Publié le 30 mars 2017 – mis à jour le 07 avril 2017
Chercher de l’écologie dans le programme de Nathalie Arthaud, c’est presque comme chercher une aiguille dans une meule de faucilles et de marteaux. Tout le programme et les analyses de Lutte Ouvrière (LO) tournent autour d’une vision : il faut un « renversement révolutionnaire de la société capitaliste par le prolétariat, pour bâtir un monde dirigé par la population elle-même. » Mais comment fonctionnerait réellement ce monde ? C’est moins clair, et pas évident qu’il soit « vert ».
L’écologie, quasi absente de la révolution annoncée
LO veut un monde « dirigé par la population », le parti est contre les guerres, l’industrie de l’armement, le racisme, ainsi que les graves pollutions, le gaspillage généralisé des ressources énergétiques ou minières et les catastrophes industrielles. LO dresse aussi le constat que « le bilan du capitalisme dans le domaine environnemental est désastreux« . Du côté de Greenpeace, nous soutenons la primauté de l’intérêt général sur celui des multinationales, la paix et le désarmement, et la solidarité avec les migrants. Nous dénonçons également la xénophobie et les impacts des modes de production actuels sur l’environnement. Donc sur quelques grands principes, il semble que nous sommes d’accord.
Pour autant, assez rapidement, il y a divergence. D’abord, parce que Lutte Ouvrière entend organiser les ouvriers “pour imposer, par la force si besoin, la volonté de la majorité de la population à la minorité de possédants”. Le parti révolutionnaire tient ainsi à se « distinguer des pacifistes ». Or, la non-violence fait partie de nos valeurs fondamentales. Nous sommes profondément convaincus que la désobéissance civile non-violente est la seule méthode efficace pour changer durablement le système et protéger la planète.
Et puis surtout, ce qui dérange, c’est l’absence totale de proposition ou de choix dans le domaine de la protection de l’environnement. Si un constat (parfois) lucide est dressé – gaspillage et productions inutiles – aucune solution n’est apportée au-delà du fait que « le préalable est d’enlever les moyens de production des mains des capitalistes. ». Sur le droit du travail ou la TVA, les communistes révolutionnaires ont des propositions concrètes. Sur l’environnement, on ne trouve rien. Dans le programme officiel 2017, pas une seule occurrence sur les termes « écologie », « environnement », « énergie renouvelable », « nucléaire », « forêt », « biodiversité » ou « ressources ». L’ouvrier amené à prendre le pouvoir vivrait-il isolé de tout écosystème ?
Eviter tout positionnement en matière d’écologie sous prétexte que la priorité serait le renversement du système capitaliste entraîne un manque d’analyse des interconnexions entre crises sociale, environnementale et économique qui nous semble regrettable. Dans un contexte de crise climatique et d’effondrement de la biodiversité, LO semble aujourd’hui passer à côté de l’urgence environnementale. C’est dommage, sachant que les travailleurs, et plus généralement les populations les plus pauvres, en seront certainement les premières victimes.
LO le reconnaît d’ailleurs en écrivant “qu’il est certain que ce réchauffement {climatique} pénalisera d’abord les populations les plus pauvres”. Une phrase de Nathalie Arthaud prononcée en 2012, résume assez bien la vision du parti : « Je suis opposée à toutes les mesures, même imposées au nom de l’écologie, visant à restreindre la consommation populaire par des augmentations de prix, par la création de taxes. ». En clair, l’écologie est une priorité… très secondaire.
Pas de choix clair sur les énergies…
Le programme officiel 2017 de LO ne parle pas spécifiquement d’énergie, mais en fouillant un peu plus, on apprend que la technologie en elle-même importe peu, ce qui compte c’est qui la possède. Également formulé ainsi : « Si le nucléaire est dangereux, c’est le capitalisme qui le rend ainsi« . Faut-il en déduire qu’entre les mains d’un ouvrier, une centrale nucléaire en fin de vie présenterait moins de risques de sûreté ? Nous ne le croyons pas. Pour Greenpeace, le nucléaire met en péril notre planète. Il est intrinsèquement dangereux, inutile et coûteux. Il faut impérativement y renoncer.
La question des choix énergétiques est donc prestement dégagée. En continuant à creuser, on peut même trouver une certaine défiance pour les renouvelables, avec la crainte que les éventuels surcoûts des énergies plus propres pèsent sur le consommateur final. Nous aurions envie de rappeler à LO que la dette nucléaire ne va probablement pas être payée par les grands patrons non plus…
… ni sur la lutte contre les pollutions agricoles
Les propositions de la candidate de Lutte Ouvrière sur l’agriculture sont peu développées. . Ce qui retient l’attention de Nathalie Arthaud, c’est surtout de savoir qui détient les moyens de production et pas quel modèle agricole serait le plus respectueux. Les OGM, comme le nucléaire, ne sont pas un problème en soi, ce qui dérange c’est qu’ils appartiennent aux capitalistes. Nous constatons également que les grands groupes industriels font souvent beaucoup plus de dégâts que lorsque l’agriculture est directement entre les mains des agriculteurs et agricultrices. Cependant, nous ne pensons pas qu’un renversement du système capitaliste est un préalable nécessaire à la mise en place de mesures immédiates pour s’attaquer aux externalités négatives du modèle agricole productiviste. Les questions de l’impact des pesticides sur la santé humaine, de la pollution des nappes phréatiques ou de l’effondrement de la biodiversité ne sont pas développées dans le programme de Nathalie Arthaud. Pourtant, il s’agit de problèmes graves et inhérents à un modèle d’agriculture industrielle et productiviste largement soutenu par les pouvoirs publics en France et en Europe. Pour Greenpeace, c’est l’agriculture écologique qui doit bénéficier du soutien massif des autorités et de la grande distribution.
Nathalie Arthaud considère que, “dans cette société inégalitaire, les plantes transgéniques peuvent être autant un bienfait qu’un malheur, selon à qui et comment elles servent”. Nous regrettons que la candidate ne dise pas un mot sur le risque de contamination provoqué par la culture d’OGM en plein champ. Un stricte respect du principe de précaution doit s’appliquer, que les OGM soient entre les mains des travailleurs et des travailleuses ou entre celles des capitalistes.
La surpêche, les océans, la forêt, la biodiversité… rien de tout cela n’est évoqué. Face à ce que Greenpeace considère comme le défi écologique majeur – le réchauffement climatique -, Lutte Ouvrière ne lâche rien et considère que “le seul moyen de faire face au réchauffement climatique – soit en le réduisant, soit en trouvant les moyens d’y adapter la société - est de se débarrasser de cette organisation économique absurde {le capitalisme}. Cela, nous en sommes convaincus, arrivera bien avant que le réchauffement de la planète soit vraiment nuisible à l’humanité et à la vie sur la Terre. C’est le seul moyen pour léguer aux générations futures un monde sans drames ni écologiques ni sociaux.
Greenpeace refuse d’attendre que le “renversement” éventuel du capitalisme fasse cesser les menaces environnementales qui pèsent sur notre planète et ses habitants. Nous sommes convaincus qu’il faut les combattre sans relâche et continuer ainsi de remporter des avancées et des victoires année après année.