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Emmanuel Macron
En Marche !

Publié le 06 mars 2017 – mis à jour le 7 avril 2017

Effets d’annonce, mesurettes et engagements dans la continuité du quinquennat qui se termine : au final la recette d’Emmanuel Macron sur l’environnement est bien fade. Il surfe sur les vagues les plus consensuelles : un peu plus de bio, un peu plus de renouvelables, etc. sans proposer de remise en cause en profondeur du modèle économique dominant et de son impact désastreux sur notre environnement. Rien de très enthousiasmant donc.

 

Transition énergétique : pas mieux que François Hollande

Dans ses propositions sur l’environnement, le candidat veut “sortir des énergies fossiles” et proclame vouloir faire de “la réduction des émissions de gaz à effet de serre la priorité de sa politique énergétique”. Au niveau international, Emmanuel Macron suit cette ligne en indiquant que la mise en oeuvre de l’Accord de Paris sur le climat sera l’une des priorités de l’action internationale de la France.

Derrière ces belles paroles, on relève des incohérences et un certain flou. “Aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures ne sera accordé”. C’est mieux que lorsqu’il était ministre – il a signé de nouvelles autorisations d’exploration pétrolière en 2015 juste avant la tenue de la COP 21 à Paris – mais cela reste insuffisant à nos yeux. Pour être cohérent avec l’objectif de l’accord de Paris (limiter le réchauffement climatique à 2° maximum) et même aller au-delà en faisant tout pour tenir le 1,5°C, Emmanuel Macron devrait abroger tous les permis exploratoires déjà accordés aux compagnies pétrolières, sur terre comme en mer, en France métropolitaine comme en Outre-Mer. D’après les scientifiques, une grosse part des réserves accessibles d’énergie fossiles déjà identifiées devront rester dans le sol afin de rester dans les clous de l’Accord de Paris sur le climat.

Emmanuel Macron déclare également vouloir fermer les centrales électriques à charbon en France d’ici 2023. Cette annonce n’est pas très spectaculaire : leur fermeture n’est pas très significative pour la France en termes de réduction des émissions de CO2 et c’était déjà prévu (dans la programmation pluriannuelle de l’énergie pour 2023).

Concernant les gaz de schiste, l’ancien ministre laisse une porte grande ouverte en souhaitant que “les organismes publics continuent la recherche théorique sur le sujet”. Pour nous, c’est de l’argent jeté par les fenêtres étant donnée l’absolue nécessité de laisser dans le sol les hydrocarbures inexploités afin de lutter contre le réchauffement climatique. Il serait préférable que les efforts financiers pour la recherche publique portent sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Quant au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la bonne décision à prendre est évidemment d’abandonner ce projet – également contraire à l’Accord de Paris – et certainement pas de le construire comme le candidat d’En Marche ! le propose depuis le 7 avril

Concernant la transition énergétique, Emmanuel Macron vise une réduction à 50% de la part du nucléaire à l’horizon 2025. Avec cet objectif, le candidat d’En Marche ! annonce simplement… qu’il respectera la loi de transition énergétique, votée en 2015. Concernant les énergies renouvelables, son programme manque également d’ambition puisqu’il souhaite “d’ici à 2022, doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque”. Or, si l’on compare ces chiffres avec ceux du décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) le programme d’Emmanuel Macron représente un recul en termes de développement des énergies renouvelables par rapport à ce que cette PPE, déjà peu ambitieuse, prévoit déjà.

Bon, nous sommes tout de même contents de lire qu’Emmanuel Macron affiche un soutien moins béat à la filière nucléaire que lorsqu’il était ministre de l’Economie. Cependant, lorsque l’on entend le candidat dire “qu’il ne sait pas” si l’objectif de réduction à 50% du nucléaire est atteignable, nous trouvons que son engagement manque clairement de fermeté.

Mais surtout, Emmanuel Macron ne dit pas comment il compte mettre EDF au service de la transition énergétique. Or, sans reprise en main ferme par l’Etat, cette entreprise publique empêchera d’atteindre l’objectif, que nous jugeons être un minimum, de 50% de nucléaire en 2025. Et sans ré-orientation très franche de la stratégie de l’entreprise en faveur du développement massif des énergies renouvelables, EDF va continuer à aggraver sa santé financière. Face au nucléaire, les énergies renouvelables constituent un choix alternatif moins cher et en plein boom au niveau mondial. Rappelons que même avec 50% de nucléaire, la France resterait le “champion” mondial de l’atome ! On est loin d’une révolution énergétique…

La transition énergétique créera des centaines de milliers d’emplois comme plusieurs scénarios solides et récents viennent de le démontrer (le rapport “1 million d’emplois pour le climat” ou le dernier scénario de l’association Négawatt). On s’étonne qu’Emmanuel Macron n’insiste pas davantage sur ces avantages socio-économiques, lui qui fait de l’emploi l’un des ses thèmes forts de campagne.

 

Transports et pollution de l’air : peut mieux faire

Emmanuel Macron propose d’aligner de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence (ça nous va) et de renforcer les normes antipollution européennes et les contrôles en conditions réelles (ça nous va aussi, même s’’il faut aller plus loin et exiger la mise en place d’une agence européenne de surveillance du marché automobile). Il fixe également le cap de ne plus avoir aucune vente de véhicules thermiques en 2040 (c’est loin, trop loin… et il faut dès à présent agir sur leur efficacité énergétique !). Il souhaite aussi développer des solutions de mobilités alternatives à la voiture individuelle. Quelques bonnes intentions, donc, mais nous ne sommes toujours pas complètement sûrs que M. Macron ait bien compris l’absolue nécessité de prioriser le transport ferroviaire par rapport au transport routier et nous espérons que sa nouvelle position sur le diesel n’est pas (uniquement) une position de circonstance.

 

Un peu plus de bio, un peu moins de pesticides, des changements insuffisants

Emmanuel Macron a publié deux lettres ouvertes à quelques jours du 1er tour. Lorsqu’il s’adresse aux écolos, il écrit que la transition écologique « est au cœur de [son] projet de société ». Mais lorsqu’il s’adresse aux agriculteurs, il écrit qu’il « faut sortir de l’écologie punitive ». Pour nous, ce double discours illustre le flou entretenu par le candidat sur sa vision de l’écologie.

Dans son programme sur  l’agriculture, le candidat aborde la question des aides financières. Tout d’abord, il souhaite lancer un plan de transformation agricole de 5 milliards d’euros pour financer notamment des “projets de modernisation des exploitations ayant un impact positif sur l’environnement et le bien-être animal.” Ce montant financier est impressionnant, et l’on rêverait d’en savoir plus sur sur l’évaluation des impacts positifs et sur les critères de choix des exploitations. Car, en l’absence de tout détail, ce plan suscite notre inquiétude car l’on peut craindre qu’il ne fasse que contribuer à une industrialisation plus poussée de l’agriculture, avec des infrastructures plus performantes par exemple mais sans réelle amélioration des pratiques elles-mêmes. Une crainte renforcée par l’engagement du candidat à poursuivre la politique menée par la FNSEA et donc à défendre l’agrobusiness malgré les ravages qu’elle engendre.

Dans le même temps, Emmanuel Macron propose de rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs à hauteur de 200 millions d’euros par an, dans le cadre du budget de la PAC. L’intention est tout à fait louable, mais ce montant apparaît très faible par rapport aux 5 milliards d’euros d’un plan dont on ignore tout.

Sur le bio, Emmanuel Macron surfe sur la vague tout en restant flou sur la suite et son engagement. Il évoque “la montée en régime du bio” sans expliquer comment il y parviendrait. Comment compte-t-il favoriser et sécuriser l’installation de nouveaux agriculteurs en bio ou agro-écologie ? Cet enjeu est d’autant plus sensible que les retards de paiement des subventions publiques actuels ne cessent de s’accumuler.

Emmanuel Macron souhaite également que la restauration collective propose d’ici à 2022 au moins 50% “de produits biologiques, labels de qualité, ou locaux”. C’est très bien en apparence, mais de quels labels veut-il parler ? La plupart d’entre eux sont opaques et ne garantissent pas la durabilité des produits. Pour ce qui est du « local » : rappelons que cela n’équivaut pas forcément à du « durable ». Et concernant l’élevage, il veut “moderniser les abattoirs” et “interdire les oeufs de poule de batterie”… c’est-à-dire des mesures déjà engagées, soit par les pouvoirs publics, soit par l’industrie ! Aucun mot du candidat sur la réduction de la consommation de viande, pourtant nécessaire pour lutter, comme il l’entend, contre le réchauffement climatique.

A propos des pesticides, Emmanuel Macron veut organiser un “Grenelle de l’Alimentation” au cours duquel sera défini “un calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé, et le développement d’alternatives”. Un Grenelle c’est bien, mais l’on ne peut pas s’en contenter. En attendant, Greenpeace considère que les pesticides les plus dangereux doivent être interdits immédiatement et que les agriculteurs qui s’engagent à produire sans pesticides doivent être soutenus.

M. Macron propose de séparer les activités de conseil aux agriculteurs et de vente des pesticides, notamment au sein des coopératives. Une proposition intéressante, en tout cas sur le papier. Mais le cap à suivre doit être celui de la fin de l’utilisation des pesticides et pas seulement de réduire leur usage comme le préconise M. Macron.

Emmanuel Macron n’oublie pas de parler de la question sensible des OGM et il s’en sort plutôt bien à nos yeux. En effet, il est favorable à l’interdiction des cultures d’OGM en plein champ, source d’une potentielle contamination génétique non désirée de l’environnement. D’autre part, il aborde la question du soja transgénique destiné à l’alimentation animale et qui est massivement importé en France. Emmanuel Macron plaide pour l’interdiction, à terme, de ces OGM. Pour nourrir les animaux d’élevage, il souhaite à la place développer les cultures de protéagineux et légumineuses en France et l’élevage à l’herbe. Il s’agit clairement d’une bonne direction à suivre. Mais elle devrait être associée selon nous à la diminution de la consommation de viande et de produits laitiers, une mesure que le candidat d’En Marche n’aborde pas.

D’une manière générale, pas un mot de M. Macron sur les changements radicaux de système agricole qu’il est urgent d’opérer et beaucoup de zones d’ombre ou de flou qui ont de quoi inquiéter. Comme sur le principe de précaution, pas une seule fois évoqué dans son programme, tout en déclarant il y a peu qu’il ne devait pas être un frein à l’innovation. Beaucoup de “mesurettes”, d’effets d’annonce mais aucune réelle ambition, si ce n’est ce grand plan d’investissement qui semble dévolu à une industrialisation toujours plus forte de l’agriculture.

 

Pour une Europe forte mais dédiée au commerce et aux échanges économiques

Emmanuel Macron accorde beaucoup d’importance à l’Europe. Dans son livre-programme, il déclare vouloir renouer avec le désir d’Europe, fondé sur “la paix, la réconciliation et le développement”. Il considère également que la région doit recouvrer sa pleine souveraineté afin de faire face aux défis globaux : le réchauffement climatique, les accords commerciaux avec des géants tels que la Chine ou les Etats-Unis, les flux migratoires.

A Greenpeace, nous pensons aussi que l’Europe peut se montrer protectrice de l’environnement et des droits fondamentaux des citoyens. L’Union européenne a prouvé par le passé qu’elle pouvait mettre en place des régulations environnementales contre les produits chimiques les plus dangereux par exemple. Nous voulons plus d’Europe mais une Europe qui protège les citoyens contre les excès des banques, les politiques d’austérité et le lobby des grandes industries qui cherchent à affaiblir les normes sociales et environnementales. Or, ce n’est pas sûr que ce soit cette Europe dont Emmanuel Macron rêve, étant donné son approche très libérale de l’économie. Rappelons qu’il était favorable au traité CETA, un accord auquel Greenpeace s’est opposée avec force étant donné les menaces qu’il fait peser sur la démocratie européenne, sur le climat et la santé des consommateurs. A nouveau, où est la cohérence alors que le candidat souhaite prioriser la lutte contre le réchauffement climatique? Selon notre vision (texte en anglais), l’Europe doit garantir des emplois décents à ses citoyens, elle doit fournir davantage de protection sociale et s’organiser pour améliorer l’accueil et l’intégration des migrants. C’est uniquement de cette manière que l’Europe pourra constituer un rempart contre les populismes et le repli sur soi.

 

Une incongruité : le soutien aux mines d’or guyanaises

Le soutien d’Emmanuel Macron au développement des activités aurifères en Guyane, au coeur de la forêt tropical humide et au détriment de sa biodiversité exceptionnelle, semble tout à fait incompatible avec l’idée d’une France exemplaire dans sa mise en oeuvre de l’Accord de Paris. Le développement de grandes mines industrielles qu’il semble souhaiter implique le stockage de centaines de millions de mètres cube de déchets toxiques dans des zones sensibles (on pense notamment au projet Montagne d’Or, niché entre deux réserves biologiques intégrales).

 

Budget de la défense et dissuasion nucléaire : pas mieux que François… Fillon

Un petit exercice comparatif révèle des similitudes proches entre E. Macron et F. Fillon sur le nucléaire militaire et les budgets de l’armement. Tous deux souhaitent “la modernisation de la force de dissuasion nucléaire” et augmenter le budget de la défense à 2% du PIB. La position de Greenpeace est claire sur ce sujet : il est essentiel de ne pas relancer une course à l’armement nucléaire et au contraire négocier avec les autres puissances nucléaires, conformément à l’engagement de la France, l’élimination de ces armes de destruction massive dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et soutenir les négociations du Traité international d’interdiction des armes nucléaires. Ces armes représentent une menace considérable pour la survie de l’humanité. L’urgence est bel et bien le financement de la transition écologique et de ses conséquences sociales.

 

Immigration : quid de l’assistance à celles et ceux qui risquent leur vie pour franchir les frontières ?

La proposition N°4 du candidat d’En Marche ! de renforcer les missions de contrôle de police aux frontières de l’Europe sans parler des missions d’assistance aux migrant-e-s qui meurent en tentant d’entrer sur le territoire européen a de quoi surprendre, alors qu’il démarre cette partie de son programme en rappelant que “Le devoir de l’Europe est d’offrir l’asile à ceux qui sont persécutés et demandent sa protection.” Il propose également de conclure des accords globaux avec les pays de départ en conditionnant par la même occasion les aides au développement à ces mêmes pays. Nous laisserons d’autres organisations se prononcer plus avant sur ces propositions mais il est clair qu’elles vont complètement à l’encontre de la vision de Greenpeace (en anglais) : il faut urgemment renforcer l’assistance pour les femmes, hommes, enfants qui traversent par milliers au péril de leur vie pour fuir souvent les conflits, et dénoncer les conventions qui conditionnent le soutien économique aux pays partenaires à leur politique en matière de contrôle des migrations, comme celle passée entre l’Union européenne et la Turquie.