Anomalie grave : de quoi parle-t-on ?
Il y a tout juste un an aujourd’hui, le réacteur numéro 2 de la centrale de Fessenheim était mis à l’arrêt en raison d’une anomalie grave. La pièce concernée ? Un générateur de vapeur, composant essentiel des réacteurs nucléaires. Selon l’ASN, la pièce présente une irrégularité de fabrication. Une anomalie qui n’est pas sans rappeler celle de la cuve de l’EPR.
Pour rappel, 400 anomalies ont été détectées à ce stade par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur près de 30 réacteurs du parc nucléaire français. L’audit est toujours en cours. Au vu de la gravité de l’anomalie détectée à Fessenheim, le réacteur n’était pas près de redémarrer. De fait, la production de cette centrale de Fessenheim que l’on peine tant à faire fermer a été considérablement amputée pendant l’année qui vient de s’écouler.
Une plainte déposée par Greenpeace
Suite à la détection de cette anomalie sur le réacteur 2 de Fessenheim, Greenpeace décidait en octobre 2016 de porter plainte. Nous avons demandé au Procureur de la République de Paris d’ouvrir une enquête préliminaire sur quatre délits majeurs, dont usage de faux et mise en danger délibérée de la vie d’autrui. L’enquête est aujourd’hui ouverte.
Ce que nous reprochons à EDF et AREVA NP ? D’avoir mis en service un équipement à risques ne satisfaisant pas aux exigences essentielles de sûreté. De même, nous accusons EDF d’avoir tardé à déclarer à l’ASN cette anomalie, pourtant susceptible d’avoir des conséquences notables sur la sûreté de l’installation. EDF a en effet dissimulé cette irrégularité à l’ASN pendant un mois entre mai et juin 2016.
Rappelons que, selon de récentes révélations de France Inter, EDF, AREVA et l’ASN savaient depuis au moins 2005 que l’usine Creusot Forge d’AREVA n’était pas en capacité de produire des pièces conformes. Ils le savaient et ils ont laissé faire : c’est dans cette usine qu’ont été fabriquées de nombreuses pièces de réacteurs qui comportent des anomalies, dont la cuve de l’EPR de Flamanville et son couvercle, et le générateur de vapeur défectueux de Fessenheim.
Avril 2017 : quand la montagne accouche d’une souris
En avril dernier, le Conseil d’administration d’EDF se réunissait pour se prononcer, entre autres, sur « la fermeture de façon irréversible et inéluctable de Fessenheim » (sic). Pourtant, après 5 années de discussion sur Fessenheim, l’Etat n’a pas veillé à l’application de la loi par EDF, qui n’a toujours pas fait la demande de fermeture de Fessenheim.
La communication positive de Ségolène Royal ne doit pas dissimuler le fait qu’EDF n’a toujours pas demandé l’arrêt complet des réacteurs de Fessenheim. Rappelons que le président François Hollande s’était engagé à la fermer en 2016.
Les résultats de l’intervention de Ségolène Royal ont été peu concluants : en plus des recours déposés contre ce décret (notamment par la commune de Fessenheim et le Conseil départemental du Haut-Rhin), la fermeture reste in fine conditionnée à la date de mise en service de l’EPR de Flamanville « dès lors que cette abrogation est nécessaire au respect du plafonnement de la capacité nucléaire et que la mise en exploitation de l’EPR intervient avant le 11 avril 2020 ».
Notre ancienne ministre de l’Environnement n’a fait que donner mandat au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, pour demander la fermeture de la centrale « le moment venu ». Cet épisode d’avril, chaotique, s’est soldé par la non-fermeture de la centrale. Rien de nouveau sous le soleil : une fois de plus, l‘État français se couche devant EDF.
Alors qu’EDF semble incapable d’assurer les exigences minimales en matière de sûreté nucléaire et a l’air décidé à ne pas revoir son plan stratégique, difficile de ne pas comprendre pourquoi des centrales comme Fessenheim inquiètent nos voisins européens.