Les négociations au sein de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) se sont achevées en Jamaïque sans que les industries minières aient obtenu un feu vert immédiat pour commencer à labourer le fond des océans. Ce répit n’a été possible que grâce à l’opposition grandissante d’États opposés à l’exploitation minière en eaux profondes : plus de 20 gouvernements demandent une pause ou un moratoire.
« L’industrie de l’exploitation minière en eaux profondes a largement sous-estimé l’importance de la science par rapport à un objectif purement mercantile. L’intérêt croissant du public, et la mobilisation de la société civile, font naître des dissensions dans ce qui était jusqu’à présent une dynamique très pro industrie au sein de l’AIFM. Il est clair que la plupart des gouvernements ne veulent pas laisser en héritage un blanc-seing à la destruction des océans », souligne François Chartier, chargé de campagne Océan à Greenpeace France, qui estime que le moyen de mettre fin à cette industrie est d’adopter un moratoire sur cette activité.
- Les décisions adoptées par le Conseil de l’AIFM le 21 juillet dernier ont démontré qu’une majorité de pays – dont le Brésil, le Costa Rica, le Chili, Vanuatu, l’Allemagne et la Suisse – n’ont pas cédé aux pressions de l’industrie – qui bénéficie du soutien de pays tels que la Norvège, Nauru et le Mexique – pour accélérer l’adoption de règles relatives à l’exploitation minière en eaux profondes.
- L’entreprise la plus en avance dans le développement de cette activité, The Metals Company, a vu le cours de son action s’effondrer lorsque les marchés ont réagi aux décisions du Conseil [1].
- Cependant, l’AIFM n’a toujours pas réussi à combler une faille juridique permettant aux entreprises de commencer l’exploitation minière l’année prochaine.
Cette semaine, les pays favorables à l’exploitation minière ont réagi en tentant de réduire au silence l’opposition croissante à cette activité au sein même de l’Autorité onusienne. Vendredi matin, la Chine s’opposait encore à une proposition des gouvernements d’Amérique latine, du Pacifique et d’Europe visant à ouvrir un débat entre les Etats membres sur un moratoire. Ces tentatives de museler l’opposition ont même dépassé l’enceinte de l’Assemblée puisque le secrétariat de l’AIFM, souvent accusé d’être trop proche de l’industrie, a limité l’accès des journalistes à ces discussions et a bridé les manifestations pacifiques pendant les réunions.
“Il est apparu clairement, au cours de ces semaines, que la poursuite irresponsable de l’exploitation des grands fonds marins en pleine crise climatique n’est pas seulement imprudente, mais aussi politiquement toxique », poursuit François Chartier.
Les appels des communautés du Pacifique se sont joints à ceux des acteurs du monde entier : 37 institutions financières, plus de 750 scientifiques et l’industrie de la pêche qui se sont également prononcés pour l’arrêt de l’exploitation minière.
« Dans la zone Pacifique, l’océan nous est précieux. Il influence nos vies et notre identité en tant que peuple. Le spectre de l’exploitation minière en eaux profondes soulève de nombreuses inquiétudes qui nous rappellent l’héritage tragique légué par d’autres industries extractives coloniales et de l’époque barbare des essais nucléaires. Nous appelons les dirigeants mondiaux à mieux gérer nos océans en se joignant à l’appel en faveur d’un moratoire », a déclaré Joey Tau, responsable de campagne au sein du Pacific Network on Globalisation (PANG), basé à Suva, dans les îles Fidji.
Il y a aujourd’hui clairement 2 camps à l’AIFM. Sans attendre la prochaine réunion de l’assemblée dans un an, il est indispensable que la mobilisation s’amplifie et que d’autres états rejoignent le soutien au moratoire ou à la pause.
“Nous avons deux ans pour aboutir à un consensus pour un moratoire, pas pour finaliser ce code minier. Pour la France, qui a envoyé un ministre à Kingston et qui s’oppose à l’exploitation minière, c’est maintenant que la bataille diplomatique et le travail de conviction commence vraiment”, conclut François Chartier.
[1] L’action de l’entreprise The Metals Company s’est négociée à 2,85 USD le 11 juillet et a chuté à 1,82 USD le vendredi 21 juillet, à la suite du Conseil de l’AIFM.