Greenpeace France dévoile dans un rapport accablant comment les lobbies agricoles manipulent la gestion de l’eau, avec la complicité de l’État, pour maintenir des pratiques d’irrigation intensive nuisibles à l’environnement. Les résultats de notre enquête menée sur deux bassins, Adour-Garonne et Loire-Bretagne, sont édifiants : entre l’affaiblissement des instances locales, le rejet des conclusions scientifiques et la surreprésentation des intérêts de l’agriculture industrielle, voici 5 preuves de cette gestion de l’eau à la solde des lobbies.

5 preuves que les lobbies agricoles manipulent la gestion de l’eau

Greenpeace France dévoile dans un rapport accablant comment les lobbies agricoles manipulent la gestion de l’eau, avec la complicité de l’État, pour maintenir des pratiques d’irrigation intensive nuisibles à l’environnement. Les résultats de notre enquête menée sur deux bassins, Adour-Garonne et Loire-Bretagne, sont édifiants : entre l’affaiblissement des instances locales, le rejet des conclusions scientifiques et la surreprésentation des intérêts de l’agriculture industrielle, voici 5 preuves de cette gestion de l’eau à la solde des lobbies.

1. Une irrigation intensive qui assèche les ressources

L’irrigation agricole, bien qu’elle ne concerne que 6,8 % de la surface agricole utile, engloutit 46 % de la consommation totale d’eau en France (selon les données de l’Assemblée nationale). Le maïs, principale culture irriguée, mobilise 38 % de ces surfaces irriguées, alors que 85 % de sa production est destinée à l’alimentation animale ou à l’exportation. Pendant ce temps, les nappes phréatiques s’épuisent, et les conflits d’usage s’intensifient. Pourtant, les lobbies de l’agriculture industrielle continuent de défendre ce système coûteux et polluant, exacerbant ainsi la pression sur des écosystèmes fragiles, au détriment de modèles agricoles plus vertueux. Malgré les alertes d’institutions telles que la Cour des comptes et France Stratégie, l’État continue de fermer les yeux sur ce gaspillage organisé.

2. Un déni scientifique systématique des enjeux écologiques

Les représentants de l’agro-industrie dénigrent régulièrement les études scientifiques démontrant la nécessité de réduire les prélèvements d’eau. Au sein des instances locales de gouvernance de l’eau, ces représentants vont jusqu’à exercer des pressions sur les établissements publics qui conduisent ces études, ou encore exigent des analyses socio-économiques pour affaiblir leur portée. Ces tactiques visent à retarder les décisions essentielles pour préserver l’eau. En effet, ces représentants d’une agriculture industrielle parviennent ainsi soit à bloquer l’application de volumes prélevables (les volumes que peuvent prélever les agriculteurs) conformes aux capacités des milieux aquatiques, soit à maintenir des volumes historiquement élevés, bien supérieurs à ce que les milieux peuvent supporter. Ce déni scientifique bloque tout progrès vers une gestion durable de la ressource.

3. Le report constant des échéances réglementaires

Certaines instances responsables de la gestion de l’eau se retrouvent ainsi à voter pour des reports successifs d’échéances de réduction des prélèvements, malgré la situation désastreuse des milieux aquatiques. Le bassin de la Boutonne, par exemple, a vu l’objectif de réduction des prélèvements être repoussé de 2015 à 2027, sur fond de forte pression des lobbies agricoles. Ces retards permettent à l’agriculture intensive de continuer son irrigation excessive, malgré les mises en garde des experts.

4. Une surreprésentation des intérêts de l’agro-industrie dans les instances locales de gouvernance

Les instances locales de gestion de l’eau sont censées incarner une gouvernance démocratique et équilibrée, prenant en compte les besoins des usagers mais aussi les remontées des associations environnementales. Pourtant, les représentants agricoles se retrouvent surreprésentés au sein de ces instances. Ce rapport d’enquête de Greenpeace dans les sous-bassins de la Boutonne et du Clain révèle que les commissions locales de l’eau, en particulier, sont noyautées par l’agro-industrie : les représentants agricoles “officiels” qui y siègent ne représentent qu’un seul modèle agricole, à savoir une céréaliculture intensive destinée majoritairement à l’exportation et à l’alimentation des animaux, tandis que nombre de membres représentant des collectivités territoriales ont une “double-casquette”, c’est-à-dire qu’ils sont liés au système agro-industriel par des intérêts privés. Cette concentration des pouvoirs dans les mains de l’agriculture intensive empêche un débat véritablement représentatif et nuit à l’équilibre des décisions prises.

5. Des préfets complices des lobbies agricoles

Alors qu’ils sont censés garantir une gestion équilibrée de la ressource en eau, certains préfets privilégient les intérêts agricoles au détriment de la préservation des milieux aquatiques. Par exemple, l’ex-préfet de la Vienne, Jean-Marie Girier, a systématiquement soutenu les demandes des agriculteurs irrigants, allant jusqu’à remettre en cause des études scientifiques sur l’impact des prélèvements d’eau. Cette complaisance de l’État avec l’agro-industrie fragilise la protection des milieux aquatiques et conduit à la mise en place de politiques publiques favorables à l’irrigation intensive.

En conclusion, notre rapport démontre à quel point la gestion de l’eau a été verrouillée par les intérêts d’une agriculture intensive dans des territoires connaissant des conflits d’usage majeurs, avec une forme d’assentiment des autorités publiques. Face aux défis climatiques et environnementaux, il devient urgent de renforcer la gouvernance de l’eau pour éviter la multiplication des conflits d’usage et préparer la nécessaire transition agro-écologique. Les lobbies agricoles ne doivent plus dicter la politique de l’eau, et le gouvernement doit enfin prendre les mesures nécessaires pour défendre l’intérêt général et préserver cette ressource précieuse.