Brésil : la déforestation, l’autre épidémie

Les peuples autochtones en première ligne

Déforestation au Brésil : les communautés autochtones en première ligne

Le Brésil est actuellement le troisième pays le plus touché au monde par la pandémie, en termes de nombre de personnes infectées. Les peuples autochtones ne sont pas épargnés. D’après l’Association des peuples indigènes du Brésil (APIB), le taux de létalité du virus chez les populations autochtones serait deux fois supérieur au taux national. Qu’ils vivent dans des zones reculées, où les infrastructures sanitaires sont rares voire inexistantes, ou dans les villes, où ils font partie des personnes les plus marginalisées, ces peuples ont de grandes difficultés à accéder aux soins nécessaires.

Même les peuples non contactés (c’est-à-dire des communautés isolées qui n’ont pas de contact avec la société dominante) sont touchés par la pandémie, nous alerte Survival International. Orpailleurs, bûcherons et agriculteurs ne font pas de télétravail et profitent du relâchement des contrôles (qui avait déjà commencé avant la pandémie et s’est accentué) pour envahir les terres indigènes ou publiques. Outre le fait qu’ils peuvent transporter avec eux le virus dans des régions jusque-là préservées, l’arrivée de ces “accapareurs” de terres est également synonyme de destruction de la forêt, de sa biodiversité et du mode de vie de ses habitants.

Le coronavirus, une “aubaine” pour le gouvernement Bolsonaro

Cette image d’un survol réalisé en mai 2020 dans l’État de Roraima illustre l’invasion des garimpeiros sur le territoire du peuple autochtone Yanomami. La déforestation des terres autochtones a augmenté de 64 % au cours des quatre premiers mois de l’année 2020, par rapport à la même période en 2019.
©Chico Batata/Greenpeace

La vidéo d’une réunion ministérielle a fuité dans la presse le mois dernier. Outre de nouveaux dérapages du président Jair Bolsonaro, on peut y entendre Ricardo Salles, le ministre de l’Environnement, dire vouloir « profiter que l’attention soit détournée par la crise sanitaire » pour « faire passer des réformes et assouplir la législation environnementale », notamment sur la forêt amazonienne.

Rien de surprenant. Depuis le début de son mandat, J. Bolsonaro et son gouvernement s’emploient à réduire en cendres les politiques et institutions environnementales brésiliennes, notamment dans le but d’ouvrir les terres autochtones aux exploitations en tous genres. Depuis quelques semaines, le nouveau cheval de bataille du président est la “mesure provisoire MP910”. Cette mesure, désormais projet de loi, prévoit de régulariser la propriété de terres publiques qui ont été déforestées illégalement, notamment au profit d’élevages ou de plantations. Pour décourager l’accaparement des terres, lutter contre la déforestation et le changement climatique et protéger les peuples autochtones, on a connu mieux comme méthode.

Le monde ralentit, la déforestation s’accélère

Après les incendies monstres de l’été dernier, la déforestation continue de faire rage en Amazonie. Elle a atteint un niveau record lors du premier semestre 2020, avec la perte de 3 069 km2 sur les six premiers mois de l’année. Un chiffre inédit et terrifiant ! Cette déforestation accélérée fait craindre le retour d’incendies ravageurs avec l’arrivée de la saison sèche.

Ce double fléau, pandémie et déforestation, s’autoalimente en un cercle vicieux : la destruction de l’Amazonie est facilitée par la pandémie (en raison de la réduction des moyens alloués à la lutte contre les crimes environnementaux), et elle favorise à son tour la propagation du virus avec l’arrivée de nouveaux colons dans des territoires préservés… Sans compter qu’à terme, la déforestation est aussi susceptible de favoriser l’apparition de nouvelles zoonoses.

Les ailes de l’urgence

Les bénévoles et salarié·es du bureau de Greenpeace à Manaus s’activent pour expédier du matériel médical et d’hygiène dans les territoires autochtones touchés par le coronavirus.
© Edmar Barros/Greenpeace

Face au triple péril démocratique, sanitaire et environnemental auquel fait face la population brésilienne, l’équipe de Greenpeace Brésil a elle aussi mis les bouchées triples. Avec d’autres ONG, elle a demandé la démission du ministre de l’Environnement (et pourquoi pas, vu que trois ministres de la santé se sont déjà succédé depuis le mois de mars),. Ensuite, elle s’est mobilisée avec succès pour bloquer, en mai, le vote du projet de loi MP910 au Congrès, et reste vigilante face à la possibilité d’une nouvelle tentative de vote.

Enfin, pour aider les peuples autochtones, Greenpeace Brésil, en partenariat avec d’autres associations, a également mis en place l’opération “les ailes de l’urgence” pour acheminer, notamment par avion, du matériel et du personnel médicaux dans les zones les plus éloignées du pays. Ainsi, des concentrateurs d’oxygène, du gel hydroalcoolique, du savon, des tests Covid, des kits de protection personnelle contenant 5000 masques confectionnés par des bénévoles, 400 masques chirurgicaux et 200 paires de gants, entre autres équipements, ont été transportés dans plusieurs localités autochtones des États d’Amazonas et du Pará au mois de mai. D’autres opérations similaires continuent de se dérouler.

Et nous, à notre niveau, que pouvons-nous faire pour aider ?