Alors que la nécessité de protéger les forêts de la planète pour éviter les changements climatiques est de plus en plus largement reconnue, nous avons découvert que certaines des principales compagnies forestières exploitant le Bassin du Congo utilisent différentes combines pour payer moins d’impôts au détriment des forêts et des populations locales.
Le Bassin du Congo abrite la 2ème plus grande forêt tropicale du monde. Elle revêt une importance fondamentale non seulement en terme de biodiversité et de ressources pour les populations locales mais aussi en tant que réserve de carbone, essentielle à la protection du climat mondial.
Pourtant, l’industrie forestière contrôle plus de 25 % de ce précieux écosystème qui se situe principalement en République Démocratique du Congo (RDC) et au Congo-Brazzaville, deux pays souffrant de corruption endémique.
Dans un nouveau rapport intitulé « Arnaques au Congo », publié le 30 juillet, nous expliquons comment des sociétés, telles que le groupe suisse-allemand Danzer, privent chaque année les habitants de ces deux pays d’importantes recettes fiscales.
Comment s’en sortent-elles à si bon compte ?
En effet, le groupe Danzer a mis au point une stratégie complexe de blanchiment d’argent par laquelle sa filiale suisse (Interholco AG) achète du bois aux filiales africaines du groupe (Siforco et IFO) à un prix bien inférieur à celui du marché et compense leur manque à gagner en déposant la différence sur des comptes bancaires off-shore. De cette manière, le Groupe Danzer échappe au versement de montants élevés d’impôts sur les sociétés et de taxes d’exportation.
Ces pratiques peu scrupuleuses semblent être la norme dans l’industrie forestière de cette région, aggravant le problème de l’exploitation forestière illégale et privant l’une des plus pauvres régions du monde de millions d’euros chaque année. D’après nos calculs, à lui seul le Groupe Danzer ferait perdre aux gouvernements de ces pays presque 8 millions d’euros, une somme qui permettrait de faire vacciner plus de 700 000 enfants congolais de moins de 5 ans et qui équivaut à 50 fois le budget annuel du ministère de l’Environnement de la RDC.
Une infraction parmi tant d’autres
L’année dernière, nous avions déjà publié un rapport intitulé « Le Pillage des forêts du Congo » qui révélait le chaos social et la destruction de l’environnement dont était responsable l’industrie forestière. Il dénonçait notamment le rôle joué par le Groupe Danzer dans le commerce du bois illégal et la corruption ainsi que les relations de celui-ci avec des intermédiaires inscrits sur la liste noire du Conseil de Sécurité des Nations Unies pour vente illégale d’armes.
La corruption généralisée et ces procédés comptables scandaleux constituent un obstacle majeur à un développement sain et durable de la région et sapent les efforts de la communauté internationale pour soulager la pauvreté. Paradoxalement, alors que de nombreux gouvernements continuent à verser des millions à la RDC déchirée par la guerre pour aider à sa reconstruction, ils restent impassibles envers les sociétés de leur pays qui pillent les ressources naturelles de cette région, aggravent ainsi les changements climatiques et privent les communautés locales d’emplois durables.
De son côté, la Banque Mondiale ne parvient pas à réaliser ses objectifs annoncés de contrôle du développement de l’industrie forestière et d’amélioration de la gestion de ce secteur. Pire, des donateurs internationaux envisagent même de développer des incitations financières pour promouvoir l’industrie forestière.
Solutions
Le secteur forestier a donc un besoin urgent de lois plus contraignantes et réellement appliquées. En mai 2002, le gouvernement de la RDC annonçait un moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions et sur le prolongement ou le renouvellement des anciennes concessions. Le gouvernement s’est maintenant engagé à procéder à la révision de la légalité des titres forestiers et nous lui demandons donc de maintenir ce moratoire et de l’appliquer ainsi que de retirer toute concession illégale. Jusqu’à présent, ce contrôle est exercé de manière opaque et laxiste et nous demandons donc l’aide de la communauté internationale et du gouvernement de la RDC afin que ce contrôle se fasse en toute transparence et que soit mis en place un plan de zonage participatif des terres.
Aucun donateur international ne doit pouvoir subventionner l’industrie forestière et les modestes fonds publics doivent servir à financer des mesures permettant un contrôle réel de l’exploitation forestière tout en redonnant celui-ci aux populations locales. Les aides internationales doivent profiter au peuple congolais et non à d’avides entreprises européennes aux comptes bancaires déjà bien fournis.
Il faudrait aussi que la valeur des forêts de la RDC en tant que réserve de carbone soit largement supérieure aux revenus générés par l’industrie forestière pour le pays. La déforestation contribue à hauteur d’environ 20% aux émissions de gaz à effet de serre mondiales. Remplacer l’industrie forestière de la RDC par un système de protection de la forêt soutenu par la communauté internationale serait non seulement profitable aux Congolais mais confèrerait à ce pays un rôle clé dans la protection du climat.
Agissez
L’exploitation forestière illégale détruit les forêts primaires de la planète et accélère les changements climatiques. Exigez de l’UE qu’elle interdise l’exploitation forestière illégale.