Amazonie : une grande victoire pour les Mundurukus

Sawré Muybu est un territoire indigène situé dans le bassin du fleuve Tapajós, dans l’État du Pará, au Brésil, au cœur de la forêt amazonienne. Dans ce territoire couvrant 178 173 hectares et abritant une faune et une flore particulièrement riches, vit le peuple munduruku. La préservation de la forêt et celle du peuple munduruku sont intrinsèquement liées : les Mundurukus protègent la forêt, et la forêt répond à une bonne partie de leurs besoins essentiels, tant sur les plans spirituel et culturel que sur les plans socio-économique et sanitaire.

Deux hommes mundurukus armés de lances marchent le long d’une rivière. Le peuple munduruku habite la région de Sawré Muybu depuis des générations et réclame la démarcation de son territoire depuis presque 20 ans.
Juin 2016 © Anderson Barbosa / Greenpeace

Le peuple munduruku lutte pour faire reconnaître ses droits sur une terre qui lui appartient depuis toujours, mais qui est menacée par l’exploitation minière, l’exploitation forestière illégale et des projets de construction d’infrastructures. Aujourd’hui, nous célébrons une victoire historique et profondément symbolique, non seulement pour les Mundurukus mais aussi pour tous les peuples autochtones de l’Amazonie et du Brésil. Le 25 septembre 2024, le territoire de Sawré Muybu a été officiellement démarqué.
 

Un long processus

Le processus de démarcation de Sawré Muybu a débuté en 2007. Cependant, il a été longtemps bloqué pour des questions politiques et principalement du fait de l’influence économique de l’exploitation minière dans la région.

En 2014, le peuple munduruku avait délimité symboliquement son territoire, en plaçant des panneaux aux limites de sa terre indigène et en repoussant les envahisseurs. Cet acte a eu des impacts politiques importants et est devenu une référence pour les mouvements autochtones, inspirant divers peuples indigènes à travers le Brésil à en faire autant dans leurs territoires – un geste puissant, courageux et inspirant pour les peuples en quête d’indépendance et d’autonomie.

Dix ans plus tard, le ministre brésilien de la Justice proclame finalement le territoire Sawré Muybu « Terra Indigena ». Cela ne signifie pas pour autant que le processus est terminé. Le gouvernement brésilien doit maintenant marquer les frontières physiques du territoire et en expulser les occupants illégaux. Le président brésilien devra ensuite valider le décret pour achever définitivement ce processus.

Le peuple munduruku installe des panneaux pour auto-délimiter son territoire.
Juillet 2016 © Rogério Assis / Greenpeace

La reconnaissance des droits autochtones sur les terres de Sawré Muybu peut déjà, à ce stade du processus, avoir des répercussions importantes sur des projets de grande envergure dans la région, tels que le Ferrogrão, un projet de chemin de fer qui traverserait le territoire, et le barrage hydroélectrique de São Luiz do Tapajós. Ce dernier projet a été suspendu par l’agence environnementale brésilienne Ibama en 2016 mais le fait que la société brésilienne Eletrobras mène récemment de nouvelles études montre que la lutte n’est pas terminée. La reconnaissance du territoire de Sawré Muybu représente d’ores et déjà un obstacle majeur à tout projet qui menace les droits et l’autodétermination des peuples autochtones.
 

Le pouvoir du peuple

La signature du décret est une réussite qui n’a été permise que grâce à la force, la sagesse et la persévérance du peuple munduruku, qui n’a jamais cessé de se battre pour ce qui lui revient de droit. Pendant 17 ans, les efforts du peuple munduruku ont pris diverses formes, allant de pressions internationales à des collaborations avec les autorités brésiliennes et des organisations environnementales et de défense des droits humains.

Des représentant·es du peuple autochtone munduruku manifestent devant la Cour suprême du Brésil pour exiger la démarcation des terres indigènes de Sawré Muybu sur le fleuve Tapajós en Amazonie, en novembre 2016. © Otávio Almeida / Greenpeace

Un partenariat entre Greenpeace Brésil et le peuple munduruku existe depuis que les Mundurukus ont ouvert l’accès à leurs villages à Greenpeace en 2013. Si Greenpeace a décidé de soutenir la résistance munduruku contre le barrage de São Luiz do Tapajós, ce n’était pas uniquement en raison de l’impact environnemental du projet ; il s’agissait aussi d’un combat social en faveur de l’autonomie et de l’autodétermination des peuples autochtones. La lutte pour la préservation de la forêt et celle pour les droits des peuples qui y vivent est en réalité la même. Après plus de 4000 jours de résistance, c’est un moment de célébration et de reconnaissance de la force collective de tous ceux et celles qui ont soutenu cette cause.
 
Cependant, la lutte des Mundurukus n’est pas terminée. Dans une déclaration sur les réseaux sociaux, la cheffe autochtone Alessandra Korap Munduruku (lauréate du Prix Goldman pour l’environnement en 2023) a célébré la signature du décret, mais a rappelé que son peuple fait encore face à de nombreux défis : « Ce fut un combat difficile : auto-démarcation, pressions sur la Fondation nationale des peuples indigènes (Funai) et sur le ministère de la Justice… Nous avons organisé des mobilisations pour montrer que ce territoire est le nôtre. Un gouvernement précédent voulait construire un barrage hydroélectrique sur nos terres, mais nous avons tenu bon et affirmé que ces terres étaient les nôtres et que ce barrage ne serait pas construit. Nous avons réalisé des auto-démarcations et discuté des protocoles de consultation. Il y avait beaucoup de policiers et de chercheurs dans notre région pour étudier le projet de barrage, mais nous les avons arrêtés. Je suis reconnaissante à celles et ceux qui ont cru en la lutte de notre peuple et en le pouvoir de nos chamans, qui nous ont toujours dit d’écouter la forêt et nos ancêtres. Félicitations à nous toutes et tous. Mais la lutte n’est pas terminée – nous souffrons encore aujourd’hui de sécheresses et d’incendies, et nos puits se tarissent. »
 
La lutte pour la préservation de la forêt est une lutte où convergent de très nombreux enjeux, sociaux et environnementaux. C’est une bataille que Greenpeace mène conjointement avec des communautés autochtones contre la déforestation, l’accaparement des terres et l’exploitation minière illégale, mais aussi une lutte pour les droits humains et la souveraineté des peuples autochtones. La démarcation de Sawré Muybu est une victoire qui transcende les frontières. Elle renforce l’idée que, avec persévérance et solidarité, nous pouvons protéger l’Amazonie. Plus que jamais, nous avons des raisons de nous réjouir et de continuer le combat !