Action ! Mardi 29 octobre, les activistes de Greenpeace ont bloqué la bioraffinerie de Total, à La Mède.
Pourquoi les “biocarburants” à base d’huile de palme sont néfastes pour l’environnement
Biodiesel, biocarburant… derrière ces noms prometteurs, on retrouve le lobbying de Total, qui veut faire passer les agrocarburants pour des carburants écologiques, qui feraient du bien à la planète chaque fois qu’un automobiliste fait le plein. C’est tout le contraire :
- Pour produire ces agrocarburants, on détruit des forêts tropicales, notamment en Asie du Sud-Est.
- On libère ainsi les énormes quantités de carbone que retenaient ces forêts.
- Ces forêts ne peuvent plus jouer leur rôle de puits de carbone.
- L’effet de serre augmente et le dérèglement climatique s’aggrave.
- La culture industrielle de l’huile de palme multiplie les incendies, un fléau pour les populations locales.
- Orang-outans, tigres, éléphants… n’ont plus d’habitat et sont menacés de disparition.
Trois quarts de l’huile de palme importée en France terminent dans nos voitures
L’huile de palme est pointée du doigt pour sa responsabilité dans la déforestation depuis des années. Décriée pour son utilisation par les industriels de l’alimentation et des cosmétiques, on sait beaucoup moins qu’elle est utilisée comme “biocarburant”. Pourtant, en Europe, 53% de l’huile de palme importée y est dédiée, et en France, ce chiffre grimpe à 75%. Face à cette demande en hausse constante, l’Asie du Sud-Est détruit des millions d’hectares de forêts. A elle-seule, l’Indonésie a sacrifié depuis 1990 plus de 30 millions d’hectares de forêts – presque la superficie de l’Allemagne.
L’Indonésie : “l’autre” Amazonie ?
On abat les arbres, on défriche, puis on met le feu pour faire place nette et fertiliser les sols : c’est la technique du brûlis, employée discrètement et illégalement, directement ou indirectement, par l’industrie de l’huile de palme. Une méthode radicale, qui ne laisse aucune chance à toute vie sur place. Ni autour : très souvent, les feux deviennent incontrôlables et génèrent du brouillard et une pollution dangereuse. L’Indonésie avait déjà connu de dramatiques incendies en 2015, avec plus de 100 000 décès prématurés. L’été 2019 n’aura pas épargné les forêts indonésiennes : 320 000 hectares ont brûlé sur les seuls 8 premiers mois de l’année. En septembre, le nombre de zones à haut risque d’incendie a été multiplié par sept en l’espace de quatre jours sur les îles de Bornéo et Sumatra, selon l’agence indonésienne de gestion des catastrophes. Un nuage de fumée toxique s’est répandu jusqu’à Singapour, et plusieurs centaines d’écoles en Indonésie et Malaisie ont dû fermer.
“Biocarburant” et huile de palme : combo perdant pour le climat
A l’échelle mondiale, les forêts absorbent et stockent près de 30% des émissions de gaz à effet de serre annuelles. Les détruire revient donc à relâcher des quantités astronomiques de carbone dans l’atmosphère. Or, rien qu’en Indonésie, 24 millions d’hectares de forêts tropicales ont été détruits entre 1990 et 2015, soit un million d’hectares par année, ou un terrain de football toutes les 25 secondes. Cette déforestation massive place l’Indonésie dans le peloton de tête des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre. A l’échelle mondiale, 12 % des gaz à effet de serre proviennent de la déforestation. Autant que ce qui est émis par le secteur des transports.
Fiscalité des “biocarburants” : pourquoi Total s’obstine
Suite à l’autorisation donnée par Nicolas Hulot en 2018, Total a ouvert en juillet 2019 à la Mède, près de Marseille, ce que le groupe appelle fièrement « l’une des plus grandes bioraffineries d’Europe », pouvant importer jusqu’à 550 000 tonnes d’huile de palme. Soit une hausse de plus de 60% du total de l’huile de palme consommée en France. Comment expliquer un tel anachronisme, alors que la planète envoie des signaux d’alarme toujours plus criants ? L’explication est financière : Total avait décidé la création de cette “bioraffinerie” parce que l’huile de palme donnait droit à un taux réduit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Sauf que… cette niche fiscale doit disparaître en janvier 2020. Une décision prise par l’Assemblée nationale, contre l’avis du gouvernement, et contre laquelle Total déploie des efforts de lobbying monstrueux. Mais pour l’instant, cela ne paye pas. Pire (mieux ?), le pétrolier s’enfonce : le Conseil constitutionnel vient de renvoyer Total dans les cordes, déboutant sa demande de retour d’avantage fiscal sur l’huile de palme, au nom de la contradiction avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Si l’huile de palme n’est pas la solution, on fait quoi ?
Huile de palme, soja… les agrocarburants sont une fausse solution et le gouvernement doit cesser de se cacher derrière. Emmanuel Macron ne peut avouer une part de complicité de la France dans la déforestation et “en même temps” permettre aux multinationales d’anéantir des forêts, en Indonésie, en Malaisie ou au Brésil… le tout en bénéficiant de niches fiscales. Alors comment sortir du pétrole et des agrocarburants ? Des entreprises comme Total doivent comprendre qu’elles n’ont plus d’avenir dans la destruction de la planète : elles doivent se tourner vers les énergies renouvelables. Un gouvernement sérieux dans la lutte contre le changement climatique doit les y contraindre. Les solutions existent et ne demandent qu’à être mises en œuvre : Emmanuel Macron doit faire appliquer la Stratégie Nationale de Lutte contre la Déforestation Importée, supprimer les avantages fiscaux aux activités polluantes, abandonner les projets routiers, développer les transports en commun et le train. Mais sûrement pas encourager des projets destructeurs comme celui de La Mède.
Quant aux parlementaires, ils doivent tenir bon face au lobbying agressif de Total et s’assurer, jusqu’à la fin de l’examen du projet de loi de finances 2020, en décembre, que tous les produits à base d’huile de palme sont exclus de la liste des agrocarburants, et ne bénéficieront plus de niche fiscale à partir de l’année prochaine.
Crédits photo : Daniel Beltrá