EPR de Flamanville : pourquoi c’est un fiasco ?
Douze années de retard, un coût multiplié par six, des dérapages incontrôlés et des anomalies… La réalité du réacteur nucléaire de type EPR de Flamanville est un fiasco économique et industriel total. Alors que le gouvernement, enlisé dans son obsession pour la relance de l’énergie nucléaire, est dans le déni, les faits parlent d’eux-même. Trop lent, trop cher, pas adapté aux impacts de la crise climatique, dangereux. Ce projet poussif et disproportionné n’a aucun sens, n’en déplaise à la politique énergétique hors-sol d’Emmanuel Macron.
- Qu’est-ce qu’un EPR ?
- Pourquoi l’EPR de Flamanville est un fiasco ?
- Pourquoi l’EPR est un fiasco international ?
- Qu’est-ce qu’un EPR 2 ?
Qu’est-ce qu’un EPR ?
EPR est l’acronyme de “European Pressurized Reactor” pour réacteur pressurisé européen. Dans les années 90, ce modèle de réacteur devait représenter la relève face à un parc nucléaire vieillissant, avec des capacités de production électrique plus importantes.
L’EPR devait être l’étendard du renouveau du nucléaire en France et dans le monde. Il est en réalité le symbole d’une industrie dépassée, incapable de répondre à la temporalité de l’urgence climatique et de respecter les délais et coûts annoncés. Avec l’EPR, le nucléaire reste un danger pour notre environnement et les générations futures, et un frein à une transition énergétique cohérente.
En bref, avec l’EPR, le nucléaire reste le moyen le plus coûteux et le plus compliqué de faire chauffer de l’eau.
Pourquoi l’EPR de Flamanville est un fiasco ?
Les désastreuses aventures de l’EPR de Flamanville
Le chantier de l’EPR de Flamanville a presque 12 années de retard sur le calendrier initial et, au fil des ans, son coût a été multiplié par six par rapport à ce qui avait été annoncé. Dès le début de sa construction, le projet est une accumulation de désastres. Le réacteur, qui devait être construit en cinq ans pour un coût de 3,3 milliards d’euros, devrait coûter en définitive au moins 19,1 milliards selon les calculs de la Cour des comptes.
En plus des surcoûts et délais qui s’allongent, la liste des déboires est longue : problèmes de soudures, anomalie dans le ferraillage du béton, malfaçons (notamment pour la cuve et le couvercle du réacteur !), pièces défectueuses à l’intérieur du réacteur, rouille de certains éléments à cause de l’entreposage trop long sur un parking… Les innombrables “péripéties” qui ont ponctué d’un bout à l’autre le chantier dressent une liste hallucinante de problèmes dans la conception, la fabrication et le contrôle de ce chantier. À cela s’ajoute l’histoire incroyable des falsifications…
Aujourd’hui encore, certaines anomalies ne sont pas résolues et vont entraîner un arrêt prolongé de l’EPR après son premier cycle de fonctionnement, des risques radiologiques supplémentaires pour les travailleurs et produire davantage de déchets radioactifs. C’est le cas du couvercle de la cuve, qui présente des anomalies de fabrication et doit être changé. Concrètement, le couvercle n’est pas aux normes suite à une malfaçon dans la fabrication et il doit être remplacé. Bien qu’EDF ait obtenu l’autorisation de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) de changer le couvercle après le premier cycle de fonctionnement du réacteur (15 à 18 mois), le calendrier de démarrage du réacteur a, de son côté, été retardé de plusieurs années, et entre temps, le nouveau couvercle est prêt à être livré dans les prochaines semaines. Au lieu de prendre la décision la plus sensée sur le plan industriel, économique et pour la protection de la santé des travailleurs exposés aux radiations, qui est de changer le couvercle avant qu’il ne devienne radioactif suite au fonctionnement du réacteur, EDF va tout de même lancer le démarrage de l’EPR de Flamanville avec ce couvercle défectueux.
EDF obéit à l’agenda politique du gouvernement qui veut à tout prix pouvoir parler de “démarrage”. C’est l’illustration même de la politique du “quoi qu’il en coûte”. Changer une pièce telle que le couvercle du réacteur avant qu’il ne devienne radioactif, serait bien plus rapide, moins cher et moins dangereux pour le personnel. La mise en marche de l’EPR dans cet état est donc, à de nombreux points de vue, un non-sens économique et industriel. Ce démarrage est une opération politique.
Le démarrage de l’EPR de Flamanville, une opération politique
Le démarrage d’un réacteur nucléaire est un long processus, et l’EPR de Flamanville vient simplement d’arriver au début de celui-ci. La première étape, celle du “chargement du combustible”, avait déjà été reportée de nombreuses fois, jusqu’à l’obtention de l’autorisation de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) en mai 2024. Concrètement : le matériel radioactif nécessaire à la production de vapeur d’eau qui sera convertie en électricité, va pouvoir être placé dans la cuve du réacteur. L’EPR de Flamanville entrera ensuite dans des phases de tests complexes, dont la montée en puissance graduelle est assujettie à de nouvelles autorisations de l’ASN qui mèneront, plus tard, et non pas bientôt, à son démarrage effectif avec peut-être un fonctionnement à pleine capacité.
Pourquoi l’EPR est un fiasco international ?
Il existe six réacteurs de type EPR dans le monde (deux en fonctionnement à Taishan en Chine, un en fonctionnement à Olkiluoto en Finlande, deux en chantier à Hinkley Point-C au Royaume-Uni et un à Flamanville en France).Tous ces réacteurs ont connu de sérieux déboires : dépassements de délais, anomalies diverses, arrêts forcés après la mise en service (pour ceux qui ont déjà été lancés) et augmentation dramatique des coûts par rapport aux prévisions initiales.
Loin de l’engouement aveugle du gouvernement, la réalité de l’EPR est un fiasco international, une catastrophe économique et industrielle.
L’échec de la filière EPR a été largement documenté par la Cour des comptes, ou pour le cas de l’EPR de Flamanville dans le rapport de Jean-Martin Folz.
Qu’est-ce qu’un EPR 2 ?
L’EPR 2, un nouveau fiasco à l’horizon ?
Le réacteur de modèle EPR 2 est une nouvelle version de l’EPR sur laquelle Emmanuel Macron mise beaucoup. Il a déjà annoncé vouloir lancer la construction de six, puis huit de plus, de ces nouveaux réacteurs. Si l’EPR 2 est présenté comme la version améliorée de l’EPR, c’est un vœu pieux d’imaginer qu’il pourra s’épargner les déboires rencontrés par celui-ci. L’EPR 2 est d’ailleurs considéré par l’ASN et le Délégué interministériel au nouveau nucléaire comme un nouveau modèle de réacteur, ce qui signifie qu’il subira les affres des prototypes. Les plans détaillés n’étant pas encore finalisés, et au vu de “l’effet de série noire” de la filière EPR, les estimations actuelles d’EDF concernant les coûts et les délais de ce projet hors-sol, ne peuvent pas, à ce jour, être prises au sérieux.