Les négociations internationales sur le climat ont démarré à Lima. Nom de code : COP20.
Une COP, c’est une somme de processus diplomatiques complexes, de réunions formelles et informelles, de négociations autour de la table ou dans les couloirs. C’est aussi, entre les délégations, les ONG, les experts et les médias, environ 10 000 personnes.
Dans ce brouhaha qui mêle diplomatie, sciences, politique et revendications, faisons le point.
Les négociations de la COP20 en cours porteront principalement sur les points suivants :
Pour que la conférence de Lima débouche sur un projet d’accord clair et solide, il y a du travail ! Les gouvernements doivent conserver voire renforcer certains aspects, combler certaines lacunes, abandonner les options peu ambitieuses et définir des directives audacieuses concernant les engagements nationaux et les mesures à mettre en œuvre avant 2020.s’accorder sur les principaux éléments du futur du protocole de Paris2015 et sur la voie à suivre pour y parvenir ;définir à quoi devront ressembler les engagements que les pays sont censés prendre avant mars 2015 qui seront in fine dans l’accord de Paris ;
se mettre d’accord sur les actions à mener avant 2020 pour compenser les objectifs peu ambitieux de certains pays au regard de l’urgence climatique
Revue de détails :
2025 date clé des négociations !
L’année 2025 doit impérativement clore la première période d’engagement.
Les textes préparatoires qui constituent le socle des discussions de Lima font l’impasse sur une condition sine qua non : toutes les propositions de contributions nationales devront suivre le même calendrier jusqu’à 2025, année qui devra être la fin de la première période d’engagement du protocole de Paris.
Elle sera ensuite suivie d’autres périodes de cinq ans qui permettront de renforcer les engagements. Il faut absolument éviter que les États présentent des calendriers différents !
Aujourd’hui, les engagements climatiques de la plupart des pays industrialisés (réduction des émissions de gaz à effet de serre et aide aux pays en développement pour faire face aux bouleversements climatiques) courent jusqu’en 2020. C’est le résultat des précédentes négociations sur le climat.
L’accord de Paris l’année prochaine a pour principal objectif de déterminer ce que feront l’ENSEMBLE des pays après cette date. (même si évidemment, il faut aussi tout faire pour renforcer ce qui est fait avant 2020 vu l’urgence de la situation.)
Et concernant les prochaines échéances, il faut que 2025 deviennent la référence. En effet, la situation actuelle est trop problématique et l’ambition des pays trop faible pour que nous nous enfermions pendant encore 15 ans.
Il faut donc que dès la négociation de Lima les pays puissent se mettre d’accord sur cette date d’échéance de 2025 avec évidemment une vision de ce qui doit être fait à plus long terme.
Objectif : ZÉRO
Il faut adopter un objectif audacieux à long terme : sortir des énergies fossiles d’ici à 2050 grâce à une transition équitable vers 100 % d’énergies renouvelables pour tous.
Le protocole qui sera conclu à Paris devra envoyer un message clair aux décideurs et aux investisseurs : il faut avoir totalement cessé d’émettre du carbone dans quelques décennies. L’un des documents préparatoires discutés à Lima propose notamment d’arriver à « zéro émission » en 2050. Cette échéance est conforme aux récents constats du GIEC et doit être conservée dans le projet d’accord. Les moyens pour parvenir à cet objectif doivent être explicités. Pour que l’utilisation et les émissions de combustibles fossiles cessent d’ici à 2050, il est nécessaire de promouvoir des alternatives : une transition équitable vers 100 % d’énergies renouvelables pour tous.
Réorienter les investissements !
Zéro émission, c’est zéro fossile. Zéro fossile, c’est zéro investissement dans les énergies sales ! C’est aujourd’hui envisagé dans les documents de travail à Lima : rendre durables et renouvelables tous les investissements; réorienter les financements privés des combustibles fossiles vers des solutions renouvelables notamment les fonds des agences de crédit à l’export (comme la COFACE en France); supprimer progressivement les investissements à haute teneur en carbone et les subventions aux énergies fossiles ; mettre en place des facilités de crédit internationales pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (comme des obligations vertes par exemple). Ces objectifs devront figurer dans le protocole de Paris pour envoyer un signal clair aux investisseurs.
Zéro émission, et zéro fossile, c’est aussi zéro fausse-solution. nucléaire, captage et stockage de carbone, géo-ingénierie ne doivent pas entrer dans la feuille de route au chapitre des investissements.
Cela nous ferait tout simplement passer à côté de la vraie trajectoire de transformation de nos systèmes dont nous avons cruellement besoin pour faire face à l’urgence climatique. Il serait inconcevable que cette crise soit un prétexte pour promouvoir les intérêts de quelques lobbies cherchant à vendre leurs technologies. On ne peut pas répéter les même erreurs que celles qui nous ont conduit à la situation actuelle avec les changements climatiques et la crise de notre système qui aggrave les inégalités
Au-delà de ces sujets, il s’agira également à Lima de renforcer les contributions annuelles faites au Fonds Vert pour le Climat (GCF) censé aider les pays du sud à lutter contre les changements climatiques. Actuellement à hauteur de 9 milliards de dollars, elles devront atteindre 15 milliards.
Au sujet des engagements nationaux …
Dans le jargon, les diplomates appellent cela les INDCs : « Intended Nationally Determined Contributions » (ou propositions de contributions nationales, en français). Il s’agit d’annonces que chaque pays – ou groupe de pays comme pour l’Union européenne – présente en vue de l’accord.
Pour être acceptables, et réellement tenir lieu d’engagements, ces propositions devront impérativement respecter certains critères :
- ces engagements devront courir jusqu’en 2025 ;
- les pays ne pourront pas faire marche arrière par rapport à leurs précédents engagements;
- les anciens pays industrialisés, ainsi que ceux qui en ont la capacité, devront plafonner les émissions de tous les secteurs économiques et déterminer l’année au cours de laquelle leurs émissions attendront leur niveau maximal ;
- les États seront tenus d’expliquer dans quelle mesure leurs engagements sont équitables et contribuent à la réalisation de l’objectif de contenir la hausse des températures entre 1,5 et 2 °C2 ;
- les États devront également présenter leurs programmes à long terme pour une transition équitable vers des économies 100% renouvelables et diversifiées ;
- ces engagements nationaux devront contenir des dispositions relatives au financement et à l’adaptation aux dérèglements climatiques.
- les pays industrialisés et ceux qui en ont les moyens devront présenter leurs programmes pour augmenter leurs contributions, notamment budgétaires, pour que 100 milliards de dollars soient mobilisés chaque année en faveur des pays en développement d’ici à 2020, et pour que ce niveau de financement soit au moins maintenu par la suite.
Combler les écarts … et donner l’exemple !
Il est indispensable de combler l’écart entre les objectifs et l’urgence climatique. Les mesures que les pays se sont engagées à prendre en 2009 et 2010 ne suffiront pas à atteindre l’objectif de maintenir le réchauffement en-dessous de 1,5 ou 2 °C. En 2011 à Durban, une initiative a été formellement mise en place pour combler cet écart. Cependant, trois ans plus tard, les États n’arrivent toujours pas à convenir des mesures à prendre pour garantir la réalisation de cet objectif.
À Lima, les pays doivent proposer de nouvelles actions plus ambitieuses pour réduire cet écart.
A ce titre, on attend toujours que la France se montre à la hauteur de l’enjeu … alors qu’elle est en retard d’environ deux ans sur le déploiement des énergies renouvelables par rapport à ses objectifs pour 2020 ! Aujourd’hui, avec une part d’énergies renouvelables (ENR) ne représentant que 15% de son énergie finale.