Publié le 06 mars 2017 – mis à jour le 29 mars 2017
Alerte ! Aucune des 15 “mesures phares” du candidat des Républicains n’a un rapport avec la protection de l’environnement. Une manière de nous rappeler que ni François Fillon, ni Alain Juppé n’avaient jugé utile de parler d’environnement lors du débat qui les opposa avant la primaire de la droite. La planète continue de brûler et les Républicains semblent toujours regarder ailleurs. Dans son projet, François Fillon réduit la protection de l’environnement à une variable d’ajustement. Le développement économique prime systématiquement sur les impératifs écologiques.
Haro sur le principe de précaution
François Fillon souhaite supprimer le principe de précaution qui est inscrit dans la Constitution européenne et dans la Constitution française depuis 2005. Ce principe fondamental est à la base de nombreuses mesures qui protègent notre santé et notre environnement, telles que le moratoire sur la culture des maïs génétiquement modifiés en plein champ ou l’interdiction du Bisphénol A. Ce principe accorde en théorie le bénéfice du doute à l’environnement et à notre santé : un industriel est censé démontrer que son nouveau produit ne pose aucun danger avant sa commercialisation. Certes, dans la pratique ce principe n’est pas appliqué de façon satisfaisante, les « preuves » apportées par les industriels sont souvent leurs propres études, opaques car soumises au secret industriel… Raison de plus pour renforcer la mise en oeuvre du principe de précaution, à rebours de ce que prône Fillon.
Pour François Fillon, qui se fait à cette occasion le porte-voix de nombreux lobbies industriels rêvant de balayer ce principe, il serait un frein à l’innovation, au développement des entreprises et à la recherche. Ou encore “un prétexte à l’inaction”. Il veut lui substituer le “principe de responsabilité”, popularisé à droite par Nicolas Sarkozy à partir de 2014. On lance d’abord un produit sur le marché et s’il y a un problème pour notre environnement ou notre santé, on s’occupera de trouver des solutions plus tard. Et tant pis s’il est trop tard ! Pour Greenpeace, cette vision représenterait une régression totale dans la protection de l’environnement.
François Fillon et l’énergie : Hibernatus
François Fillon renvoie le débat entre “pro nucléaire” et “anti-nucléaire” du côté de la “querelle idéologique et passionnelle” et prône une “révolution du bon sens”. Se plaçant lui-même du “côté du bon sens” ; il écrit : “le nucléaire, notre filière d’excellence, et les énergies renouvelables sont complémentaires, et il ne faut pas opposer les unes aux autres.” Outre le danger intrinsèque du nucléaire, vouloir maintenir une part aussi importante du nucléaire en France condamnerait purement et simplement les renouvelables en ne leur laissant aucun espace pour se développer de manière significative sur le marché de l’électricité.
Il laisse entendre également que, contrairement aux études prospectives les plus sérieuses, la consommation d’électricité – avec le retour de la croissance qu’il va générer grâce à son projet – va augmenter très largement. Or, même les hypothèses les plus ambitieuses d’accroissement de la population ou d’accélération du déploiement des véhicules électriques ne permettent pas de conclure à une hausse de la conso électrique. Il n’y a donc que la volonté de sanctuariser le nucléaire qui peut pousser Fillon à se positionner ainsi.
François Fillon veut prolonger la durée de vie des centrales nucléaires de 40 à 60 ans au mépris du risque d’accident et des coûts pharaoniques de la mise en oeuvre de ce grand carénage. Il continue d’en appeler au soi-disant “consensus national” sur le nucléaire alors que celui-ci a volé en éclats, notamment depuis l’accident de Fukushima de 2011 et les révélations nombreuses au sujet des difficultés techniques et financières d’Areva et EDF. Plusieurs sondages menés en 2016 ont montré qu’entre 50 et 75% des Français veulent abaisser la part du nucléaire en France dans la production d’électricité.
Il veut encourager des fausses solutions comme le stockage de CO2 – une technologie chère et très mal maîtrisée – plutôt que de réduire drastiquement les émissions en utilisant des technologies propres, déjà existantes et compétitives : les énergies renouvelables. Cette technologie de stockage est coûteuse, incertaine et risquée, ce qui a notamment incité quatre géants européens de l’énergie de cesser tout investissement. La lutte contre le réchauffement climatique ne peut pas se permettre ce pari inconsidéré. Le nucléaire ne constitue certainement pas une meilleure solution.
Sur les énergies renouvelables, il affiche un volontarisme des mots fortement nuancé par le manque d’objectifs chiffrés. François Fillon s’inscrit dans la lignée de Nicolas Sarkozy sur le sujet. Il est un zélé défenseur du projet nucléaire d’EDF et de la stratégie choisie par les dirigeants de l’entreprise publique. Il semble bien que François Fillon soit passé à côté d’évolutions majeures survenues depuis la catastrophe de Fukushima en 2011 : les renouvelables sont de plus en plus compétitives face au nucléaire, EDF et Areva sont en quasi situation de faillite technique (avec le scandale des anomalies) et financière, et pendant ce temps nos voisins allemands, danois, espagnols, italiens, et anglais développent massivement les renouvelables… Bref, François Fillon a un discours sur l’énergie qui a 10 ans de retard.
L’agriculture industrielle : un modèle à bout de souffle… mais continuons !
Pour commencer, le candidat des Républicains veut appliquer aux exploitations agricoles les principes des entreprises. Si l’on croit François Fillon, la France est beaucoup trop rigoureuse par rapport aux réglementations européennes : OGM, insecticides, glyphosate… Les normes qui protègent la santé des agriculteurs, mais aussi celle des riverains des exploitations agricoles et des consommateurs, ne sont pour François Fillon que des “semelles de plomb pour les agriculteurs”. Son argument “massue” : la distorsion de concurrence des voisins européens. François Fillon est cohérent avec lui-même : mieux vaut tout tirer vers le bas afin de se mettre au niveau des plus mauvais élèves !
François Fillon entend également relancer la recherche sur les biotechnologies et la génétique, “jetée aux oubliettes à cause du principe de précaution”. Ce fameux principe est encore le coupable idéal ! Rappelons que Greenpeace n’est pas opposée à de telles recherches scientifiques, mais celle-ci doivent être conduites dans un milieu strictement confiné afin d’éviter toute contamination incontrôlée de l’environnement (ce qui se produirait par exemple si des OGM expérimentaux étaient cultivés en plein champ).
Pour lui, la croissance et l’économie priment donc sur le risque environnemental et sanitaire. La vision de François Fillon sur l’agriculture est celle de la FNSEA : productiviste, sous perfusion technoscience… Le système est à bout de souffle ? C’est parce que nous ne sommes pas allés assez loin dans l’agro-industrie et seule la technologie nous sauvera. Alors continuons !
Il oublie que parmi les agriculteurs qui innovent le plus aujourd’hui, on trouve les agriculteurs écologiques. Ils expérimentent, mettent en place de nouveaux modèles, de nouvelles manières de produire mais aussi de distribuer. C’est le cas en agriculture biologique par exemple. Mais le mot “bio” n’apparaît qu’une seule fois dans les 12 pages que comporte le programme de François Fillon sur l’agriculture.
Si le programme agricole de François Fillon est appliqué, on peut craindre un retour des OGM en plein champ et une défense sans nuance de l’agrochimie, des pesticides, etc. Un pays à l’environnement encore plus sacrifié à l’agro-industrie, alors que la France est déjà le second consommateur européen de produits phytosanitaires derrière l’Espagne, avec une utilisation toujours plus massive de pesticides et qui peine à diminuer…
Le camp politique de M. Fillon va parfois jusqu’à désigner d’autres ennemis très surprenants : les associations de protection de l’environnement et de promotion de l’agriculture écologique. Ainsi, en région Rhône-Alpes, la majorité Les Républicains a supprimé une grande partie de leurs subventions régionales pour mieux doter financièrement les chasseurs, meilleurs protecteurs de la biodiversité selon Laurent Wauquiez. La région Rhône-Alpes n’est pas la seule dirigée par la droite à menacer la survie financière d’associations locales de protection de la nature.
Accords de libre-échange : la contradiction assumée sans complexe
François Fillon s’est vite et clairement affirmé contre la signature par la France (au sein de l’Europe) du Traité Transatlantique de libre échange avec les Etats-Unis, le fameux Tafta. L’argumentaire déployé n’est cependant pas le même que le nôtre. Pour Greenpeace, qui a révélé publiquement (en anglais) une partie du texte secret des négociations, ce traité fait courir un grand risque pour les normes environnementales et sociales françaises ou européennes. Ce texte accorderait aussi une primauté inacceptable des entreprises multinationales sur la protection de l’intérêt général.
Quant à François Fillon, il n’y voit qu’une menace pour l’économie et les entreprises françaises. Cette opposition au traité Tafta peut étonner car le texte contient un élément qui devrait faire plaisir au candidat des Républicains : la négation même du principe de précaution (inscrit pourtant dans la constitution européenne), auquel, on l’a vu, il est farouchement opposé. On peut s’étonner dans ce cadre du flou persistant quant à sa position sur le CETA, petit-cousin du Tafta, qui n’apparaît pas dans son programme. Pourtant, ce projet, tout autant que le Tafta, est contraire à l’accord de Paris alors que François Fillon jure que la lutte contre les changements climatiques est primordiale. Le CETA facilitera l’importation des produits pétroliers parmi les plus polluants de la planète, les sables bitumineux. De plus, le mécanisme d’arbitrage privé prévu serait largement défavorable aux Etats qui voudraient mettre en oeuvre une politique ambitieuse de protection du climat.
Dépenses militaires : le commerce de la guerre avant tout
François Fillon est plutôt “va-t-en guerre”. Il entend renforcer le très coûteux outil de dissuasion nucléaire français. La position de Greenpeace est claire sur ce sujet : il est essentiel de négocier avec les autres puissances nucléaires, conformément à l’engagement de la France, l’élimination de ces armes de destruction massive dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Ces armes représentent une menace considérable pour la survie de l’humanité. Il faut à tout prix éviter une nouvelle course aux armements nucléaires. L’urgence est bel et bien au financement des mesures sociales et environnementales.
François Fillon ne dit rien non plus du Traité international d’interdiction des armes nucléaires, s’alignant ainsi tacitement sur la position de François Hollande qui a voté contre à l’automne dernier. Enfin, malgré les enfreintes aux engagements français sur le contrôle du commerce des armes, le candidat soutient avec force les industries de l’armement. Un commerce juteux qui, selon lui, contribue , à “la défense de nos valeurs, de celles de l’humanité” (sic). Rien de surprenant. La paix, selon François Fillon, c’est donc bien préparer la guerre.
Politiques migratoires : la messe est dite
Enfin, on ne peut passer sous silence dans notre éclairage les mesures proposées par le candidat sur la question de l’immigration. Elles vont pour Greenpeace totalement à l’encontre de nos valeurs, des mesures que préconisent nos alliés de la société civile qui travaillent sur ce sujet, des droits constitutionnels et des obligations internationales de la France. Renforcement des murs aux frontières de l’Europe, politique de quotas avec mise en oeuvre de statistiques ethniques, suppression des aides sociales et de l’accès aux soins, discrimination de fait dans l’accès aux droits… Dans cette vision, l’immigration est réduite au seul prisme de la charge financière et économique à l’encontre des valeurs de fraternité et d’égalité, de la défense des droits humains mis terriblement à mal ces dernières années.