AG de Total. Greenwashing vs résolution climat : Total ratera-t-il encore le coche de la lutte contre le changement climatique ?
En amont de l’assemblée générale de Total qui se tiendra vendredi 29 mai, Greenpeace France publie une note, ‘Total, une ambition climaticide’, détaillant le greenwashing de l’entreprise qui tente de faire passer une coquille vide sur la neutralité carbone pour des engagements climat ambitieux.
« L’industrie pétrolière connaît la plus grave crise de son histoire, les marchés s’effondrent et la crise climatique n’a jamais autant été une réalité destructrice. Pourtant, la major pétrolière, plutôt que d’engager un tournant stratégique nécessaire basé sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et donc sur la sortie du pétrole, choisit de mettre en place une stratégie qui lui permet de continuer à polluer toujours plus, déclare Edina Ifticène, chargée de campagne pétrole chez Greenpeace France. Avec beaucoup de confusion, de communications incomplètes sur la réalité de ses engagements ou encore des données et informations contradictoires, Total ne fait que confirmer son intention de forer toujours plus et de vendre toujours plus d’hydrocarbures (pétrole et gaz) ».
Accord de Paris sous le tapis, calcul des émissions tronqué
Dans cette note, Greenpeace France détaille comment Total, via ses annonces climat, évite soigneusement de mentionner l’Accord de Paris, seul traité international de référence en termes de lutte contre le changement climatique, et se contente de s’engager uniquement sur les objectifs que s’est fixés l’Union européenne pour atteindre une neutralité carbone en 2050. Pour le reste du monde, Total ne s’engage à rien.
La note reprend également les manœuvres de la compagnie pétrolière pour éviter de comptabiliser dans ses émissions de GES une bonne partie de celles liées à la consommation des hydrocarbures par les consommateurs. Ainsi, un calcul sur la base des émissions actuelles de Total, avec l’objectif de neutralité carbone pour les scopes 1 et 2 pour le monde et pour le scope 3 pour l’Europe, montre qu’il resterait, si les productions et équilibres globaux demeuraient stables, 160 millions de tonnes de CO2 par an, du fait des activités non prises en compte (page 5 de la note).
Fausses solutions et objectifs de compensation à minima
La note revient également sur la stratégie de compensation et capture du CO2 encensée par Total pour atteindre la neutralité carbone, alors qu’il s’agit là de fausses solutions permettant d’émettre toujours plus de CO2.
Les chiffres démontrent que, selon les stratégies actuelles, l’entreprise ne sera jamais en capacité de capter l’intégralité des émissions résiduelles émises. Par exemple, concernant la compensation, Total a créé en 2019 une entité dédiée aux investissements dans les puits naturels de carbone, avec un budget de 100 millions de dollars par an à partir de 2020 et un objectif de capacité de stockage durable de 5 MtCO2/an d’ici à 2030. Or, si la compensation est si importante pour Total et si elle vise au final à compenser une large part de l’ensemble des émissions du groupe, qui se situent autour de 440 MT de CO2/an, alors l’objectif fixé de compenser 5 MtCO2/an est ridiculement bas puisque cela correspond à 1,2 % des émissions. La compensation est donc au mieux une niche verte dans un océan d’investissements en faveur du pétrole et du gaz (page 7 de la note).
Contrer une résolution climat ambitieuse
Les annonces de Total sont en réalité une stratégie de blocage d’une autre initiative venue de onze actionnaires du groupe, parmi lesquels la Banque Postale et Crédit Mutuel asset management. Ces derniers ont déposé en avril dernier une résolution climat ambitieuse demandant à Total des engagements solides et contraignants de réduction des émissions de CO2, alignés sur l’Accord de Paris. Cette résolution sera soumise au vote vendredi et démontre l’inquiétude des actionnaires face à l’immobilisme de Total, qui a déjà déclaré qu’il voterait contre : autre preuve de la volonté du groupe de ne pas bouger d’un iota pour lutter contre le changement climatique.
Face à ces effets de manche qui permettent aux multinationales de polluer toujours plus tout en versant de copieux dividendes, Greenpeace France demande que l’Accord de Paris soit traduit en objectifs contraignants de réduction d’émissions de GES pour les grandes entreprises. Si elles ne les respectent pas, elles doivent avoir l’interdiction de verser des dividendes à leurs actionnaires.