La majorité des forêts tropicales humides restantes dans le monde sont situées dans des pays en développement. Il est donc logique que les nations les plus riches aident à financer leur protection, puisqu’ils sont de surcroit responsables d’une grande part des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, et qu’ils sont également les premiers acheteurs des produits issus de la destruction des forêts tropicales.
À Cancun, un accord formel visant à créer et alimenter un fonds pour les forêts a été conclu. Afin d’être en mesure de bénéficier de ce fonds de protection de la forêt, les pays forestiers doivent présenter un plan détaillant la façon dont l’argent alloué sera utilisé.
Pour monter leur « dossier », les pays concernés se sont tournés principalement vers un seul et unique cabinet de conseil : le cabinet McKinsey. Malheureusement, les conseils dispensés par la firme pour lutter contre la déforestation se sont révélés désastreux.
McKinsey entre en scène
Lorsque les gouvernements donateurs ont commencé à évoquer un fonds pour la protection des forêts il y a quelques années, le cabinet McKinsey s’est positionné très rapidement comme un consultant de choix sur cette question.
McKinsey est largement reconnu au niveau mondial comme le cabinet le plus « influent et prestigieux de l’industrie du conseil ». En 2007, pour la cinquième année consécutive, McKinsey a été classé à la première position du classement Vault des cinquante plus grands cabinets mondiaux, et compte parmi ses clients 93 des 100 premières entreprises mondiales … des références qui ont largement de quoi rassurer les pays forestiers !
Le scénario catastrophe en République démocratique du Congo
Fin 2009, McKinsey est chargé de produire une analyse du potentiel REDD de la République Démocratique du Congo. Au final, le plan stratégique élaboré par le Gouvernement Congolais reprend in extenso les recommandations du cabinet, formulées en moins de 5 semaines. Et elles sont en total contradiction avec l’objectif affiché de protection des forêts et de leurs habitants, prévoyant notamment :
– l’expansion de l’industrie forestière sur 10 millions d’hectares supplémentaires de forêt dense humide ;
– des subventions pour l’industrie forestière afin qu’elle limite sa contribution à la dégradation des forêts (750 millions d’euros pour… le maintien de la situation actuelle) !
– plus d’un milliard d’euros annuels à horizon 2030 pour l’agro-industrie (huile de palme, etc.) pour qu’elle localise ses opérations en dehors des forêts denses ;
McKinsey fait systématiquement la part belle aux intérêts industriels. Dans sa vision des moteurs de la déforestation en RD Congo, l’industrie forestière est exonérée de toute responsabilité tandis que le petit paysan est pointé du doigt. Pourtant, McKinsey recommande de dépenser les milliards de la Communauté international pour dédommager les industriels… Cherchez l’erreur !
D’autres pays concernés
Greenpeace publie un rapport mettant en lumière l’influence néfaste de McKinsey sur les plans de lutte contre la déforestation – dans le cadre des négociations climatiques – de plusieurs pays forestiers: l’Indonésie, le Guyana, la Papouasie Nouvelle Guinée et la République Démocratique du Congo.
Le rapport de Greenpeace met à jour de nombreuses failles dans les méthodes utilisées par McKinsey pour produire ses recommandations. Le prestigieux cabinet s’abrite derrière le secret commercial pour ne pas révéler la façon dont il calcule ses chiffres – les fameux coûts d’opportunité, à la base de toutes ses recommandations. Le rapport révèle aussi nombre d’erreurs factuelles et de calculs fantaisistes, contribuant à biaiser son analyse.
Dans l’approche McKinsey, il n’est jamais question de communautés forestières, de biodiversité, ou de services rendus par les écosystèmes forestiers. Les forêts ne sont envisagées que dans une logique financière, comme source de profit pour des industriels ou de contribution à la balance commerciale des pays concernés. Aucune alternative de développement, plus durable et plus équitable, n’est envisagée.
Un pays comme la République Démocratique du Congo ne peut pas se permettre de suivre les conseils de la firme McKinsey ; et les bailleurs de fonds, comme la France, ne devraient plus consacrer l’argent du contribuable à les financer.