À l’heure où la COP 27 vient de se clore dans une quasi indifférence générale avec un énième constat que les États restent impuissants devant la catastrophe climatique en cours, comment s’étonner que des jeunes (et aussi moins jeunes parfois !) qui voient notre avenir hypothéqué par des décennies de petits pas, de renoncements face aux lobbys tout puissants cherchent par tous les moyens à faire entendre leur colère, leur désespoir ? Comment ne pas entendre aussi les alarmes des scientifiques qui appellent à la désobéissance civile, désespérés que leurs travaux ne mènent pas à des actions fortes des gouvernements ? Eux aussi, pour certains et certaines, se sont résolus à s’extraire de leurs travaux de recherche pour prendre des risques, passant même parfois des jours en garde à vue (comme s’ils représentaient une menace pour la société) pour, sur le terrain, aller dénoncer les activités climaticides des entreprises polluantes ou le manque de courage politique des ministères.
À Greenpeace, nous revendiquons la désobéissance civile comme un levier puissant pour faire avancer des revendications. Si aujourd’hui nos centrales nucléaires sont mieux protégées, c’est sans conteste grâce à la preuve de leur vulnérabilité que nos activistes ont démontrée en y pénétrant à plusieurs reprises ces dernières années. Si Total a fini par renoncer à utiliser de l’huile de palme dans les agrocarburants produits à la Mède, c’est grâce aux actions menées pour jeter la lumière sur l’absurdité de détruire des forêts indonésiennes pour remplir les réservoirs de nos voitures. Bien sûr, toutes ces actions ont aussi été accompagnées de rapports, d’enquêtes sur le terrain, de témoignages, d’investigations, d’actions juridiques. Mais qui peut nier que l’impact médiatique de ces intrusions ou occupations non-violentes ont été clé pour obtenir des avancées ? Ces actions non-violentes ont toujours pour but d’interpeller la société, de créer du dialogue quand les rapports ne suffisent pas, de communiquer directement avec les responsables politiques ou économiques pour provoquer une réaction.
Quelles que soient les critiques de leurs détracteurs, ces actions menées par les collectifs Dernière rénovation, Just Stop Oil, Scientifiques en rébellion tout comme Extinction Rebellion ont ceci en commun : elles sont totalement non-violentes et ont la volonté de réussir là où nous sommes tous et toutes collectivement en train d’échouer. Oui l’immense majorité de l’opinion publique est sensibilisée à l’urgence climatique, non la prise de conscience est encore insuffisante pour imposer un réel revirement dans l’action politique.
Au cours de l’histoire, nombreux sont les exemples d’actions de désobéissance, des suffragettes aux actions contre la discrimination raciale, qui ont dérangé l’opinion, suscité des railleries, des commentaires haineux, violents comme on en voit aujourd’hui. Qui nierait aujourd’hui l’importance des avancées que ces mouvements ont pourtant obtenues ? Personne ne peut aujourd’hui prédire l’impact à long terme de ces actions. Au lieu de susciter haine et moqueries parfois d’une grande violence, elles devraient nous interroger sur ce qui pousse ces activistes à s’exposer ainsi. Pourquoi ne pas juste accepter qu’elles sont le reflet d’une rébellion contre l’indifférence et l’apathie de nos politiques qui ne cessent de faire des promesses sans jamais les tenir ? Pourquoi certaines personnes sont-elles plus en colère contre ces actions que contre l’inaction du gouvernement ou le greenwashing des multinationales ? L’extrémisme n’est pas du côté de ces activistes, mais bel et bien de ceux et celles qui font tout pour ne rien changer à notre système prédateur. Oui, leur colère est légitime car la situation actuelle doit nous mettre en colère.
À Greenpeace, nous sommes solidaires de ces mouvements qui émergent et qui attestent de la vitalité d’une génération qui ne souhaite pas rester sans rien faire alors que notre avenir est sur le point de s’écrouler. Que ce soit dans le cadre de ces actions ou pour d’autres mobilisations écologiques comme celle contre les méga-bassines, nous sommes consterné·es par l’outrance des qualificatifs employés à leur égard, de l’écovandalisme à l’écoterrorisme, comme tentative sémantique de disqualification des objectifs légitimes de l’ensemble des militants et militantes écologistes. Non, la violence n’est pas dans le camp de celles et ceux qui agissent à visage découvert, respectent les principes de la non-violence en action. La violence est dans le camp de celles et ceux qui veulent maintenir leurs privilèges et cherchent à préserver un système destructeur, aveugles à la réalité des catastrophes en cours.
Au lieu de céder à la critique facile, nous devrions au contraire accepter d’être choqué·es, de nous laisser bousculer dans nos préjugés comme un moyen d’accepter la réalité : sans action forte des politiques et la transformation en profondeur de nos modes de vie, de notre façon de produire et de consommer, il est illusoire d’espérer offrir aux générations futures un avenir désirable et une planète habitable.