Enfin ! Avec deux ans de retard sur l’entrée en vigueur du règlement européen visant à lutter contre le trafic de bois illégal, les autorités françaises ont procédé aux premiers contrôles des importateurs de bois. Le bilan de ces inspections reste cependant insuffisant au regard du problème.

Forêts

Bois illégal : des premiers contrôles, mais peu d’impact

Enfin ! Avec deux ans de retard sur l’entrée en vigueur du règlement européen visant à lutter contre le trafic de bois illégal, les autorités françaises ont procédé aux premiers contrôles des importateurs de bois. Le bilan de ces inspections reste cependant insuffisant au regard du problème.

 Des contrôles plutôt sérieux…

Le 4 mars 2015, nous déposions une grume de bois devant le Ministère de l’écologie pour dénoncer l’inaction des pouvoirs publics concernant l’importation de bois illégal sur le sol français. Nous étions reçus dans la foulée par le ministère, qui nous avait alors affirmé vouloir procéder à des contrôles incessamment.

Il s’agissait de mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui permette de se conformer au Règlement sur le Bois de l’Union Européenne (RBUE) applicable en France depuis 2013. Concrètement, les autorités françaises voulaient former une quinzaine d’inspecteurs à cet exercice : des contrôles planifiés, mais aussi inopinés si la situation l’exige. Ils devaient notamment vérifier si le système de diligence raisonnée, qui exige des importateurs de bois de prouver qu’ils ont tout mis en œuvre pour minimiser les risques d’illégalité, est respecté.

Nous venons de recevoir les premiers rapports qui prouvent qu’au moins une trentaine de contrôles ont bel et bien eu lieu et qu’une méthodologie se dessine. Trop lentement sans doute, mais les choses progressent néanmoins.

Action du 4 mars 2015 devant le ministère de l’Écologie © Greenpeace / Pierre Baelen

… mais très rarement suivis d’effets

Là où le bât blesse, c’est que la plupart du temps, si certains rapports comportent un bon niveau de détails, leurs conclusions et les recommandations formulées apparaissent incohérentes. Dans beaucoup de cas, l’inspection signale un défaut de traçabilité sans conclure pour autant au non-respect de la réglementation.

L’un d’eux concerne par exemple un importateur de bois en provenance du Gabon, du Congo Brazzaville et du Cameroun – pays où la persistance d’un trafic de bois illégal est bien documentée. Le rapport signale en l’occurrence que la documentation officielle pour l’un des fournisseurs gabonais manque. Il signale par ailleurs que l’un des autres fournisseurs de l’entreprise, congolais cette fois, a été à plusieurs reprises convaincu “d’infractions par les autorités congolaises”. Et un troisième n’a pas renvoyé les documents demandés.

Las, l’inspecteur se contente de proposer “une prise en compte plus exhaustive des informations de légalité disponibles qui doit être réalisée”, car “l’entreprise ne connaissait pas certains sources d’information que nous lui avons opposées, et qui mettent en cause certains de ses fournisseurs”. Avant de conclure tranquillement : “ La société met en oeuvre l’ensemble des obligations liées à la RBUE”. Cherchez l’erreur.

Parmi les autres carences relevées fréquemment sans que l’entreprise contrôlée ne soit pour autant inquiétée :

    1. – L’entreprise n’est pas capable de fournir certaines informations relatives à des lots importés

 

    1. – L’entreprise continue à travailler avec des fournisseurs à risque, alors même que ce risque est identifié

 

    1. – L’entreprise ne dispose pas de la documentation officielle requise

 

    – L’entreprise n’a pas connaissance du RBUE

Plantations de palmiers, Cameroun Ⓒ Greenpeace / John Novis

Au total, 15 des rapports d’inspection consultés par Greenpeace – soit plus de la moitié – présentent des failles sérieuses et dans chacun de ces cas, le RBUE ne semble pas correctement appliqué. Pourtant, une seule mise en demeure a été formulée par le préfet. Ce laxisme est très inquiétant face à l’ampleur du trafic international. Les inspecteurs de l’Etat devraient tirer les conclusions qui s’imposent, notamment en saisissant le Procureur de la République, et les autorités judiciaires devraient appréhender les agissements des opérateurs avec toute la rigueur nécessaire.

Des poursuites judiciaires attendues

En effet, le combat contre le bois illégal doit également passer par la justice. Le manquement au devoir de diligence raisonnée des opérateurs est passible de peines d’amendes et d’emprisonnement relativement élevées, et la sanction de tels agissements serait un moyen efficace d’envoyer un signal fort aux opérateurs.

Dans cette optique, l’année passée, nous avons porté plainte contre X pour manquement au devoir de diligence raisonnée et mise sur le marché de bois illégal, après avoir enquêté sur des lots suspects importés notamment par des sociétés françaises en provenance de République Démocratique du Congo. Le Parquet ayant décidé de classer le dossier sans suite, en dépit des éléments solides portés à sa connaissance, Greenpeace France se constitue donc aujourd’hui partie civile, demandant l’ouverture d’une information judiciaire avec désignation d’un juge d’instruction pour enquêter sur les graves agissements dénoncés.

Comme rappelé par Interpol, ces atteintes à l’environnement vont souvent de pair avec d’autres infractions comme la corruption ou le blanchiment. L’exploitation forestière illégale représente entre 15 et 30 % des volumes de bois commercialisés dans le monde. La valeur du commerce du bois récolté illégalement est estimée à environ 11 milliards de dollars, comparable à celle du marché de la drogue – estimée à environ 13 milliards de dollars ! Un business qui s’effectue au détriment des moyens de subsistance de nombreuses communautés autochtones, de la sauvegarde de la biodiversité et du climat.