L’opérateur de la centrale nucléaire de Taishan, dans le Sud-Est de la Chine, a décidé aujourd’hui d’arrêter le réacteur n°1 après que du combustible nucléaire fourni par l’entreprise française Framatome, filiale d’EDF, ait fait fuiter des éléments radioactifs dans le circuit primaire de refroidissement. L’EPR (Evolutionary Pressurized Reactor) de Taishan-1 a été conçu par Framatome et est détenu à 30% par EDF. Alors que de nombreuses incertitudes demeurent, cet incident devrait avoir de sérieuses conséquences sur l’hypothétique mise en service de tous les EPR actuellement en construction en France, en Finlande et au Royaume-Uni.
Greenpeace France demande à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui assure le suivi de la construction de l’EPR de Flamanville, de faire toute la lumière sur les causes de la détérioration du combustible utilisé dans le réacteur de Taishan-1, fabriqué en France avec un procédé nouveau. Greenpeace en appelle également aux autorités de régulation finlandaise (STUK) et britannique (ONR) pour étudier en profondeur les causes des dommages sur le combustible.
« Arrêter l’EPR de Taishan-1 est la bonne décision, au vu du risque que fait peser le combustible endommagé sur la sûreté du réacteur. Si les dommages sont suffisamment importants pour déformer des éléments du combustible, ils peuvent compromettre l’insertion des barres de contrôle, ce qui pourrait conduire à un accident nucléaire », analyse Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France.
De nombreuses questions restent en suspens, en particulier sur l’étendue des dommages sur le combustible mais aussi, plus fondamentalement, sur le mécanisme précis qui a causé ces dommages. Il pourrait s’agir du phénomène d’usure par frottement, causé par les intenses turbulences de l’eau de refroidissement qui endommagent les crayons de combustible. De tels dommages pourraient aussi être causés par la conception même du combustible et la distribution de la puissance à l’intérieur de la cuve du réacteur. Le combustible comme le réacteur sont nouveaux et c’est la première fois qu’ils fonctionnent sous les pressions extrêmes de la chaleur, des turbulences et de l’irradiation.
« Alors que 4 autres EPR sont en construction en Europe, un examen complet et transparent des dysfonctionnements de l’EPR de Taishan doit être mené », enjoint Yannick Rousselet. C’est particulièrement important pour le réacteur Olkiluoto-3 en Finlande, dont la construction est achevée et dont le combustible a été produit par une même entreprise française de Romans-Sur-Isère (Drôme). Anciennement sous contrôle d’Areva (devenue Orano) cette unité de production du combustible est désormais nommée Framatome depuis qu’elle est devenue une filiale d’EDF. Le chargement de ce combustible a été finalisé à Olkiluoto-3 en mars de cette année et le démarrage du réacteur devrait avoir lieu prochainement. L’EPR de Flamanville et les deux EPR d’Hinkley Point au Royaume-Uni ne seront pas démarrés avant des années.
« Si un défaut de conception du réacteur ou du combustible était à l’origine de l’incident sur l’EPR de Taishan, cela compromettrait les 4 projets d’EPR européens, qui cumulent déjà les années de retard et les dérapages budgétaires. Les incertitudes à Taishan montrent que la mise en service d’un EPR est loin d’être la lumière au bout du tunnel que l’industrie nucléaire française nous fait miroiter. La filière nucléaire française est encore une fois incapable de tenir ses promesses. Cela prouve que cette technologie n’est pas la solution dans la lutte contre les changements climatiques du fait des temps de construction, de ses coûts exorbitants et de son imprévisibilité », estime Yannick Rousselet.