En décembre 2015, Greenpeace appelait le Président de la République à lever des assignations à résidence visant des militants écologistes afin de les empêcher de se rendre à la COP21. Nous dénoncions une répression par anticipation d’activités militantes, en violation des libertés d’expression et de manifestation, rendue possible par le cadre de l’état d’urgence.
Au vu de ces précédents, 12 organisations dont Greenpeace France, des avocats et des universitaires dénoncent le projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure présenté en juin dernier au Conseil des ministres par le nouveau gouvernement.
Une loi floue et dangereuse
Cette loi ambitionne d’emboiter le pas d’une 6ème prorogation de l’état d’urgence qu’elle « normalisera » en l’inscrivant de façon permanente dans le code de la sécurité intérieure. Elle place ainsi des moyens exorbitants de privation de liberté et de contrôle des personnes entre les mains exclusives du pouvoir exécutif avec un contrôle illusoire de l’autorité judiciaire qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution, est pourtant la gardienne de la liberté individuelle.
En effet, ce projet de loi contient des bases tout aussi floues que celles de l’état d’urgence pour enclencher des procédures répressives. Ainsi, peut être assignée à résidence « toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » (article 3). Comme l’a rappelé le Syndicat de la Magistrature dans une analyse du texte, c’est bien sur ce flou et cet arbitrage d’interprétation que des privations de liberté ont été décidées à l’encontre de militants politiques ou environnementaux dans le cadre de la COP 21 par exemple.
Des risques de dérive
L’un des principaux reproches à l’encontre de ce projet de loi est donc sa grande imprécision permettant ainsi la mise en œuvre de mesures attentatoires aux libertés sur la base d’éléments vagues relatifs à la dangerosité supposée d’un individu. Cette absence d’exigence d’éléments concrets constitue un risque de dérive à l’encontre de personnes, et notamment de militants politiques, n’ayant rien à voir avec la lutte contre le terrorisme et dont les conséquences disproportionnées avaient été soulignées par Amnesty international.
D’autres critiques légitimes portent sur des possibilités élargies de placement sous surveillance électronique mobile, de perquisitions (notamment informatiques), de surveillance des communications, de fichage des citoyens au fichier PNR (passenger name record) pour des motifs tout aussi vagues.
Les obligations acceptées par la France au titre de la Convention européenne des droits de l’Homme ne sont pas compatibles avec ce projet de loi qualifié par la Présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme d’inutile » et de « dangereux». Greenpeace dénonce fortement ce risque de montée de l’autoritarisme et d’atteinte aux libertés publiques dont cette loi prend un inquiétant tournant.
Le projet de loi devrait être débattu à l’Assemblée nationale les 26 et 27 septembre 2017. Le risque est grand que le texte soit adopté dans sa version actuelle malgré la sonnette d’alarme tirée par de nombreux spécialistes dont des chercheurs et universitaires lesquels ne sont curieusement pas auditionnés par le Rapporteur du projet de loi.
Dans le cas d’une adoption définitive du texte dans sa version actuelle, il est probable que la suite du combat se déroule devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
Greenpeace France fait partie du collectif « Réseau Etat d’urgence» dont font également partie : Human Rights Watch, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat des Avocats de France, le Syndicat de la Magistrature, Amnesty international France, la Quadrature du Net.