de matières radioactives réutilisables. Qu’en est-t-il vraiment ?
Des quantités de substances radioactives s’accumulent tout au long de la production d’électricité nucléaire, de l’extraction d’uranium aux opérations de retraitement. Certaines sont considérées comme des « déchets ». D’autres sont répertoriées en tant que « matières », et non « déchets », parce que l’industrie nucléaire prétend pouvoir en faire quelque chose… Dans les faits, rien n’est prévu pour faire disparaître ces montagnes de substances radioactives : elles s’accumulent sans aucune perspective de réutilisation. Il s’agit en réalité purement et simplement de déchets radioactifs dont on ne sait pas quoi faire.
Ce tour de passe-passe permet à la filière nucléaire de minimiser la crise des déchets. Et on comprend vite pourquoi : cela représente des centaines de milliers de mètres cubes supplémentaires à gérer sur des milliers d’années, en plus de près d’un million de mètres cubes officiellement répertoriés sur le territoire français. Le stock de « matières valorisables » du nucléaire est en réalité une montagne de déchets.
Qu’on le veuille ou non, les déchets nucléaires sont là. Pourquoi ne pas encourager leur recyclage ?
L’industrie veut nous faire croire qu’elle recycle ses déchets radioactifs mais c’est du pur greenwashing. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seule une infime partie (à peine 1%) des « matières » produites chaque année est réellement réutilisée. Le reste s’entasse un peu partout en France.
Non seulement la filière nucléaire ne sait pas recycler les déchets radioactifs, mais le processus chimique de « retraitement » génère même plus de déchets, dont les plus radioactifs, et des matières très dangereuses comme le plutonium. C’est une véritable aberration. La filière nucléaire est malhonnête en entretenant le mythe du recyclage. Ces quantités de déchets radioactifs sont malheureusement bien là et ce n’est pas en faisant l’autruche qu’on réglera le problème.
Alors qu’une renationalisation du nucléaire d’EDF est envisagée, quelles seraient les conséquences d’une meilleure comptabilisation de tous les déchets radioactifs ?
Qui dit plus de déchets dit forcément plus de coûts à financer. Selon nos estimations, le surcoût de cette montagne cachée de déchets nucléaires représente au moins 15 milliards d’euros pour EDF, principal producteur de matières et déchets radioactifs. La facture est déjà très salée et va continuer d’augmenter : environ 3,3 milliards d’euros de plus chaque année en moyenne pour l’ensemble de la filière nucléaire, si on se base sur l’évolution des coûts des années précédentes. Comment est-ce qu’EDF va faire face alors que l’entreprise est déjà lourdement endettée ? Les citoyens sont en droit de savoir car c’est eux qui vont en payer le prix sur le long terme, vivre à côté de ces déchets, ou financer leur stockage via leurs impôts.
La cour des comptes a elle même pointé du doigt l’opacité et les coûts sous-estimés des déchets nucléaires. Nous lançons le même cri d’alerte. La question se pose d’autant plus que l’Etat s’apprête à renationaliser les activités nucléaires d’EDF. Nous demandons une opération transparence sur les coûts des déchets pour savoir exactement combien cela coûtera à l’État et aux contribuables.
On fait quoi de ces déchets radioactifs, du coup ?
Rien n’est prévu pour l’instant ! Ces montagnes de déchets nucléaires, où va-t-on les stocker ? Il faudrait par exemple d’ores et déjà doubler les dimensions de la zone destinée aux déchets les plus radioactifs (HA-VL) de Cigéo, le projet très controversé d’enfouissement profond à Bure. Il faudrait aussi trouver d’autres sites de stockage en France. Or qui a envie d’avoir une décharge de déchets radioactifs près de chez soi ?
L’industrie nucléaire continue de nier le problème, qui remet en cause l’ensemble de son modèle économique. La première chose à faire serait au moins de cesser de produire ces déchets nucléaires : cela ne se fera pas du jour au lendemain, d’où l’urgence de planifier la fermeture des réacteurs nucléaires. Il faut aussi faire toute la transparence sur les quantités réelles de déchets, leur nature et les moyens nécessaires pour les gérer.
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