[BAROMÈTRE] Les pratiques de voyage des jeunes - 2023
L’urgence climatique rend nécessaire de déconstruire notre culture du voyage et repenser notre rapport au dépaysement et à l’évasion. Qu’en est-il des aspirations de la jeunesse française aujourd’hui ?
Depuis 2022, Greenpeace France a confié à l’ObSoCo la réalisation d’un baromètre sur les pratiques de voyage des jeunes Français et Françaises. Retour sur la version 2023 de ce sondage, au cœur des préoccupations des jeunes en matière de voyage, d’environnement et de leur rapport à l’avion.
Cette enquête, réalisée en ligne en décembre 2022 et janvier 2023 auprès d’un échantillon de 1200 personnes représentatif de la population de France métropolitaine âgée de 18 à 34 ans, met en lumière l’éveil des consciences sur les liens entre voyage et dérèglement climatique et révèle le rôle clé des prescripteurs de voyage dans le choix des destinations de voyage.
1. Le prix des billets comme principal critère de choix de destination
- Au moment de choisir une destination de vacances (5 jours ou plus), le prix apparaît comme le premier critère de choix pour 45% des jeunes, avant même les caractéristiques de la destination (patrimoine naturel pour 38%, météo pour 35% ou activités sur place pour 34%.Cette évolution est notable par rapport à 2022, où la nature et les paysages étaient le premier critère (44%) devant le prix (38%).
- À ce titre, il est particulièrement incompréhensible que le secteur aérien continue de jouir de privilèges fiscaux (exemption de taxes sur le kérosène, et de TVA sur les billets internationaux). La jeunesse plébiscite ainsi un rééquilibrage des tarifs entre billets d’avion et de train (84% d’avis favorables) et une large majorité d’entre elle est favorable à une juste contribution du secteur aérien : fin des exemptions fiscales (68%), taxe progressive pour les voyageurs réguliers (59%), éco contribution sur les billets d’avion (59%).
2. Le rôle central des prescripteurs de voyage
- Pour choisir leur prochaine destination de voyage, les jeunes se tournent d’abord vers leur entourage (39%) et leurs expériences passées (29%).
- Mais la jeunesse trouve également l’inspiration auprès de “prescripteurs de voyage”, ces intermédiaires qui mettent en lumière telle ou telle destination. Il s’agit d’influenceurs, d’influenceuses* ou de pages spécialisées sur les réseaux sociaux (34%), d’émissions de télévision (reportages ou documentaires) pour 27%, de plateformes de comparaison des billets (24%) ou encore de guides et livres de voyage (14%).
- Tous ces intermédiaires ont une responsabilité dans les voyages auxquels aspirent la jeunesse. Accroître la visibilité des destinations accessibles sans avion, ou au contraire contribuer au désir de voyager loin relève d’un choix éditorial qui a des conséquences irréversibles sur nos émissions de gaz à effet de serre. C’est le sens du collectif “Itinéraire bis” qui vise à “changer les représentations médiatiques du voyage”.
3. Certains vols jugés moins prioritaires (jets privés, vols courts, city trips…)
- les vols dont la pertinence est peu remise en cause : secours d’urgence, longs séjours à l’étranger, visites à la famille sur un autre continent…
- ceux dont la légitimité est fortement contestée : jets privés (85% des jeunes les jugent pas ou peu légitimes), les vols lorsqu’il existe une alternative en train en moins de 4h (78%), les vols pour passer un week-end dans une ville européenne (76%), ceux pour des séjours lointains d’une semaine ou moins (68%), les vols à l’étranger pour motif professionnel (67%). Ce sont donc ces vols là que la jeunesse accepterait de diminuer en priorité.
4. Vers une évolution de la norme sociale
- Une courte majorité de la jeunesse qui prend l’avion se dit désormais prête à réduire la fréquence de ses vols de loisirs (55%, soit + 3 points par rapport à 2022), bien que le critère écologique soit encore secondaire au moment de choisir ses vacances.
- Ce chiffre est à mettre en relation avec une hausse de la culpabilité chez les jeunes qui prennent l’avion (41%, soit + 6 points par rapport à 2022), et le sentiment d’être jugé par leur entourage (25%, + 5 points).Pour les déplacements de 1000 km, l’avion reste le principal moyen de transport (45%) mais baisse sensiblement (- 7 points par rapport à 2022).
* Dans tous les secteurs, les influenceurs jouent sur une certaine proximité avec leurs communautés. Lorsqu’ils voyagent, ils se filment souvent dans des endroits présentés comme paradisiaques, créant ainsi du désir auprès de leurs “followers”.
** Le collectif Oui au train de nuit demande au gouvernement de commander dès à présent 600 nouvelles voitures de train de nuit, conformément aux recommandations du rapport sur les Trains d’Equilibre du Territoire (2021).