Le gouvernement a rendu public mercredi dernier l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants. Cet avis est sans appel : le gouvernement doit revoir sa copie et n’a pas carte blanche pour passer en force sur le nucléaire.
Contrairement aux projets d’installation de production d’énergies renouvelables, les EPR2 ne répondent pas à la qualification de “raison impérative d’intérêt public majeur” car le gouvernement n’a pas apporté de justifications suffisantes :
- d’une part quant à la puissance prévisionnelle des installations futures,
- d’autre part quant à la contribution attendue pour la réalisation des objectifs de la PPE, dont notamment la sécurité d’approvisionnement, la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et la compétitivité des prix de l’énergie.
S’agissant du droit à la participation du public lors de la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme, le Conseil d’État rappelle également qu’un projet d’EPR2 “ne pourra pas être qualifié d’intérêt général avant la fin du débat public” et que les impacts environnementaux notables devront faire l’objet d’une enquête publique.
Enfin, le Conseil d’État se montre sceptique quant aux motivations de ce projet de loi d’accélération des procédures administratives. Il rappelle que “le manque d’expérience récente de construction de réacteurs nucléaires relativise les appréciations qui peuvent être portées sur ces délais” (§3) et estime que le “le gain de temps attendu [au niveau des procédures administratives] ne peut être évalué avec certitude” (§8).
“La légèreté de l’étude d’impact du projet de loi, largement relevée par le Conseil d’État, montre combien le gouvernement est convaincu de pouvoir passer en force sa relance du nucléaire sans avoir besoin de se justifier. Mais le Conseil d’État rappelle à l’ordre le gouvernement : le développement rapide des projets EPR2 est une chimère et le projet de loi d’accélération du nucléaire bafoue la consultation démocratique. Il est temps que le gouvernement revoie ses plans et mise sur les énergies renouvelables, dont le déploiement massif est urgent”, estime Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France.
La dernière version du projet de loi présentée en Conseil des ministres le 2 novembre a pris en compte en grande partie l’avis du Conseil d’État. Cependant, s’agissant des réacteurs en fonctionnement, cette nouvelle version a maintenu la suppression des rapports quinquennaux sur l’état des équipements nucléaires au-delà de la trente-cinquième année. Greenpeace et le Réseau “Sortir du nucléaire” s’inquiètent de ce recul au niveau de la sûreté nucléaire compte tenu de la volonté du gouvernement de prolonger la durée de vie des centrales bien au-delà de leur durée de vie technique.
Note aux rédactions :
- Greenpeace France et le Réseau “Sortir du nucléaire” ont déposé le 12 octobre 2022 une contribution extérieure devant le Conseil d’État pour dénoncer l’illégalité du projet de loi d’accélération du nucléaire.
- Rappel sur le calendrier : le projet de loi d’accélération du nucléaire, publié le 27 septembre par le gouvernement, a été présenté en Conseil des ministres le 2 novembre 2022. Son adoption est prévue pour janvier 2023, soit avant la fin du débat public organisé en parallèle par la Commission nationale du débat public (CNDP). Greenpeace dénonce ce calendrier qui piétine la possibilité d’un débat démocratique autour de la relance du nucléaire .