Dimanche 21 juin, les membres de la Convention citoyenne pour le Climat ont finalisé leurs travaux. Le Président de la République s’est engagé en janvier à appliquer l’ensemble de leurs mesures “sans filtre”.
Des mesures qui ouvrent la voie à un changement de société …
Ces neuf mois de travaux ont montré qu’il était tout à fait possible de se retrouver sur des mesures ambitieuses pour le climat en intégrant la justice sociale, à contre-courant de la politique gouvernementale.
Greenpeace France salue le travail accompli et considère que la plupart des mesures prescrites par les citoyen·nes, si elles sont bien reprises dans leur ensemble, peuvent constituer une première étape vers un nécessaire changement radical de nos sociétés, des systèmes de production et de consommation (*voir plus bas dans le détail).
…. à revers des mauvais signaux envoyés par le gouvernement suite à la crise du COVID
Alors que le plus grand flou persiste sur les suites concrètes que le gouvernement réservera aux propositions sur la table, Greenpeace France rappelle qu’au regard de l’urgence climatique, la France devrait réduire ses émissions de GES d’au moins 65% d’ici 2030.
La promesse présidentielle du “sans filtre” sera mise à l’épreuve dès la semaine prochaine dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) où doivent se décliner plusieurs des propositions de la CCC dont l’exigence de contreparties contraignantes pour les entreprises polluantes ayant reçu des aides publiques. Greenpeace France demande notamment l’obligation pour ces entreprises de fournir un plan précis de réduction de gaz à effet de serre, sous peine de sanction, comme l’interdiction de versement de dividendes.
Malheureusement, les derniers signaux envoyés par le gouvernement sont complètement à revers de ce qu’exige l’urgence climatique et des bonnes intentions affichées par le gouvernement dans le cadre de la CCC. [1]
Le temps presse, place aux actes !
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France :
“Sans surprise, les citoyen·nes sont prêt·es pour la transition écologique, quitte à changer les grands paramètres du système économique actuel [2].On s’interroge désormais sur la volonté politique réelle d’Emmanuel Macron et de son gouvernement. Les solutions sont là et il n’y a plus aucune raison d’attendre pour les mettre en oeuvre. Une réponse purement symbolique aux travaux de la Convention serait un désastre démocratique et la preuve que le président est incapable d’emmener le pays vers le monde d’après.“
*Les mesures structurantes de la CCC
Malgré un mandat de départ fixé par le gouvernement en deçà des exigences de l’Accord de Paris (une baisse de 40% des émissions en 2030 quand il faudrait viser -65% pour être aligné), certaines mesures adoptées par la CCC seraient particulièrement efficaces.
Greenpeace France retient notamment :
Se nourrir
En matière d’alimentation, la CCC propose des mesures qui ont l’avantage de poser clairement la question essentielle de l’élevage industriel et de la surconsommation de viande comme facteurs aggravants du changement climatique.
Afin de réduire notre consommation de protéines animales, la CCC propose des mesures que Greenpeace soutient depuis plusieurs années déjà comme l’introduction d’une option alternative végétarienne quotidienne dans les self-services pour l’ensemble de la restauration collective publique. Dommage que l’introduction de deux repas végétariens hebdomadaires initialement proposée par les citoyens ait finalement été retirée à la dernière minute.
En ce qui concerne la production agricole en général, et l’élevage en particulier, plusieurs mesures plutôt ambitieuses votées par la CCC vont dans le sens de demandes fortes portées par Greenpeace : renégociation de la Politique Agricole Commune afin de promouvoir les pratiques agroécologiques faiblement émettrices de gaz à effet de serre, interdiction du financement d’implantation de nouvelles structures d’élevage néfastes au climat et à la biodiversité, développement des protéines végétales françaises afin de réduire notre dépendance aux importations, et en particulier aux importations de soja pour l’alimentation animale, etc.
En ce qui concerne l’utilisation des pesticides enfin, nous ne pouvons qu’être déçus par les mesures très insuffisantes adoptées par la CCC : réduction de moitié des produits phytopharmaceutiques d’ici 2025, et interdiction des pesticides “les plus dommageables pour l’environnement” en 2035. En d’autres termes, la CCC ne fait que rappeler l’objectif du plan Ecophyto II, qui se trouve aujourd’hui sur une trajectoire totalement incompatible avec son ambition, pourtant faible.
Se loger
Les 150 citoyens réunis au sein de la Convention Citoyenne proposent de renforcer ce que le gouvernement fait tout pour affaiblir, éviter, retoquer: rendre obligatoire les rénovations globales et performantes de tous les bâtiments (rénovation obligatoire pour les maisons individuelles dès 2024, et pour les 7 millions de passoires thermiques dès 2030), accroître l’accompagnement financier des ménages (reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes), prévoir des sanctions en cas de non respect. L’interdiction de mise en location des passoires thermiques – refusée par le gouvernement dans le cadre de la loi énergie climat – fait partie des mesures emblématiques proposées par la CCC et doit être appliquée au plus vite. Pour rappel, à lui seul, le secteur du bâtiment est responsable de 45% de la consommation d’énergie en France et de près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre.
Se déplacer
En matière de mobilité, la CCC propose certaines mesures qui vont dans le sens d’une véritable transition vers des transports moins émetteurs de gaz à effet de serre, à l’inverse du contenu des plans de sauvetage décidés par le gouvernement, qui font la part belle aux industries les plus destructrices du climat et méprisent complètement le train. La CCC propose en particulier de développer un plan d’investissement massif dans le secteur ferroviaire, d’organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs et d’interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants. Sur le secteur automobile, la CCC confirme entre autres la nécessité de sortir les véhicules polluants et émetteurs de nos villes, de pénaliser l’achat des véhicules les plus lourds de type SUVs, et d’accélérer la trajectoire de fin de vente des véhicules consommant du diesel et de l’essence.
Consommer, Produire / Travailler
La volonté de conditionner les aides publiques du plan de relance à des objectifs contraignants de réduction d’émission pour les grandes entreprises, de supprimer les niches fiscales pour les industries fossiles – qui représentent au moins 18 milliards d’euros en 2019, d’interdire les publicités pour les biens et services climaticides [3], d’encadrer le versement des dividendes, de suspendre l’application provisoire du CETA et de soumettre les Accords de libre-échange aux objectifs de l’Accord de Paris, de mettre à contribution les patrimoines les plus aisés dans le financement de la transition, sont des orientations de nature systémique propices à l’avènement d’un cadre économique compatible avec l’urgence climatique.
Notes aux rédactions :
[1] Les différents projets de Loi de Finances rectificative (PLFR), votés en urgence pendant la crise, ont été une succession de chèque en blanc aux grandes entreprises polluantes sans contreparties environnementales et sociales. Non seulement certains secteurs comme le train sont passés à la trappe, mais en plus, l’argent public débloqué n’empêchera pas certains groupes comme Air France de licencier. Voir les réactions de Greenpeace France ici et là
[2] selon un sondage réalisé par BVA pour Greenpeace et rendu public le 14 juin 2020, seuls 36% des français·es considèrent le système économique capitaliste compatible avec la lutte contre le changement climatique.
[3] Le 18 juin dernier, Greenpeace France a publié un rapport avec le Réseau Action Climat et Résistance à l’agression publicitaire demandant une loi Evin Climat.