1. Est-ce que la pollution de l’air augmente notre vulnérabilité face au coronavirus ?
Oui, probablement, mais rien n’est certain. Une exposition chronique à la pollution de l’air rend plus fragile la population qui la subit. La pollution atmosphérique peut être à l’origine de maladies respiratoires sévères, mais aussi de maladies cardio-vasculaires. Tout ce qui rend une population moins saine (pollution atmosphérique comprise) est susceptible d’augmenter les risques posés par les maladies infectieuses. Ceci étant, même s’il est très probable que cela soit vrai pour le coronavirus, il n’y a pas encore d’étude spécifique sur ce virus et l’exposition à la pollution atmosphérique. En l’état actuel des choses, le Covid-19 est encore trop mal connu pour que l’on puisse affirmer les choses avec certitude.
Certains suggèrent que l’incidence du Covid-19 est plus élevée dans les endroits à forte pollution atmosphérique. S’il est plausible qu’il existe une relation de cause à effet, jusqu’à ce que cette relation soit étudiée plus en détail, il faut faire attention à ne pas mélanger causalité et corrélation. Par exemple, les endroits où la pollution est plus élevée ont souvent une densité de population plus élevée, ce qui pourrait être un facteur plus pertinent pour expliquer la transmission du virus.
2. L’amélioration de la qualité de l’air et la baisse des émissions de gaz à effet de serre que l’on observe permettent-elles de dire que le problème est réglé ?
Non, loin de là. Dans plusieurs régions (comme l’Île-de-France ou la région lyonnaise), la qualité de l’air s’est nettement améliorée depuis le début du confinement, et les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont également baissé. C’est notamment lié au fait que le confinement implique une réduction drastique du trafic routier et aérien. C’est donc purement conjoncturel. La baisse des niveaux de pollution atmosphérique et la réduction des émissions des GES que l’on observe permettent cependant de se rappeler l’immense responsabilité des transports dans la pollution de l’air et les dérèglements climatiques (en France, les transports sont le premier secteur émetteur, avec 29 % des émissions de GES en 2016). Mais les effets du confinement seront provisoires. Ils ne perdureront pas après la crise si le secteur des transports n’est pas repensé en profondeur.
3. Est-il possible d’empêcher la pollution de l’air et les émissions de GES liées aux transports de repartir de plus belle une fois la crise passée ?
Oui. Pour cela, il sera nécessaire de repenser complètement le secteur des transports, de sortir de la dépendance au transport routier et aux énergies fossiles, de réguler le transport aérien, et de développer et prioriser les modes de transports plus écologiques : ferroviaire, transports en commun, vélo, marche…
Cela relève évidemment de la responsabilité du gouvernement, qui doit prendre les mesures structurantes qui s’imposent. Les prochaines équipes municipales de nos villes, particulièrement affectées par la pollution automobile, auront également la responsabilité d’organiser et de rendre possible la sortie du diesel, de l’essence et du tout-voiture sur leurs territoires, tout en accompagnant les ménages en difficulté dans cette transition.
Par ailleurs, afin de ne pas maintenir le statu quo et de retrouver des niveaux de pollution trop élevés, comme avant l’épidémie, il est impératif que le gouvernement place la transition écologique et la justice sociale au cœur de la reconstruction économique. Le plan de relance ne pourra pas soutenir des entreprises fortement émettrices en carbone, dont les activités sont incompatibles avec l’Accord de Paris pour la lutte contre le changement climatique. Cela ne ferait que nous précipiter dans la prochaine crise mondiale.
Ainsi, en ce qui concerne les entreprises automobiles, un dispositif de sauvetage financier (donc un soutien ponctuel à court terme, qu’il faut distinguer du plan de relance déployé sur le long terme) ne peut pas être envisagé si elles ne repensent pas leur modèle économique. À savoir :
- si elles continuent à miser sur la production et la vente de véhicules carburant aux énergies fossiles au-delà de 2030 ;
- si elles continuent à miser sur la vente de véhicules plus lourds, plus puissants et plus dangereux pour le climat (de type SUV) ;
- si elles ne prennent pas en compte le défi de réduire le nombre de véhicules en circulation au profit des mobilités partagées et d’autres modes de déplacement que la voiture.
Le secteur de l’aviation est l’un des plus touchés par la crise actuelle. Partout dans le monde, les compagnies aériennes, comme Air France, demandent à être renflouées par de l’argent public. Et ce, alors même que certains dirigeants ont de très hautes rémunérations et que l’aviation bénéficie déjà d’un traitement de faveur par rapport à d’autres modes de transport, notamment à travers des avantages fiscaux injustifiés. Pour rappel, l’avion est le moyen de transport le plus émetteur de gaz à effet de serre par personne et par kilomètre parcouru. D’après le GIEC, l’aviation civile représenterait au moins 5 % de l’impact climatique attribuable aux activités humaines. Pourtant, le trafic aérien ne fait qu’augmenter, y compris sur des trajets de courte distance où des alternatives existent. Ces éléments justifient a minima que tout plan de sauvetage des entreprises du secteur aérien soit soumis à de strictes conditions politiques, financières, sociales et environnementales.
4. Les emplois du secteur de l’automobile et de l’aviation vont-ils tous disparaître ?
Non. Dans le contexte actuel de crise, un soutien ponctuel à ces industries polluantes doit avoir pour objectif prioritaire la protection des salarié·es impacté·es, puis leur formation et leur reconversion vers des emplois dans des secteurs cohérents avec le défi climatique. De plus, il devra s’inscrire dans une logique globale de reconversion sociale et écologique des entreprises, et aller de pair avec des choix politiques forts pour limiter l’impact du secteur des transports sur notre santé et le climat.
L’argent public qui sera injecté à plus long terme dans le secteur des transports devra être dédié à la création d’emplois qui s’inscrivent dans un modèle économique plus écologique : le ferroviaire, les transports publics, le vélo…
Le versement des dividendes et le rachat d’actions dans les entreprises doivent également être immédiatement suspendus (puis rapidement encadrés) afin que les salarié·es œuvrant dans ces secteurs ne deviennent pas une variable d’ajustement.
Une action politique audacieuse est nécessaire afin d’accélérer la décarbonation des transports. Un retour à l’avant-crise sanitaire n’est pas envisageable, au risque d’aggraver la crise écologique.
Aller plus loin
Lire notre premier décryptage : Covid-19, climat et environnement : 5 questions à se poser.
Politique des transports : explorer le tableau de bord climatique du Réseau Action Climat.