À Bonn, les États doivent se donner les moyens de leurs ambitions climatiques
A Paris fin 2015, les États ont convenu qu’il fallait limiter la hausse des températures bien en-deçà de 2°C et au plus près de 1,5°C pour éviter une emballement catastrophique du climat. Mais les engagements que les pays ont mis sur la table jusqu’à présent nous conduisent à un réchauffement de 3°C…
Ce fossé entre les engagements et les besoins a été dénoncé par le Programme des Nations unies pour l’Environnement dans son dernier rapport : Ce rapport révèle que « les engagements pris par les pays au niveau national ne représentent qu’un tiers des réductions d’émissions nécessaires à l’horizon 2030 pour respecter les objectifs relatifs à la lutte contre les changements climatiques. Les mesures prises par le secteur privé et les mesures à l’échelle infranationales ne se multiplient pas à un rythme qui permettrait de combler cet écart inquiétant. »
L’Organisation météorologique mondiale, dans son dernier Bulletin sur les gaz à effet de serre, affirme que les « concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) ont augmenté à un rythme record en 2016 », une hausse qui risque de « déclencher une modification sans précédent des systèmes climatiques et d’entraîner ainsi de «graves bouleversements écologiques et économiques ».
Pour être cohérents, il faut donc que les États renforcent les mesures prises ou envisagées de façon à les mettre en adéquation avec l’objectif de 1,5°C.
Accusés, levez-vous !
Cette incohérence des États ne passe plus inaperçue. Elle est désormais dénoncée jusque devant les tribunaux. Ces dernières années, les actions en justice se sont multipliées à l’encontre des gouvernements mais aussi des entreprises polluantes : enquête de la Commission des droits de l’homme aux Philippines, action des grands-mères pour le climat en Suisse, condamnation des Pays-Bas pour qu’ils réduisent leurs émissions de CO2…
Bientôt, ce sera au gouvernement norvégien de rendre des comptes sur ses contradictions climatiques. Quelques mois après avoir signé l’accord de Paris, il attribuait des autorisations de forage pétrolier dans la mer de Barents, en Arctique. Greenpeace et une autre ONG ont porté plainte contre le gouvernement norvégien. L’audience est prévue pour le 14 novembre.
En savoir plus sur la justice climatique : https://www.greenpeace.fr/justice-climatique-pollueurs-rendent-comptes/
Tout le monde est concerné
Il n’y a pas de temps à perdre. Des millions de personnes souffrent déjà de l’injustice des changements climatiques. Les gouvernements réunis à Bonn doivent agir en solidarité avec celles et ceux dont la vie est affectée, d’autant plus que cette COP est présidée par les îles Fidji, petit État insulaire qui, comme d’autres, est touché de plein fouet par les conséquences du dérèglement climatique.
L’année 2017, particulièrement dévastatrice avec ses ouragans comme Harvey ou Irma, nous a cependant rappelé qu’aucun pays, industrialisé ou en développement, n’est épargné par les ravages des changements climatiques.
Les habitants de Tacloban, ville des Philippines ravagée par le super-typhon Haiyan en 2013, montrent l’exemple en matière de solidarité climatique : https://www.greenpeace.fr/solidarite-climatique-philippines-montrent-lexemple/
C’est possible
Relever le défi climatique, c’est possible. Dans le monde, le secteur des énergies renouvelables emploie désormais plus de 9,8 millions de personnes et se déploie à une vitesse exponentielle. Tous les ans, les installations de nouvelles capacités d’énergies renouvelables battent de nouveaux records. Même aux États-Unis, n’en déplaise à D. Trump, ce rythme de développement des renouvelables est 12 fois plus rapide que l’ensemble des autres secteurs.
La décision de Donald Trump de se retirer de l’Accord de Paris ne pourra pas stopper la dynamique internationale de lutte contre les dérèglements climatiques impulsée par les citoyens et la société civile, les communautés, les villes et certains acteurs privés. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Par ailleurs, les décideurs internationaux doivent rester clairs sur le fait qu’aucune tentative de de renégociation ou d’affaiblissement de l’Accord de Paris ne sera tolérée.
Les demandes de Greenpeace pour la COP23
Les gouvernements réunis à Bonn doivent avancer dans la définition de règles de mise en œuvre équitables et solides pour l’Accord de Paris, afin qu’elles soient finalisées d’ici à 2018 comme convenu par les États lors de la COP22. Ces règles doivent permettre de rendre l’ensemble des pays redevables de leurs actions et de rendre l’accord de Paris transparent. Elles doivent également permettre de définir des cycles d’ambition de cinq ans, dans le cadre desquels les États seraient amenés régulièrement à faire le bilan de leur action et à mettre à niveau l’ambition de leurs politiques climatiques au regard de l’horizon 1,5°C/2°C.
Par ailleurs, la COP23 doit organiser le “dialogue de facilitation” prévu tout au long de l’année 2018 et censé faire un premier bilan des actions des pays dans la lutte contre les changements climatiques. Dans un contexte où les contributions mises sur la table par les pays à l’occasion de la COP21 fixent la trajectoire de réchauffement global à plus de 3°C, ce “dialogue de facilitation” ne peut pas être juste un moment de bilan. Les États doivent aborder l’année 2018 avec un objectif clair : annoncer une révision à la hausse de leurs contributions nationales sans attendre 2020.
Enfin, la question de la solidarité avec les pays et les populations les plus vulnérables et les plus durement affectées reste centrale et demande une grande vigilance, au vu du manque de volonté politique des pays industrialisés.
L’Union européenne et la France ont une responsabilité particulière dans ce contexte, non seulement dans l’avancée des négociations internationales, mais également dans la mise en œuvre de politiques régionales et nationales cohérentes.
Que doit-on attendre de la France ?
La France, qui n’a cessé de célébrer « l’esprit de Paris », endosse une responsabilité particulière pour faire avancer l’action climatique. Elle doit cesser de freiner les ambitions de l’Union européenne en termes de développement des énergies renouvelables. Ces dernières sont en effet indispensables pour permettre la sortie du charbon au niveau européen. Et sur le plan national, la France doit faire preuve d’une réelle politique de transition énergétique.
Emmanuel Macron ne peut plus se permettre une déconnexion totale entre les grands discours à l’international et l’inaction gouvernementale. Sur la transition énergétique, la France est très en retard. Le développement des énergies renouvelables est complètement bloqué par la prépondérance du nucléaire dans la production d’électricité. Il faut sortir de l’incohérence française sur la politique énergétique et enclencher la fermeture de réacteurs nucléaires.
Mais ce n’est pas la seule incohérence du gouvernement. On observe actuellement une incapacité à engager la transition du modèle agricole vers plus de local et de durable, ce qui est pourtant indispensable pour répondre aux enjeux climatiques – des termes absents du discours d’Emmanuel Macron lors de la clôture de la première phase des Etats généraux de l’alimentation. Et, quelques mois après l’élection d’Emmanuel Macron, nous avons déjà été confrontés aux premiers renoncements du gouvernement comme le recul sur le projet de loi sur la recherche et l’exploration des hydrocarbures ou encore l’ obstination à soutenir le CETA dans un contexte où les conséquences nuisibles pour le climat ont été confirmées par une commission d’experts nommée par le gouvernement.