Air France KLM et ses deux filiales HOP et Transavia pourraient très prochainement obtenir des prêts de l’Etat et des prêts bancaires garantis par l’Etat d’un ordre de grandeur de 10 milliards d’euros. Cette somme colossale, qui ne leur aurait jamais été attribuée sans le soutien du gouvernement français, pourrait être versée sans que l’Etat n’exige d’Air France aucun plan de transformation compatible avec les objectifs fixés par l’Accord de Paris.
Ces prêts et cette garantie de l’Etat, en négociation actuellement, viendraient s’ajouter aux autres mesures de soutien dont bénéficie ou va bénéficier Air France : financement du chômage partiel, report de paiement des taxes, montée en capital de l’Etat grâce à une partie de l’enveloppe de 20 milliards d’euros votée cette semaine dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, …
« Si ces prêts et garanties étaient octroyés sans condition, ce serait un choix stratégique extrêmement condamnable, incohérent et court-termiste de la part du gouvernement. En effet, ce dernier n’associe pour l’instant au soutien public d’entreprises polluantes aucune conditionnalité écologique et se contente d’incantations à ces dernières de ne pas distribuer de dividendes, mais sans réelle contrainte », déclare Sarah Fayolle, chargée de campagne Transports chez Greenpeace France.
Pour Greenpeace, ces sommes colossales dégagées pour soutenir le secteur aérien et relancer un modèle de mobilité polluant et passéiste sont d’autant plus aberrantes quand on les compare avec la proposition faite par l’Etat de reporter les travaux du secteur ferroviaire, arguant notamment des pertes de recettes de la SNCF liées à la crise du covid19.
« Cette inégalité de traitement est incompréhensible : il faut aujourd’hui déployer toutes les énergies et mobiliser les investissements publics pour le développement de modèles de transports moins polluants, et non pas renvoyer des milliers d’avions dans les airs, ajoute Sarah Fayolle. Encore une fois, le gouvernement prouve à quel point les enjeux économiques du vieux monde restent prioritaires pour lui et qu’il n’est pas à la hauteur de la construction d’un monde d’après crise, écologique et socialement juste ».
Les réorientations avancées aujourd’hui par Air France pour surmonter la crise économique vont à l’encontre des enjeux sociaux et environnementaux. L’entreprise envisage la restructuration de son réseau de vols domestiques, alors que l’urgence climatique impose d’organiser la fin de ces vols, en commençant par ceux pour lesquels des alternatives plus écologiques existent déjà, notamment en train.
Enfin, la menace d’un casse social, en lien avec cette restructuration, est déjà mise sur la table, alors que l’enjeu prioritaire d’un soutien de l’Etat devrait être d’assurer la protection sociale des salarié.es, puis leur reconversion et leur accompagnement vers des secteurs moins polluants. Cette menace sur l’emploi apparaît d’autant plus cynique et scandaleuse alors que le directeur de la compagnie, Ben Smith, semble se ménager la possibilité d’un bonus, malgré la crise. On est loin de la transition nécessaire et urgente que doit effectuer le secteur aérien… et la responsabilité de l’Etat, qui se refuse à imposer toute conditionnalité écologique et sociale forte, est lourdement engagée.