Activation de la clause de sauvegarde : entretien avec Arnaud Apoteker

Agriculture

Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM de Greenpeace France, nous explique les enjeux d’une telle décision ainsi que les suites de la campagne de Greenpeace.

Y aura-t-il des OGM cultivés en France en 2008 ?

L’activation de la clause de sauvegarde est tout simplement la traduction législative au niveau européen d’un moratoire français sur le maïs OGM Monsanto 810. Cela permet à un Etat membre d’interdire la culture d’un OGM sur son territoire si de nouveaux éléments scientifiques montrent qu’il y a un doute sur son innocuité. Comme le maïs Mon 810 est le seul OGM autorisé à la culture commerciale en France, contrairement aux années précédentes, il n’y aura normalement pas d’OGM cultivé commercialement en France en 2008. Pour la première fois, on revient en arrière : il s’agit d’un revers notoire pour les OGM et d’une importante victoire d’étape pour Greenpeace. Nous faisons campagne contre les cultures en plein champ d’OGM depuis 1996, parce que leur dissémination est incontrôlable et entraîne des risques inconnus et non évalués ; cette décision porte donc enfin au niveau du politique les avis et les doutes de Greenpeace.

Fin octobre, le Grenelle de l’environnement avait fait de ce moratoire l’une de ses mesures emblématiques… Mais la mise en place de cette décision, alors même qu’elle avait impliqué tous les acteurs, a donné ensuite lieu à des réactions extrêmement fortes des lobbies céréaliers et semenciers. Pour nous, la question était bien de savoir si les décisions du Grenelle s’appliquaient ou étaient seulement des paroles en l’air !

Est-ce le premier signe d’un renversement de la politique européenne sur les OGM ?

Nous l’espérons. L’Europe a toujours été très divisée sur la question des OGM. La Commission y est très favorable et essaie constamment de les imposer. Mais les Etats membres sont quant à eux plus divisés. Autriche, Grèce et Hongrie y sont opposés. De nombreux pays ont également exprimé des doutes sur la façon dont les OGM sont évalués… Ainsi, l’application de la clause en France, au nom du principe de précaution, peut permettre de changer les choses et d’empêcher les autorisations de nouveaux OGM, d’autant plus que la France va prendre la présidence de l’UE.

Il est certain que des pays comme la Roumanie et la République Tchèque regardent aujourd’hui de près ce que fait la France. Même à la Commission, par le biais du commissaire à l’Environnement Stavros Dimas, des voix discordantes se font entendre… Ailleurs, cette question est très débattue, notamment en Afrique, au Mexique ou en Asie. J’espère que la décision française va relativiser l’intérêt d’une technologie vantée par les Etats-Unis et les multinationales. Présente dans de nombreux pays, Greenpeace va expliquer les raisons des doutes français.

Quelles sont les prochaines étapes de la campagne de Greenpeace ?

Le combat est encore loin d’être gagné. La clause est une victoire d’étape, importante, mais il faut rester très mobilisé ! Notre demande était d’obtenir ce moratoire sur le Mon 810 pour pouvoir débattre au Parlement d’une loi sur les OGM dans la sérénité, sans être menacé par le couperet des semis et le fait accompli de la contamination génétique. Il n’en reste pas moins que le débat sur le projet de loi, dès le 5 février au Sénat, va être très difficile… Au Parlement, les lobbies sont très puissants. Et le projet de loi, tel qu’il a été préparé par le gouvernement, est inquiétant. Plutôt que de protéger de la contamination, il semble la légaliser en ne laissant pas le choix du sans OGM. Seule une loi qui garantisse le droit et la liberté de consommer et produire sans OGM permettra d’empêcher toute culture d’OGM sur le territoire. Notre travail est maintenant de convaincre députés et sénateurs d’amender la loi de façon à ce qu’elle nous protège de la contamination.