Ambition climatique de la France : pour ne pas dépasser +1,5 °C, 80 % de l’effort doit être accompli avant 2035
Dans une note publiée le 3 juillet 2023, Greenpeace France demande au gouvernement de s’engager sur une trajectoire permettant de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C, dans le cadre de la révision de la SNBC [1], actuellement en préparation.
Se basant sur les données du projet 1.5°C national pathway explorer de l’ONG Climate Analytics [2], Greenpeace a calculé les objectifs politiques que la France doit adopter au niveau national pour être alignée sur les engagements de l’Accord de Paris.
Quels objectifs pour la France ?
L’analyse des données montre que pour s’engager sur une trajectoire conforme à +1.5 °C, la France doit diviser par deux ses émissions brutes actuelles d’ici à 2030, ce qui correspond à une réduction d’au moins 62,2 % par rapport à 1990. De plus, 80 % des baisses d’émissions à réaliser doivent être faites d’ici à 2035.
Pourtant, dans les premiers éléments dévoilés par Elisabeth Borne en mai dernier, l’objectif fixé n’excède pas les 50 % de réduction des émissions brutes à horizon 2030, par rapport à 1990. Un objectif qui ne permettra pas de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C.
“La trajectoire 1,5 °C doit rester la boussole des politiques publiques. Plus le temps passe, plus notre marge de manœuvre se rétrécit. C’est donc sur le court et moyen terme que l’essentiel de l’effort doit se concentrer. Greenpeace appelle le gouvernement à réhausser drastiquement son ambition climatique”, déclare Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique à Greenpeace France.
Un projet de SNBC qui repose sur une appréciation trop optimiste des puits de carbone
La Stratégie nationale bas carbone ne doit pas se contenter de viser la neutralité carbone dans les prochaines décennies mais également réduire les émissions à la source, suffisamment rapidement pour minimiser leur accumulation dans l’atmosphère et ne pas dépasser la barre de 1,5 °C [3].
Par ailleurs, dans sa feuille de route, le gouvernement semble tabler sur une augmentation irréaliste des puits de carbone, à l’inverse de ce que l’on peut observer ces dernières années. Comme l’a constaté le Haut Conseil pour le climat dans son dernier rapport annuel, “la baisse de la productivité de la forêt, l’augmentation de la mortalité des arbres et les dommages liés aux incendies, ainsi que le stress hydrique des écosystèmes réduisent le potentiel des puits de carbone, qui devront être revus au sein des budgets carbone de la SNBC et de l’objectif de neutralité carbone à échéance 2050″.
“Extrêmement vulnérables à la crise climatique, nos forêts absorbent de moins en moins de CO2. Les paris sur l’évolution des puits de carbone ne doivent pas être la variable d’ajustement de la politique climatique insuffisante du gouvernement”, ajoute Nicolas Nace.
Des appels répétés à ne pas abandonner l’objectif 1,5 °C
En signant l’Accord de Paris, traité international résultant de la COP 21 organisée en France en 2015, la France s’est engagée à poursuivre les efforts “pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels.”
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres ou le climatologue Jean Jouzel ont encore récemment appelé à respecter cet engagement et à accélérer l’effort de réduction des émissions.
Par ailleurs, le référentiel 1,5 °C reste l’horizon à atteindre pour une grande partie de la communauté scientifique. [4]
L’ensemble de la méthodologie et une analyse plus complète de ces objectifs sont disponibles dans la note.
Notes aux rédactions :
[1] La Stratégie National Bas Carbone (SNBC) est la feuille de route française pour lutter contre le changement climatique. Elle définit les stratégies et objectifs secteur par secteur (industrie, bâtiments, agriculture, transports, énergie) et établit notamment les budgets carbone pour trois périodes successives de cinq ans. Une nouvelle version de la SNBC, appelée SNBC-3, est en cours d’élaboration.
[2] Le projet 1.5°C national pathway explorer de Climate Analytics utilise les trajectoires étudiées par le GIEC pour définir quelles devraient être les trajectoires de réduction des émissions de 64 pays dans le monde pour limiter le réchauffement climatique à 1.5 °C.
[4] Fin 2022, il restait à la France 4300 MtCO2eq de budget carbone (en émissions brutes) pour être sur une trajectoire compatible avec un réchauffement de +1,5 °C. Si les émissions nationales restent au niveau actuel (407,8 MtCO2eq en 2022), ce budget carbone sera épuisé avant fin 2033.
[5] Voir les rapports suivants :
- Scientific advice for the determination of an EU-wide 2040 climate target and a greenhouse gas budget for 2030–2050 par le European Scientific Advisory Board on Climate Change
- Indicators of Global Climate Change 2022: annual update of large-scale indicators of the state of the climate system and human influence publié dans l’Earth System Science Data