Malgré une accalmie l’année dernière, les algues vertes ont fait un retour fracassant sur les plages bretonnes cet été, remettant sur le devant de la scène un enjeu sanitaire et environnemental majeur pour la région Bretagne.
Pourtant, au lieu d’enfin engager la transition de son modèle d’élevage, la région risque bien au contraire de voir les méga-exploitations continuer d’envahir son territoire. En effet, depuis 2011, la réglementation ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement), qui régit l’autorisation des exploitations contenant le plus grand nombre d’animaux, a été purement et simplement détricotée, marquant le manque de volonté et d’ambition des autorités en la matière. Un nouveau décret adopté le 24 décembre 2018 vise à encore simplifier leur autorisation dans les régions les plus concernées.
« Face à la crise et aux marées vertes, la première mesure devrait être d’interdire toute nouvelle ferme-usine, en particulier sur le territoire breton, commente Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France. Bien au contraire, l’État cherche désormais à simplifier leur autorisation, spécifiquement en région Bretagne. Un plan nitrate, aussi ambitieux soit-il, ne sert à rien si l’on ne s’attaque pas à la cause du problème, à savoir le modèle ultra-productiviste de la région. C’est un non-sens absolu sur le point environnemental, économique et sanitaire ».
En Bretagne, beaucoup trop d’animaux au mètre carré
La cause de ces marées vertes est bien connue : les algues vertes sont liées à la pollution des eaux par les nitrates (une forme de l’azote), ces derniers provenant majoritairement de l’agriculture et, en Bretagne, des effluents d’élevage [1].
C’est bien un modèle d’élevage très concentré et productiviste qui est en cause. La Bretagne est ainsi la région avec le nombre le plus élevé d’ICPE par habitant (une ICPE pour 418 habitants en moyenne [2]). Avec seulement 6 % de la surface agricole française, la Bretagne est la première région pour la production de lait, d’œuf et de viande de porc, de volaille et de veau.
Le chargement d’animaux par hectare de terre agricole (prairies permanentes et terres labourables) est trois fois supérieur à la moyenne nationale depuis 30 ans. Malgré les engagements volontaires de certains agriculteurs, les quantités de nitrate dans l’eau restent trop élevées.
Suppression de l’enquête publique, Greenpeace France dépose un recours
Depuis 2011, l’État affaiblit progressivement la réglementation ICPE [3]. Cela a commencé avec la création d’un statut intermédiaire d’enregistrement qui a eu pour effet de relever les seuils du régime d’autorisation et donc d’exclure de fait énormément de fermes d’élevage, au mépris du respect de l’environnement.
Aujourd’hui l’État souhaite “simplifier” la procédure pour les projets soumis à autorisation, c’est-à-dire les plus grosses exploitations, et ce en régions Hauts-de-France et Bretagne. La “simplification” en question consiste à supprimer purement et simplement l’enquête publique [4] au profit d’une phase de “concertation” dématérialisée par voie électronique. Au-delà des difficultés liées à la dématérialisation, le Commissaire enquêteur est évincé dans cette simplification alors que cet acteur indépendant joue un rôle fondamental d’information pour le public.
Sous couvert d’une expérimentation, ce décret rogne la participation du public et affaiblit encore la protection de l’environnement dans la région. Greenpeace France a déposé un recours devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler ce nouveau décret.
« ll y a beaucoup trop d’animaux d’élevage en Bretagne, résume Suzanne Dalle. La solution aux crises environnementales liées, dont les algues vertes, passe forcément par une diminution du nombre d’animaux à l’hectare. Mais encore une fois, en catimini, le gouvernement veut faire passer des mesures qui sont totalement à contre-courant des attentes de la société et des enjeux environnementaux ».
Notes________________________________________
[1] Voir rapport