Depuis le 14 septembre plus de 30 survols par des véhicules aériens sans pilote, mieux connus sous le nom de drones, ont été recensés sur 19 sites nucléaires français, dont 14 centrales nucléaires exploitées par EDF.
Les motivations et objectifs de ces survols non autorisés restent encore inconnus à ce jour. Ces drones violent de façon flagrante l’interdiction d’accès à l’espace aérien au-dessus et à proximité des centrales nucléaires. À ce jour, EDF et les autorités nationales de sûreté et de sécurité nucléaires se sont avérées incapables d’anticiper, de détecter et d’empêcher ces survols, ainsi que d’identifier les responsables.
Dans ce contexte de survols à répétition, Greenpeace a sollicité John Large, expert britannique en matière de sécurité nucléaire, afin d’établir un rapport détaillé sur les risques que font peser les drones sur des centrales françaises vulnérables.
A l’occasion de son audition par les parlementaires de l’Office Parlementaire d’Évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Greenpeace remet aujourd’hui ce rapport aux autorités (Direction de l’ASN, de l’IRSN, ministère du Développement Durable, Matignon, ministère de l’Intérieur et OPECST). Ce document n’est pas rendu public ce jour, car Greenpeace souhaite éviter que des informations sensibles puissent être facilement accessibles à des personnes mal intentionnées.
Le danger est réel : les centrales nucléaires françaises sont vulnérables
La vulnérabilité des installations nucléaires française n’est plus à prouver : à la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011, l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) a identifié les failles et les vulnérabilités des centrales nucléaires en exploitation, et a rendu ces éléments publics. (Lire le rapport et les recommandations de l’ASN)
L’absence de noyau dur sur les installations nucléaires françaises est un risque en soi :
Le concept de « noyau dur » vise à disposer de structures et équipements résistant à des événements extrêmes assurant les fonctions vitales pour la sûreté du réacteur. Il s’agit de protéger les matériels nécessaires à la maîtrise des fonctions de sûreté vis-à-vis d’aléas notablement supérieurs à ceux retenus pour le dimensionnement général de l’installation, de manière à assurer une protection ultime des installations vis-à-vis des agressions.
L’absence de « noyau dur » aujourd’hui, signifie que les centrales nucléaires françaises sont privées d’une barrière de protection ultime en cas de perte totale des alimentations électriques externes et internes. C’est ce qui s’est produit à Fukushima, entraînant la perte catastrophique de trois unités nucléaires.
Concernant les piscines de désactivation, qui peuvent contenir plusieurs centaines de tonnes de combustible, l’ébullition de l’eau pourrait démarrer, dans certaines circonstances, dans un délai de six heures, entraînant une réaction puissante entre les gaines combustible et la vapeur, l’accumulation d’hydrogène et un risque élevé d’explosion dans un délai d’environ 10 à 12 heures.
Les programmes de renforcement ont pris du retard, si bien que le programme « noyau dur » ne sera certainement pas achevé en 2018, comme prévu initialement par l’ASN, mais dans le meilleur des cas quatre ans plus tard, c’est-à-dire en 2022.
Ces retards sont très inquiétants, d’autant plus que ces programmes laissent entendre clairement que toutes les centrales françaises sont vulnérables en cas de menaces extérieures, et que l’ensemble du parc doit subir des modifications substantielles qui prendront plusieurs années pour pallier ces faiblesses.
Image : Survolez avec votre souris les différentes zones de la centrale pour en connaître les caractéristiques et les risques associés
Les drones semblent pour l’instant avoir le dessus
Nombre des survols en question ont eu lieu pendant la nuit, manifestement pour échapper à la vigilance humaine. Mais ils se sont aussi avérés extrêmement difficiles à détecter par les équipements de surveillance installés sur les sites nucléaires, puis par les systèmes militaires avancés mis en place sur certaines installations.
Les drones se jouent manifestement très facilement des lignes de défense des centrales. C’est ce que montre ce rapport et nous espérons qu’en le remettant aux autorités, cela provoquera chez elles un changement d’attitude qui soit à la hauteur de cette nouvelle menace.
Des mesures qui tardent trop
Cette situation est une préoccupation pour les Commissions locales d’information (CLI), pour les élus locaux, les associations et les citoyens… Elle n’a que trop duré et appelle une action rapide et responsable de la part des pouvoirs publics.
En tout premier lieu, un renforcement des compétences de l’ASN doit être décidé, afin de lui confier la mission de veiller à la robustesse des installations nucléaires aux actes de malveillance
De plus, un effort prioritaire et urgent doit être fourni pour réduire la vulnérabilité des piscines de désactivation des centrales d’EDF : réduction du volume de combustibles entreposés dans ces piscines, qui doit être limité aux seuls combustibles déchargés pendant le temps nécessaire à leur refroidissement avant tout transfert. ET renforcement des dispositifs de sûreté concernant les piscines de désactivation avec notamment la « bunkerisation » de l’enceinte des bâtiments, aujourd’hui trop légère pour résister.
Enfin, l’intégration par EDF des recommandations de l’ASN pour protéger les centrales contre l’ensemble des agressions externes, y compris malveillantes, doit intervenir dans les meilleurs délais .