Coupe du monde au Qatar : écologique, vraiment ?

Une Coupe du monde de football soi-disant écologique ?

Cette Coupe du monde de football masculin au Qatar est présentée par ses organisateurs comme un grand événement sportif écologique. Mais derrière cette belle image, le Mondial 2022 affiche d’ores et déjà un bilan carbone catastrophique. Les affirmations du Qatar et de la Fifa concernant la neutralité carbone semblent trompeuses et peuvent être considérées comme du greenwashing. En effet, tels qu’ils sont conçus, ces grands événements comme la Coupe du monde de football peuvent difficilement être “neutres en carbone”. Les bus électriques et autres mesures mises en place par les organisateurs pour compenser les émissions de CO2 n’auront qu’un impact minime par rapport à l’empreinte carbone de la construction d’immenses stades, routes et bien d’autres infrastructures indispensables pour ce type d’événement sportif. En réalité, l’empreinte carbone liée à ces constructions pourrait avoir été sous-estimée d’un facteur huit, d’après un rapport de l’ONG Carbon Market Watch. Plusieurs plaintes ont d’ailleurs été déposées à l’encontre de la FIFA, organisatrice de la Coupe du monde de foot, pour publicité mensongère.

Des centaines de vols “navettes” dans la région

Autre problème majeur sur le plan environnemental : la multiplication des vols dans la région en raison d’un nombre de logements insuffisant pour accueillir plus d’un million de supporters de football. Entre 1,5 et 1,7 million de fans devraient voyager dans un pays de 2,8 millions d’habitants, et environ 500 000 visiteurs sont attendus les jours les plus chargés. Malgré la multiplication des hôtels de grande hauteur depuis l’annonce de la FIFA en 2010, un manque d’hébergement est prévu. De ce fait, Qatar Airways, sponsor de la Coupe du monde, a signé en mai 2022 des protocoles d’entente avec Flydubai, Kuwait Airways, Oman Air et Saudia introduisant des “vols de navette de jour de match”, qui permettront aux fans des pays voisins d’arriver le matin et de repartir le soir. Quant à la Direction Nationale de l’Aviation Civile, elle prévoit un rythme de mouvement quotidien de 2 000 avions d’une semaine avant le lancement jusqu’à deux jours après l’événement.

Or, rappelons que le secteur aérien est responsable d’émissions de CO2 conséquentes et croissantes, mais pas seulement. L’aviation a aussi des effets hors CO2  sur le climat, du fait de l’émission à haute altitude d’oxydes d’azote, de vapeur d’eau et de particules fines. Ces effets hors CO2 sont inexistants, ou très faibles, pour les autres modes de transport. Ainsi, proposer quotidiennement des centaines de vols courts, uniquement pour transiter d’un hôtel à un stade de foot, est totalement contradictoire avec cette politique de “neutralité carbone” affichée par les organisateurs de la Coupe du monde au Qatar.

Des stades de foot climatisés à ciel ouvert

Le choix de faire tourner des systèmes de climatisation très énergivores, dans des stades de foot à ciel ouvert, est également une aberration d’un point de vue écologique. Pour rappel, le Qatar a un climat désertique avec de longs étés s’étendant de mai à septembre, caractérisés par une chaleur sèche intense et des températures dépassant les 45°C, rendant un événement sportif en plein air pendant cette période impossible pour des raisons de sécurité. En conséquence, la Coupe du monde de football 2022 sera la première organisée par la FIFA à ne pas se tenir en mai, juin ou juillet, mais plutôt de fin novembre à mi-décembre. Malgré ce déplacement de calendrier, les organisateurs ont prévu de laisser la climatisation bien allumée dans des stades à ciel ouvert. Or, la climatisation ne fait qu’alimenter un cercle vicieux : elle contribue activement au réchauffement climatique, notamment du fait des émissions des fluides frigorigènes.

 

Le Qatar et la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord déjà gravement impactés par le changement climatique

Cette édition 2022 de la Coupe du monde risque donc de contribuer à aggraver le changement climatique dont le Qatar et de nombreux pays de la région sont pourtant d’ores et déjà victimes. Selon un récent rapport du laboratoire de recherche de Greenpeace International et du bureau de Greenpeace Moyen Orient et Afrique du Nord (MENA), “Living on the Edge”, cette région du monde fait face à une flambée des températures, à une pénurie d’eau ainsi qu’à l’insécurité alimentaire, des conséquences directes du changement climatique. Par exemple, le réchauffement climatique s’est intensifié pendant les mois d’été dans la péninsule arabique, avec des températures augmentant d’environ 2°C – 3°C, par rapport au début du siècle précédent. Ainsi, selon le rapport : “la région MENA se réchauffe presque deux fois plus vite que la moyenne mondiale et est particulièrement vulnérable aux effets et à l’impact du changement climatique, y compris la rareté extrême de l’eau”.

Les droits des travailleurs étrangers non respectés

À ces problèmes environnementaux s’ajoutent des violations manifestes des droits humains. Nous ne pouvons pas prétendre sauver l’humanité du changement climatique tout en acceptant l’injustice sociale et économique. Or, plusieurs organisations de défense des droits humains ont mis en évidence l’ampleur des abus des droits des travailleuses et travailleurs étrangers mobilisés pour la construction des infrastructures de la Coupe du monde au Qatar. L’organisation Amnesty International alerte depuis 2016 sur l’exploitation des travailleurs migrants sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar. Selon une enquête du Guardian, plus de 6 500 travailleurs étrangers ont péri au Qatar depuis que le pays a été sélectionné pour accueillir la Coupe du monde en 2010.

Faut-il boycotter la Coupe du monde de foot ?

Le sport reste une joie pour des millions de personnes sur Terre, il est donc difficile de demander aux fans de foot de se priver d’un événement qu’ils et elles attendent depuis longtemps. De ce fait, nous déplorons que cette Coupe du monde 2022 au Qatar ait raté l’occasion de repenser globalement l’organisation et l’impact environnemental de ce type d’événement mondial. Nous ne réclamons pas l’annulation pure et simple des Mondiaux de football ou d’autres événements sportifs de cette envergure. Les impacts néfastes de la Coupe du monde 2022 sont malheureusement déjà là et il convient aujourd’hui de les limiter autant que possible.

Nous incitons donc les citoyennes et citoyens à limiter leurs déplacements en avion. Et nous encourageons les fans de foot à suivre la Coupe du monde depuis leur canapé, leur bar préféré, leur jardin, leur parc, avec leurs ami·es et leurs voisin·es. Nous appelons aussi les responsables politiques ainsi que les célébrités à ne pas se rendre sur place, au Qatar, à la fois pour limiter leur empreinte carbone et pour dénoncer les aberrations environnementales et les atteintes aux droits humains liées à cet événement.

Ce serait notamment un geste clair pour que la FIFA s’engage enfin dans de véritables changements profonds face à l’urgence climatique et prenne ses responsabilités. Les Coupes du monde et les investissements qu’elles attirent et génèrent devraient être utilisés pour accompagner la transformation systémique des pays hôtes vers un avenir vert et pacifique.

Le monde du football doit cesser de prendre à la légère la crise climatique et environnementale. En marge d’un match PSG-Juventus, nos activistes dénonçaient les déplacements en jets privés et les déclarations à la limite du climato-scepticisme.

Quelles solutions pour une Coupe du monde plus écologique ?

Accueillir une Coupe du monde de football “neutre en carbone” comme le promet la FIFA reste un défi extrêmement difficile. Néanmoins, plusieurs propositions sont déjà sur la table et permettraient de diminuer les dégâts environnementaux causés par ce type d’événement mondial. Pour cela, il est urgent et primordial de procéder à un changement profond au sein de la FIFA avec des objectifs à long terme.

Il faut exiger la mise en place de critères strictes et respectant sérieusement les enjeux environnementaux et climatiques dans les pays hôtes. Il est notamment primordial de réduire le plus possible l’empreinte carbone liée aux transports lors des événements sportifs internationaux, en privilégiant des modes de transports plus écologiques. Il faut également limiter voire ne plus construire de nouvelles infrastructures néfastes pour le climat et l’environnement.

La Coupe du monde 2022 au Qatar n’est clairement pas écologique. Ne ratons pas les prochaines opportunités. Il est grand temps de réinventer ces grands évènements sportifs pour en faire des moments forts, de paix et de respect pour la planète.