Mise à jour du 4 novembre 2022 : suite à la publication de notre rapport, TotalEnergies menace de nous attaquer en justice, plutôt que de répondre sur le fond du problème, à savoir: la responsabilité de l’entreprise dans la crise climatique. Nous sommes tout à fait prêts à engager un débat judiciaire sur la réalité de l’impact climatique des activités de TotalEnergies. Pour rappel, nous avons nous-même assigné TotalEnergies en justice pour pratiques commerciales trompeuses en mars dernier.
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Pourquoi une enquête sur le bilan carbone de Total ?
Tout a commencé alors que nous scrutions les bilans carbone des plus grandes entreprises pétro-gazières européennes, et notamment celui de Shell. Alors qu’elle produit et vend 1,2 fois plus et 1,6 fois plus que TotalEnergies, sa concurrente britannique déclare émettre 3 à 4 fois plus de CO2. Il ne nous en aura pas fallu plus pour nous mettre sérieusement la puce à l’oreille, dans un contexte où des présomptions de mensonge pèsent régulièrement sur TotalEnergies.
Huit mois d’investigation
Pour recalculer les émissions de gaz à effet de serre de TotalEnergies, il nous a fallu en premier lieu reconstituer les chaînes de valeur du groupe, à savoir l’enchaînement de ses activités, de l’exploration à la vente de pétrole et de gaz, en passant par le trading. Cette chaîne permet d’identifier quelles sont les activités industrielles et commerciales qui créent de la valeur. Nous sommes donc partis du postulat que l’impact climatique de TotalEnergies est celui lié à l’ensemble de ses activités générant des flux physiques de marchandises et produisant du chiffre d’affaires.
Sauf que lorsque l’on s’intéresse de près aux activités de TotalEnergies et à son bilan carbone, on se retrouve vite à naviguer dans un brouillard épais et opaque. Il nous aura donc fallu décortiquer de nombreux documents de TotalEnergies, interroger son service Investisseurs, émettre et challenger des hypothèses lorsqu’il était impossible d’accéder à l’information, puis assembler toutes les pièces du puzzle pour aboutir à une chaîne de valeur la plus précise et complète possible.
En utilisant la Base Carbone de l’ADEME, nous avons ensuite converti en émissions de gaz à effet de serre les volumes trouvés pour les différents carburants raffinés issus du pétrole brut, le gaz, la production d’électricité et la chimie. Et les résultats sont sans appel.
Des résultats qui font voler en éclat la stratégie climat de TotalEnergies
En déclarant émettre 455 millions de tonnes de CO2 équivalent (CO2e) en 2019, TotalEnergies sous-évalue massivement ses émissions carbone, qui, selon nos calculs, s’élèveraient à 1 milliard 637 millions 648 mille tonnes de CO2e, soit un résultat quatre fois supérieur. Sans prétendre que nos calculs soient juste au kilo de CO2 près (puisqu’il s’agit d’estimations), nous sommes tout de même sur un écart abyssal.
Cette façon qu’a TotalEnergies de minimiser son impact carbone n’est pas surprenante mais elle est très grave. Ces chiffres reposent très sérieusement la question de la responsabilité de TotalEnergies dans la crise climatique et font voler en éclat la stratégie climat du groupe -déjà peu crédible- ainsi que ses ambitions de neutralité carbone d’ici 2050. À l’heure actuelle, la seule manière pour la multinationale d’atteindre la neutralité carbone en 2050 est de réduire drastiquement sa production de pétrole et de gaz, pas de miser sur des technologies chimériques comme la capture et le stockage du carbone, ou sur des méthodes aux impacts marginaux, comme la plantation d’arbres.
Pourtant, alors que sa responsabilité dans la crise climatique est bien plus grande que ce qu’elle veut bien admettre, la major pétro-gazière continue d’investir massivement dans les énergies fossiles, ce qui se concrétise entre autres par des projets de « bombes climatiques », comme le projet EACOP (Ouganda et Tanzanie), Arctic LNG2 (Russie), Vaca Muerta (Argentine) ou encore Mozambique LNG. À l’heure actuelle, rien ne semble pouvoir l’arrêter et il est urgent pour les responsables politiques de prendre les mesures qui s’imposent pour contraindre Total à cesser ses projets climaticides. Rappelons que pour l’Agence internationale de l’énergie -comme pour d’autres-, il ne faut plus amorcer aucun nouveau projet d’exploitation pétrolière ou gazière pour avoir une chance de rester dans les clous de l’Accord de Paris.
Signalement à l’Autorité des marchés financier
Au regard de ces résultats, nous avons saisi l’Autorité des marchés financiers (AMF), nous inscrivant ainsi à la suite d’une première saisine déposée par les associations Sherpa et Notre affaire à tous en mai 2020. Ces nouvelles estimations sur l’impact climatique réel de TotalEnergies et sa communication trompeuse sur ses engagements net zéro 2050 (qui fait déjà l’objet d’un recours) sont susceptibles de révéler des contradictions, inexactitudes et omissions sanctionnables.
Terrain de jeu favori des lobbyistes du pétrole et du gaz, la COP27 s’ouvre dans trois jours en Egypte. Avec ce rapport accablant, nous souhaitons braquer à nouveau les projecteurs sur le cynisme et l’hypocrisie de TotalEnergies : la transition écologique qui intéresse la major française est celle qui lui permettra de continuer à servir ses intérêts privés et pour l’instant cela consiste à maintenir les rentes pétrolière et gazière le plus longtemps possible.
Vous souhaitez aller plus loin ? Signez notre pétition contre les nouveaux projets pétroliers et gaziers :