Mordue de viande, l’Europe alimente la crise climatique par son addiction au soja
Cette industrialisation de notre élevage est lourde de conséquences, puisqu’elle va de paire avec la hausse de la production du soja en Amérique du Sud. L’UE importe en effet environ 33 millions de tonnes de soja chaque année, majoritairement en provenance d’Amérique du Sud, et 87% du soja utilisé en Europe est destiné à l’alimentation animale. La culture intensive du soja et la consommation et la production de viande en quantités industrielles s’effectuent au détriment de l’environnement, du climat, des questions sociales et de la santé de ses propres habitants et habitantes. C’est ce que démontre le rapport publié par Greenpeace, intitulé “Mordue de viande : L’Europe alimente la crise climatique par son addiction au soja”.
Il est urgent de sortir de ce système en opérant une véritable révolution alimentaire et agricole. Cela passe par la réforme de nombreuses politiques européennes encadrant la production agricole, au premier rang desquelles figure la Politique agricole commune, mais aussi par une réduction globale de la consommation de viande. Si l’Europe veut résoudre les problèmes environnementaux, sociaux et sanitaires posés par l’élevage industriel, alors elle n’a d’autres choix que d’opérer une véritable révolution écologique de notre système de production alimentaire. Greenpeace lance donc un mouvement visant à mettre fin à l’élevage industriel et à soutenir la transition écologique de notre mode de production.
Le système d’élevage intensif et la surconsommation de viande, d’œufs et de produits laitiers au sein de l’Union européenne nous a conduit à une situation destructrice pour le climat et la biodiversité, explique Cécile Leuba, chargée de campagne Forêts chez Greenpeace France. Afin de nourrir les millions de poulets, cochons, vaches laitières… élevés chaque année au sein de l’UE, on importe des millions de tonnes de soja qui ont potentiellement contribués à la destruction d’écosystèmes précieux et uniques comme le Cerrado brésilien ou encore le Chaco. Cette situation est d’autant plus inacceptable que cette production de soja se fait à grands renforts d’OGM et de pesticides, dont certains sont même interdits en Europe. Imaginez, pour produire 100 grammes de poulet, il aura fallu 109 grammes de soja, c’est aberrant !Cécile Leuba, chargée de campagne Forêts chez Greenpeace France
Après l’Amazonie, le Chaco et le Cerrado menacés
L’Amazonie brésilienne, longtemps victime du soja, fait l’objet d’un moratoire depuis 2006 qui s’est avéré efficace pour endiguer la déforestation. Mais le soja y reste une cause indirecte de déforestation et le gouvernement de Bolsonaro fait peser de sérieuses menaces sur la forêt amazonienne. Surtout, l’exploitation du soja s’est développée dans d’autres régions comme le Gran Chaco, la plus grande forêt sèche d’Amérique latine, et le Cerrado, une savane brésilienne précieuse, qui abrite l’une des plus grande biodiversité au monde. Ce dernier a déjà perdu près de la moitié de sa végétation d’origine, environ 88 millions d’hectares, soit la taille du Venezuela.
Réduire notre consommation de protéines animales pour des animaux réellement nés, élevés et nourris localement
Vu les niveaux de consommation actuels, relocaliser en Europe la production de soja nécessaire à nourrir nos animaux d’élevage n’est pas envisageable. Pour la France uniquement, qui importe chaque année entre 3,5 et 4,2 millions de tonnes de soja, cela reviendrait à consacrer les terres agricoles de trois départements français (Le Morbihan, les Côtes d’Armor et le Finistère) à cette unique culture, au détriment des cultures destinées à l’alimentation humaine.
La seule solution est de réduire drastiquement notre consommation de viande et de produits laitiers et de favoriser l’élevage écologique et paysan. Produire moins de viande mais de meilleure qualité est essentiel, d’autant plus que les Européenne.s en consomment beaucoup trop aujourd’hui. C’est seulement en procédant ainsi que nous serons en capacité de produire localement les protéines nécessaires à l’alimentation animale et d’avoir réellement des animaux, nés, élevés et nourris localement.
Mettre en place des politiques ambitieuses pour favoriser la transition de l’élevage et lutter contre la déforestation
La réduction de la production de protéines animales et la transition d’un modèle intensif vers un élevage écologique et paysan nécessitent des incitations politiques et financières et un accompagnement des éleveurs. C’est le rôle de la Politique agricole commune, dont la nouvelle mouture est en discussion au Conseil des ministres et au Parlement européen. Greenpeace France demande ainsi la fin des subventions aux modèles productivistes pour enfin permettre cette transition vers un élevage écologique.
Les entreprises ont fait la preuve de leur incapacité à garantir que le soja qu’elles utilisent n’a pas contribué à la déforestation, malgré leurs promesses et engagements. Il est donc de la responsabilité des gouvernements de s’assurer que les matières premières importées n’ont pas contribué à la déforestation.
« Le gouvernement se targue d’agir contre la déforestation, or aujourd’hui personne n’est en mesure de garantir que le soja importé en France n’y a pas contribué. Le gouvernement français doit immédiatement appliquer les grands principes énoncés dans sa Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI). Pour réduire la dépendance aux importations toxiques de soja, il doit également mettre en place un Plan Protéines Végétales ambitieux en favorisant le développement de légumineuses diversifiées et adaptées aux territoires, tant pour nourrir les animaux que les humains.».Cécile Leuba chez Greenpeace France