Le CETA, l'accord de commerce et d’investissement entre l’UE et le Canada, est examiné à l’Assemblée nationale depuis le 9 juillet avant un vote le 17 juillet en séance plénière (repoussé au 23 juillet). Greenpeace, aux côtés de plus de 70 organisations de défense de l’environnement et des droits humains, de professionnels des filières d’élevage, d'associations de consommateurs et de syndicats de travailleurs de la société civile, appelle les député.es et sénateur.trices à voter contre la ratification du CETA : il est une menace, tant sur le plan économique, social, démocratique qu'écologique.

Climat

Appel aux parlementaires contre le CETA

J'agis

Le CETA, l'accord de commerce et d’investissement entre l’UE et le Canada, est examiné à l’Assemblée nationale depuis le 9 juillet avant un vote le 17 juillet en séance plénière (repoussé au 23 juillet). Greenpeace, aux côtés de plus de 70 organisations de défense de l’environnement et des droits humains, de professionnels des filières d’élevage, d'associations de consommateurs et de syndicats de travailleurs de la société civile, appelle les député.es et sénateur.trices à voter contre la ratification du CETA : il est une menace, tant sur le plan économique, social, démocratique qu'écologique.

Vous aussi, interpellez les député.e.s !

La volonté d’Emmanuel Macron est claire : ratifier le CETA en catimini, dans la torpeur de l’été, en espérant le moins de contestation possible. Les députés n’ont pas la possibilité de modifier le texte : ils ne peuvent que l’approuver ou le rejeter. Au nom de l’urgence climatique, de la santé, de l’agriculture, de l’emploi, des services publics et de la démocratie, aidez-nous à interpeller les députés et sénateurs. Plus nous serons nombreux, plus nous aurons de chance de bloquer la ratification du CETA !

 

L’appel envoyé aux parlementaires

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Il est des causes qui rassemblent, bien au-delà de certaines divergences de points de vue : les luttes contre le dérèglement climatique et pour la préservation de la diversité biologique, pour l’emploi, la préservation de la démocratie, la protection de la santé des citoyens et de notre agriculture, en particulier la survie d’un modèle d’élevage familial et herbager, en France, en font partie. C’est pourquoi défenseurs de l’environnement et des droits humains, professionnels des filières d’élevage, associations de consommateurs et syndicats de travailleurs, représentant 72 organisations, s’adressent conjointement à vous aujourd’hui pour vous demander solennellement de ne pas ratifier le CETA.

En effet, les risques du CETA sont largement documentés et doivent être pris d’autant plus au sérieux que le CETA va créer un précédent pour de nombreux autres accords bilatéraux. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a mis en avant le caractère « climaticide » du CETA (1) et, à son tour, la Commission d’experts mandatée par le Gouvernement (2) a recensé toute une série des risques sur le plan économique, social, démocratique et écologique. Les deux Commissions relevaient notamment le risque d’une influence accrue des lobbys dans le processus de décision publique (via notamment le mécanisme de coopération réglementaire) et d’utilisation des tribunaux d’arbitrage entre investisseurs et États pour contester les mesures qui ne leur conviendraient pas. Elles avaient d’ailleurs formulé plusieurs dizaines de recommandations visant à modifier le contenu de l’accord en vue de prévenir ces risques. Mais l’accord est entré en application provisoire sans qu’aucune modification n’y ait été apportée.

Dans son allocution lors du centenaire de l’Organisation Internationale du Travail, le Président de la République a déclaré « je ne veux plus d’accords commerciaux internationaux qui alimentent le dumping social et environnemental, et en tant que dirigeant européen, je le refuserai partout où je n’aurai pas les garanties sur ce point » (3).
Comment justifier dès lors la ratification d’un accord qui facilite l’entrée sur le marché européen de produits qui ont été élaborés selon des normes inférieures aux standards européens, telle que la viande bovine nourrie aux farines animales et aux antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance ou des denrées alimentaires produites avec des pesticides interdits dans l’UE (4) ? Certes, du fait d’un temps nécessaire à l’adaptation des élevages canadiens pour l’exportation vers l’UE (suppression des hormones de croissance dans l’alimentation des bovins), ces importations de viandes bovines n’ont pas encore démarré. Mais le Canada saura, très vite, remplir ce contingent important qu’il a si durement négocié, au détriment d’autres secteurs qu’il jugeait moins « stratégiques » !

Comment accepter par ailleurs un accord qui encourage les investissements européens dans tous les secteurs de l’économie canadienne, y compris les plus nocifs pour le climat, à savoir l’exploitation des sables bitumineux ? Le Canada se félicite par exemple d’avoir accru de 63 % ses exportations de combustibles fossiles vers l’UE pour les douze premiers mois de la mise en application provisoire de l’accord. Comment accepter aussi que les seuls chapitres du CETA qui ne soient pas contraignants soient ceux qui portent sur l’environnement et les droits des travailleurs ?

En réponse à ces lacunes, le gouvernement a établi un plan d’action (5) dont la mise en œuvre est jugée sévèrement, y compris par les services du Ministère de la transition écologique (6). Il s’était engagé par exemple à rouvrir les négociations à propos de la directive sur la qualité des carburants afin de distinguer les carburants en fonction de leur empreinte carbone et discriminer les plus nocifs (notamment le pétrole issu des sables bitumineux canadiens beaucoup plus émetteur de gaz à effet de serre). Or la portée de cette directive avait été précisément affaiblie pendant les négociations du CETA sous la pression du Canada. La Commission a donc refusé, sans surprise, cette proposition française.

Pour finir, si le CETA est presque entièrement en application provisoire, la ratification nationale aura tout de même pour effet de déclencher l’application des tribunaux d’arbitrage qui permettront aux investisseurs privés présents au Canada d’attaquer une décision publique qui leur serait défavorable. Et tout retour en arrière pourrait s’avérer extrêmement difficile puisque des clauses – dites crépusculaires – prévoient que ces tribunaux pourraient exister encore 20 ans après une éventuelle dénonciation de l’accord (article 30.9.1 du CETA). Du fait de l’interconnexion des économies nord américaines, 81 % des entreprises étasuniennes présentes en Europe auraient désormais accès au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États du CETA, via leurs filiales au Canada. Cela représente 41 811 entreprises américaines dotées de nouvelles possibilités d’attaquer des lois et réglementations dans les États membres de l’UE (7). Ce choix apparaît d’autant plus incompréhensible que les États-Unis et le Canada qui avaient été les premiers pays industrialisés à se doter entre eux d’un mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États, dans le cadre de l’ALENA, ont justement décidé récemment de l’abandonner. Selon la Ministre canadienne des affaires étrangères : “Cela a coûté plus de 300 millions de dollars au contribuable canadien en compensations et en frais juridiques. L’arbitrage d’investissement élève le droit des entreprises au dessus de ceux des gouvernements souverains. En l’enlevant, nous avons renforcé la capacité de notre gouvernement de réguler dans le sens de l’intérêt général et de protéger la santé publique et l’environnement”.

L’examen du CETA représente bien plus qu’une simple ratification. Il est en effet le premier, mais aussi le dernier accord de commerce de nouvelle génération, sur lequel vous aurez à vous prononcer dans la mesure où l’UE organise désormais ces traités de façon à pouvoir adopter leur volet commercial uniquement à l’échelon européen. Si vous le ratifiez en l’état, la France se privera d’un puissant levier pour obtenir une réforme de la politique commerciale européenne. Elle pourrait ainsi rester isolée comme au moment de la relance de négociations avec les États-Unis. Enfin, le CETA sert de modèle pour tous les accords qui suivent (Vietnam, Mercosur, Mexique, Nouvelle Zélande, Australie, etc.).

Restant à votre disposition pour toute information complémentaire, nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de nos sentiments respectueux.

Notes :

(1) « Ne sacrifions pas les droits humains aux intérêts commerciaux », 15/12/2016, avis de la CNCDH.
(2) « L’impact de l’Accord Économique et Commercial Global entre l’Union européenne et le Canada (AECG/CETA) sur l’environnement, le climat et la santé », rapport au Premier ministre, de la commission indépendante présidée par Katheline Schubert, 07/09/2017;
(3) Allocution du Président Emmanuel Macron au siège de l’OIT à Genève, 11/06/2019.
(4)  Voir notamment dans le le rapport Schubert : « Il apparaît que rien n’est prévu dans l’accord CETA en ce qui concerne : –
l’alimentation des animaux (utilisation de farines animales et de maïs et soja OGM, résidus de pesticides…), – l’utilisation des
médicaments vétérinaires (notamment des antibiotiques) en élevage, – le bien-être des animaux (élevage, transport et
abattage). » (p42); « Le CETA laisse la possibilité au Canada d’utiliser des facteurs de croissance contenant des antibiotiques,
avec toutefois des contraintes de délais d’attente et d’absence de résidus ». (p43) ; « L’UE ne leur impose pas [aux pays tiers]
formellement l’interdiction de l’usage de substances pour lesquelles aucune LMR n’a été définie dans l’UE, les autres restrictions
d’usage dans l’UE (LMR et temps d’attente), et l’interdiction de l’usage des antibiotiques comme facteurs de croissance. » (p43) ;
« On ne peut exclure que les imprécisions du CETA conduisent à l’arrivée sur le marché européen de produits autorisés en vertu
d’une réglementation ne prenant pas en compte le principe de précaution. » (p22).
(5) AECG/CETA : Plan d’Action du Gouvernement, 26/10/2017
(6) Commerce international et Environnement. Vers des accords de 3ème générations ?, Thema, Commissariat général au
développement durable, Ministère de la transition écologique et solidaire, Novembre 2018.
(7) Tout comprendre au traité UE-CANADA, Avril 2016, AITEC.

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