La consommation en Europe renforce la déforestation dans le monde
Les forêts sont essentielles à la vie sur Terre : puits de carbone précieux qui abritent 80% de la biodiversité terrestre, les forêts fournissent de nombreux services aux populations humaines. Malgré l’importance de ces écosystèmes, la déforestation mondiale se poursuit à un rythme effréné d’environ 10 millions d’hectares par an entre 2015 et 2020.
L’agriculture est à elle seule responsable de 88% de la déforestation mondiale, et l’élevage est le premier moteur de la destruction des forêts en raison de la surface nécessaire au pâturage du bétail et à la production de l’alimentation animale.
De nombreuses études ont été conduites pour déterminer l’impact de la consommation européenne sur la déforestation. Ainsi, il a été démontré au cours de la décennie 2010 que l’Union européenne, qui compte environ 5,5 % de la population globale, est responsable de 10% de la déforestation mondiale, et de 16% de la déforestation liée au commerce international. Le soja pour l’alimentation animale, l’huile de palme, la viande de bœuf et les produits dérivés du bois sont les importations européennes qui contribuent le plus à la déforestation à l’étranger.
Le poids de la consommation européenne dans la déforestation est donc conséquent. C’est pour cela que la société civile s’est mobilisée, notamment Greenpeace, et que près d’1,2 million de citoyen·nes ont poussé les institutions européennes à agir contre ce phénomène aux conséquences désastreuses.
Un règlement européen ambitieux pour lutter contre la déforestation
Après un processus législatif entamé en décembre 2021, l’Union européenne a adopté un règlement qui vise à mettre fin à la commercialisation en Europe de produits issus de la déforestation. Ce texte, à l’ambition inédite, peut marquer un tournant dans la lutte contre la déforestation mondiale : c’est la première fois qu’une législation interdit la commercialisation de produits résultant de la destruction des forêts. Ce règlement concerne les produits issus de l’élevage bovin, le cacao, le café, l’huile de palme, le caoutchouc, le soja et le bois.
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Concrètement, une fois le règlement entré en vigueur, si une entreprise souhaite vendre dans l’Union européenne un produit concerné par le règlement, elle devra prouver au préalable que son produit n’est pas issu de la déforestation. Le règlement prévoit un éventail de sanctions économiques et commerciales en cas de non-respect du règlement.
La question cruciale des autorités compétentes
Par ailleurs, ce règlement fixe un niveau minimum de contrôles à réaliser annuellement par les États membres. Ainsi, chaque année, 9% des importations de produits couverts par le règlement venant d’un pays associé à un niveau de risque élevé devront être contrôlées.
La question des contrôles et plus globalement de la désignation des autorités nationales chargées de faire appliquer ce règlement est par ailleurs un élément clé. Pour garantir l’efficacité du règlement, il faudra que chaque État membre s’assure de mettre à la disposition des autorités compétentes les moyens humains et économiques adéquats pour répondre aux exigences de cette nouvelle législation. Faute de quoi, ce règlement risque de tomber dans les travers rencontrés par le règlement sur le bois illégal, qui n’a pas permis d’enrayer le trafic de bois dans l’UE faute de moyens.
Des révisions pour remédier à de fortes lacunes
Si ce règlement pose des bases intéressantes, il doit être amélioré pour remédier à des lacunes qui en amenuisent aujourd’hui la portée. Ainsi :
- Outre les forêts, le règlement doit protéger d’autres écosystèmes actuellement détruits pour les importations européennes, comme les autres terres boisées. Ce type d’écosystème est largement présent dans le Cerrado brésilien, une vaste région arborée détruite pour produire du soja exporté, entre autres, dans l’Union européenne.
- Le spectre des commodités concernées par le règlement doit être élargi à d’autres produits, comme l’ensemble des produits issus de l’élevage – et pas seulement bovin, comme c’est le cas actuellement – et le maïs.
- Le secteur financier européen doit lui aussi être concerné par la lutte contre la déforestation : des règles doivent être fixées pour qu’il ne finance plus les activités qui détruisent les écosystèmes naturels.
Tous ces points auront l’occasion d’être examinés : à diverses échéances prévues par le règlement européen.
- Une première révision concernant la protection des autres terres boisées est susceptible d’être effectuée un an après l’entrée en vigueur du règlement.
- L’année suivante, c’est l’inclusion du secteur financier et l’élargissement à d’autres écosystèmes et produits qui pourront être soumis à débat.
- De plus, une révision globale du règlement aura lieu cinq5 ans après son entrée en vigueur.
Ces révisions constituent autant d’occasions d’améliorer fondamentalement la portée du règlement.
Il reste du chemin à parcourir, c’est pourquoi nous restons mobilisés
En résumé, ce règlement sur la déforestation importée revêt un haut niveau d’ambition et pose des jalons pertinents dans la lutte contre le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Cela étant dit, Greenpeace restera mobilisée pour s’assurer :
- De la bonne application de ce règlement par les États membres, qui devront doter les autorités compétentes de moyens adéquats, tant sur le plan économique qu’humain.
- De la bonne conduite des différentes révisions prévues par le règlement, qui devront permettre d’en étendre le champ d’application à d’autres écosystèmes, à d’autres produits et au secteur financier.
C’est en répondant à ces deux conditions que l’UE et les États membres feront de cet outil prometteur un instrument réellement déterminant dans la lutte contre le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité.