Le 25 avril dernier, l’ONG Global Witness et le Centre Européen pour les Droits constitutionnels et les Droits de l’Homme (European Center for Constitutional and Human Rights, ECCHR) ont déposé une plainte contre un responsable de la compagnie d’exploitation forestière suisso-allemande Danzer, auprès du parquet de Tübingen, en Allemagne. Il est accusé d’être responsable, par omission, de graves violations des droits de l’homme, perpétrées à l’encontre de membres d’une communauté forestière en République Démocratique du Congo en mai 2011.
Les faits remontent au 2 mai 2011, quand des habitants de la communauté forestière de Yalisika, vivant sur le territoire de Bumba (Province de l’Équateur), ont été victimes d’extrêmes violences de la part d’un groupe de policiers et de militaires locaux. L’origine de ce déferlement de violence : la révolte grandissante des villageois face au groupe Danzer qui exploitait alors leur forêt pour son bois. Ce qui est reproché au responsable du Groupe Danzer est de n’avoir pas su prévenir les violences commises par les forces de sécurité congolaises contre la population civile de Yalisika. Selon des témoignages, les débordements auraient été facilités par un responsable de la filiale congolaise du groupe, SIFORCO. Il aurait par exemple été vu en train de payer les forces de « sécurité »… (A lire : le témoignage de René Ngongo , chargé de campagne pour Greenpeace International).
Danzer ne respectait pas ses engagements
Depuis de nombreuses années, Danzer avait déjà à plusieurs reprises été impliquée dans des faits aussi graves. C’est souvent le même cas de figure qui se reproduit. En avril 2011, des villageois du territoire de Bumba s’étaient révoltés contre la compagnie, l’accusant de ne pas avoir respecté ses engagements, imposés par le « Cahier des Charges ». La Siforco a débuté l’exploitation du bois dans la région de Bosanga en 1993 et avait donc conclu un « Cahier des Charges » avec les représentants des communautés en janvier 2005. La société s’y engageait à construire une école, un poste de santé et d’autres infrastructures. Ces contrats sont une obligation légale, le seul « bénéfice » octroyé aux communautés locales lorsqu’un exploitant forestier jette son dévolu sur leur forêt. Pourtant, la compagnie n’a dans les faits pas respecté une grande partie de ses engagements… Dans des territoires isolés comme les forêts congolaises, l’Etat est absent ou manque totalement de moyens.
Une violence innacceptable
Suite à des protestations grandissantes de la part de la communauté de Yalisika, une violence inouïe s’est alors abattue sur le village. Un villageois – Frédéric Moloma Tuka – est mort de ses blessures, des femmes et jeunes filles ont été violées, plusieurs villageois ont été tabassés, de nombreux biens ont été détruits et 16 personnes ont été arrêtées. Après avoir révélé ces faits, Greenpeace publiait en novembre 2011 un rapport complet. « Futur volé : Conflits et exploitation forestière au cœur des forêts congolaises – le cas Danzer ».
Des actions contre l’impunité
Les victimes de la communauté de Yalisika ont même déposé une plainte en RDC. Elles sont aujourd’hui représentées par Avocats Sans Frontières .
Début 2012, la société Danzer a vendu ses activités d’exploitation forestière au groupe américain Blattner Elwyn, laissant derrière elle un territoire ravagé et une population traumatisée. Depuis le début du scandale, Greenpeace a mené différentes actions pour donner la voix à ces protestations locales et dénoncer les organismes internationaux (AFD et les bailleurs internationaux) qui soutiennent ce type d’exploitation industrielle. Ce fut le cas à Caen, où 12 activistes de Greenpeace avaient pénétré dans la zone de stockage du port de Blainville pour intervenir sur une quinzaine de troncs de bois tropical appartenant au groupe Danzer.
Cette action en justice en Europe est une très bonne nouvelle pour les communautés forestières de République Démocratique du Congo et pour leurs forêts face aux abus commis par les sociétés forestières.