« Rêver c’est bien, réaliser c’est mieux ! » nous lance Mickaël Larsen, de l’académie de l’énergie sur l’île de Samsø, au Danemark. Cette île a gagné un concours lancé par le gouvernement danois en 1997, pour appuyer les projets renouvelables dans les territoires.
Suite au choc pétrolier de 73, qui a vu le prix du pétrole littéralement exploser – certains Danois ne pouvaient même plus se permettre de prendre leur voiture ou de se chauffer convenablement – la nécessité de s’affranchir des énergies fossiles s’est imposée, de pair avec un système de coopératives solidement implanté au Danemark.
Une politique énergétique résolument tournée vers les énergies renouvelables
Depuis, le Danemark s’est fixé comme objectif d’atteindre 100% d’énergies renouvelables en 2050. L’éolien représente déjà 40% de l’énergie électrique consommée. Le charbon sera progressivement réduit pour être totalement supprimé d’ici 2030 et la demande en électricité comme en chauffage intégralement couverte par les énergies renouvelables d’ici 2035. Le Danemark a également prévu de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2020, par rapport au niveau de 1990. Enfin, le pays a su dissocier croissance économique et consommation énergétique : depuis 1980, la consommation d’énergie est restée globalement stable, tandis que l’activité économique du pays a pratiquement doublé.
Samsø et Ærø, comme d’autres régions danoises, ont développé une approche intégrée et innovante inspirée d’un modèle de société coopératif, faite de résilience, d’adaptation au milieu et de désintoxication vis-à-vis des énergies fossiles. Aujourd’hui, le Danemark fait ainsi figure d’exemple quant à l’utilisation des renouvelables.
Samsoe réinvente la collectivité en communauté
L’île de Samsø, peuplée de quelque 4000 habitants, compte aujourd’hui 10 éoliennes offshores et 11 terrestres, ainsi qu’une centrale de chauffage solaire en combiné avec de la paille, résidus de récolte des paysans locaux. L’île produit déjà plus que sa consommation et revend son électricité : l’investissement dans les renouvelables est donc non seulement amorti, mais rentable – les turbines rapportent de l’argent aux coopérateurs. Mais les habitants de Samsø ne s’arrêtent pas là : ils mènent de nombreux projets pour atteindre 100% d’énergie renouvelable. Un important chantier sur les transports est notamment en cours de progression, incluant le recours véhicules électriques.
Au-delà de la faisabilité technique, et de la rentabilité des renouvelables, Samsø recrée du lien social entre les usagers de l’énergie : ces derniers développent en effet les projets ensemble, les proposent et les étudient, puis les financent – ils détiennent 20% des parts du projet. Ils se sentent ainsi responsables des installations de leur île et en sont fiers. A tel point qu’une académie de l’énergie a été créé sur l’île. Elle permet les échanges entre acteurs travaillant sur l’efficacité énergétique et le développement des renouvelables, réaffirmant sans cesse un souci du collectif indispensable.
Ærø, de l’énergie à revendre !
L’île classée deuxième au concours des renouvelables s’appelle Ærø. Elle est peuplée de 6000 habitants. Si elle n’a pas bénéficié autant du soutien financier de l’État, elle a pourtant réussi à y monter 6 éoliennes terrestres et 3 centrales de chauffage solaire alliées à de la biomasse (paille, pellet de bois, copeaux de bois). La plus grande de ces centrales compte 33 000 m2 de panneaux solaires, fournissant le chauffage à près de 1500 coopérateurs/ clients. Le prix de la facture de ces clients est de 10% inférieure à celui de leur précédent chauffage, à surface équivalente.
L’île a commencé avec 3 éoliennes en 2002, qui avaient du mal à trouver preneur en termes d’achats de parts dans la coopérative. Lors de la deuxième phase d’installation, 10 ans plus tard, tout le monde était désormais convaincu de l’intérêt des renouvelables et les parts sont parties en quelques semaines, malgré l’importance de l’investissement nécessaire – amorti au bout de 7 ans et demi. Ærø dispose ainsi d’un potentiel éolien très important et ses éoliennes fonctionnent 330 jours par an. L’île couvre aujourd’hui 120% de ses besoins et revend son énergie sur le réseau danois.
Passons aux énergies renouvelables en France
Ainsi, loin d’être une utopie, de plus en plus de territoires – des îles comme Hawaï et des villes telles que Sydney ou San Francisco – ont compris que la tendance irréversible, tant sur le plan de la disponibilité que sur celui de la rentabilité, était bien celle des renouvelables.
La France qui dispose pourtant du deuxième potentiel le plus important en Europe dans le domaine de l’éolien, semble malheureusement rester bien timide dans cette approche pour le moment : son ultra-dépendance au nucléaire entrave une véritable émergence des énergies renouvelables sur le territoire. L’atome absorbe notamment l’immense majorité des financements publics, freinant le développement d’infrastructures de réseau plus souples et plus flexibles, nécessaires aux renouvelables. La loi de transition énergétique récemment votée doit être l’occasion à saisir pour sortir du tunnel des énergies fossiles et fissiles.