L’écran de fumée se dissipe enfin autour de la responsabilité des changements climatiques.
Une étude, publiée par la revue scientifique Climatic Change, identifie pour la première fois les 90 entités (entreprises, états), responsables des deux-tiers des émissions de gaz à effet de serre qui se sont accumulées dans l’atmosphère depuis le début de la révolution industrielle jusqu’à nos jours.
Le principal enseignement ? La crise climatique que nous traversons a été principalement causée par les producteurs de pétrole, de gaz et de charbon, qui représentent pas moins de 83 entités sur les 90 pointées du doigt, les restantes étant productrices de ciment.
Pour naviguer dans cette étude en profondeur :
consultez le site Carbon Majors (en anglais)
la fiche pratique (en français)
Des preuves !
Il a fallu pas moins de huit ans à Richard Heede, chercheur indépendant et auteur de cette étude, pour rassembler les données disponibles et pour procéder à l’évaluation des émissions des producteurs de carbone entre 1854 et 2010.
Résultat : 90 entités ont émis 63 % des émissions industrielles de CO2 et de méthane qui se sont accumulées dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle.
Ces « gros émetteurs » se répartissent de la façon suivante : 50 entreprises privées, 31 entreprises publiques et neuf États (actuels ou dissous) dotés d’un système d’économie planifiée.
Parmi les entreprises privées, les cinq premières : Chevron, ExxonMobil, BP, Shell et ConocoPhillips, représentent à elles seules 12,5 % des émissions. Toutes catégories confondues, le géant russe Gazprom se classe 5ème tandis que la compagnie néerlandaise Shell, son partenaire dans l’exploration pétrolière de l’Arctique, arrive en 6ème position.
Les entreprises françaises ne sont pas en reste : Total arrive au 7ème rang des plus gros pollueurs du secteur privé. Du côté des cimentiers, c’est le groupe Lafarge qui arrive en tête.
Le quotidien britannique The Guardian a répertorié ces 90 entités sur une infographie interactive.
Une réunion internationale sur le climat noyautée par ces mêmes groupes !
Cette étude nous apprend également que la moitié des émissions de ces 90 « gros émetteurs » ont été rejetées depuis 1986, ce qui montre à quel point l’utilisation des combustibles fossiles s’est accélérée ces trois dernières décennies.
Et pourtant : au moment où Varsovie accueillait la Conférence mondiale des Nations unies sur les changements climatiques, s’y tenait également un Sommet mondial sur le charbon. Terriblement cynique : alors que la COP s’attache à trouver des solutions diplomatiques aux bouleversements climatiques, la Pologne organise un sommet sur l’énergie fossile la plus abondante et la plus sale qui soit. (lire notre article : Pologne : climat, charbon… et hésitations)
De plus, les ONG ont dénoncé le lobbying intensif de ces entreprises à la conférence, qui s’affichaient largement, fournissant matériels, documents et autres affiches ! Le 11 novembre, 140 de ces ONG publiaient ainsi une lettre accusant les entreprises de noyauter la conférence par leur greenwashing omniprésent.
Les pirates du climat
Cette étude pointe ainsi les pirates du climat qui s’enrichissent aux dépens d’autrui : en effet, les émissions astronomiques de ces entreprises n’ont d’équivalent que leurs profits (voir le tableau).
Et pourtant : aujourd’hui, ce sont 30 Défenseurs de l’Arctique et du climat qui sont accusés de « piraterie » par Gazprom et l’état Russe et qui risquent d’être condamnés à passer plusieurs dizaines d’années en prison. Leur « crime » ? Avoir tenté d’agir pour dénoncer les projets fous des pétroliers et mettre en lumière les menaces qui pèsent sur l’Arctique et le climat.
Ces responsables de la concentration actuelle en carbone de l’atmosphère doivent désormais être amenés à rendre des comptes sur les impacts du bouleversement climatique.
Tant qu’ils n’abandonneront pas leur projet fou d’aller chercher le dernier gramme d’énergie fossile, et tant que les gouvernements refuseront d’intervenir, comme à la COP de Varsovie, nous n’aurons d’autres choix que de nous interposer pour défendre le climat.