Au Brésil, la haute technologie au service de la protection des forêts des Indiens ka’apors

 

Pour le peuple indigène Ka’apor, protéger la forêt tropicale amazonienne, ce n’est pas seulement lutter contre les changements climatiques ou préserver la biodiversité. C’est aussi et surtout une question de survie. L’un des chefs de cette communauté s’explique.

« Pour nous, la forêt c’est la vie. Sans la forêt, les Ka’apors n’existeraient pas. Dans notre langue, ka’apor signifie habitant de la forêt. C’est pourquoi nous devons défendre nos terres »

Des terres ancestrales en danger

Dernièrement, ces lignes de défense ont dû être renforcées. Les massifs de la réserve indigène Alto Turiaçu, territoire des Ka’apors situé au nord-est du Brésil, sont victimes de la fragmentation et de la destruction des forêts. L’appétit vorace des marchés internationaux pour le bois amazonien a entraîné la réduction inéluctable de leur espace de vie.

Des entreprises forestières s’introduisent dans le territoire indigène en toute illégalité, taillant des routes dans les massifs pour prélever des grumes de bois précieux. En moins de trente ans, cette exploitation forestière illégale a détruit 8 % des terres ancestrales des Ka’apors. Le bois ainsi volé est ensuite « blanchi » au moyen de faux papiers, puis vendu sur les marchés européen et américain.

Les Ka’apors réclament depuis des années l’intervention des autorités brésiliennes. Mais jusqu’à présent, peu de mesures ont été mises en place pour leur venir en aide.

« Face à l’inaction du gouvernement, nous avons décidé d’agir »

Depuis 2013, les Ka’apors ont décidé de prendre les choses en main. Ils ont mis en place leur propre système de surveillance des forêts pour lutter contre l’exploitation forestière illégale à Alto Turiaçu.

Les Ka’a usakhas’, ou gardiens des forêts, patrouillent ainsi le territoire indigène à l’affût de signes de destruction. Certaines familles ont même quitté leurs villages pour s’installer le long des pistes utilisées par les bûcherons, de façon à les dissuader de piller leurs ressources. Si ces actions courageuses ont permis de ralentir la déforestation, elles sont risquées et dangereuses pour ces familles.

Les Ka’apors défendent la forêt, « leur maison », parfois au péril de leur vie

D’après le Conseil des missions indigènes (CIMI), quatre membres de la communauté ont été tués et 15 chefs communautaires victimes d’agressions au cours des quatre dernières années. Eusébio Ka’apor, l’une des figures de proue de la lutte indigène contre la déforestation, a été abattu en avril 2015. Ce crime n’a toujours pas fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme par les autorités locales.

Les Ka’apors ont installé un arsenal technologique pour protéger leur forêt et tracer les grumes volées

Une surveillance moins dangereuse et plus efficace

Répondant à l’appel à l’aide du peuple ka’apor, Greenpeace Brésil a envoyé une équipe sur place pour trouver une solution avec les membres de la communauté. En août dernier, ils ont mis en place une méthode plus sûre et plus sophistiquée pour veiller sur la forêt : la surveillance électronique à distance.

Ensemble, ils ont dressé des cartes plus précises du territoire, et installé des capteurs de mouvements et des caméras thermiques en plusieurs endroits stratégiques. Des dispositifs de localisation électroniques sont également utilisés pour suivre le trajet des camions qui transportent les grumes volées.

Ainsi, les Ka’apors pourront rassembler des données concrètes sur l’exploitation forestière illégale qui sévit sur leur territoire – données qu’ils pourront présenter aux autorités brésiliennes pour les mettre face à leurs responsabilités.

Quelles solutions à long terme ?

Si ce système de surveillance est une aide précieuse pour les Ka’apors, il ne résoudra pas à lui seul le problème de la déforestation. Des solutions durables doivent être apportées par le gouvernement brésilien. Il faut commencer par combler les failles juridiques qui permettent le blanchiment du bois illégal, et garantir la protection exhaustive de l’ensemble des terres indigènes du pays.

Greenpeace demande également aux acteurs internationaux qui s’approvisionnent en bois amazonien de ne pas se fier uniquement aux documents officiels, souvent frauduleux, mais de s’assurer que leur marchandise n’est pas d’origine illégale, ou de la retirer du circuit en cas de doute.

Tant que le gouvernement ne fera pas respecter la loi, et tant que le marché du bois illégal continuera de prospérer, la forêt amazonienne ne sera pas en sécurité. Et les Indiens ka’apors continueront de garder l’œil (électronique) bien ouvert.

(Re)voir l’ensemble de notre dossier d’investigation sur le bois volé
(Re)lire notre rapport sur la crise silencieuse de l’Amazonie
Découvrir le webdoc du Guardian sur cette initiative (en anglais)