Budget rectificatif (PLFR 3) : à l'Assemblée nationale, la majorité valide les chèques en blanc pour les entreprises polluantes

Climat

Jeudi 9 juillet 2020, dans le cadre de l’examen du troisième budget rectificatif en réponse à la crise du COVID, les député·es de la majorité ont rejeté tous les amendements qui visaient à assortir les aides publiques consenties aux entreprises dans le cadre de l’urgence sanitaire à des éco-conditionnalités réelles.

Alors que ce texte a validé une enveloppe de 15 milliards d’euros pour l’aéronautique et de 8 milliards d’euros pour l’automobile, le principe d’éco-conditionnalité était réclamé par les ONG, les membres de la Convention citoyenne et le Haut Conseil pour le climat, et plébiscité par 81% des Français·es. Malgré cela, les député·es de la majorité ont rejeté toutes les mesures pro-climat , au profit d’un amendement fantoche :

  • Pas de nouvelles obligations spécifiques pour les entreprises concernées, puisqu’elles doivent simplement se soumettre à des obligations déjà existantes.
  • Champ d’application extrêmement partiel concernant le type d’aide visé, puisque seules les montées au capital, pourtant très minoritaires, ont été retenues.
  • Périmètre très restrictif des entreprises concernées (500 millions d’euros de chiffre d’affaires).
  • Pas d’obligations de résultat concernant les réductions d’émissions de gaz à effet de serre, fixées volontairement par les entreprises. 
  • Pas d’instance tierce pour fixer des trajectoires d’émissions aux entreprises et référence inadéquate (la Stratégie Nationale Bas Carbone) pour assurer une cohérence avec les objectifs de l’Accord de Paris.
  • Pas de mécanisme de sanction en cas de non-respect de ces engagements volontaires.
  • Sanction d’un montant dérisoire au regard de la taille des entreprises concernées, et portant uniquement sur la non-publication du rapport de performance extra-financière.
  • Refus de l’Etat de participer aux CA des entreprises, en contrepartie des prises de participation, pour pouvoir s’opposer aux projets climaticides.

Greenpeace, Oxfam, CCFD – Terre Solidaire et le Réseau Action Climat dénoncent le greenwashing de la majorité LREM et du nouveau gouvernement, qui valident des chèques en blanc pour les entreprises polluantes au mépris de l’urgence climatique, des recommandations du Haut Conseil pour le climat [1] et des aspirations majoritaires des citoyen·es en faveur de la transition écologique [2].  

 

Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne politiques climatiques à Greenpeace France :

« Quelques jours après les déclarations d’Emmanuel Macron devant la Convention citoyenne pour le climat et un remaniement, nous assistons à une collision surréaliste entre le discours présidentiel et les actes législatifs. Le refus obstiné d’inscrire dans la loi toute mesure contraignante pour fixer une trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre aux grandes entreprises polluantes, démontre que la boussole d’Emmanuel Macron continue d’indiquer fermement le monde d’avant. La nouvelle ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, avait pourtant proposé une telle mesure lors de l’examen du texte en commission des finances, lorsqu’elle était encore députée. Elle assume désormais un cap tout à l’opposé, plus proche de l’impasse climatique que du nouveau chemin promis ».

 

Pour Alexandre Poidatz, chargé du plaidoyer “finance et climat” chez Oxfam France :

« Bis repetita ! Après les 20 milliards d’euros du PLFR 2 offerts aux grandes entreprises sans contreparties écologiques, la majorité LREM refuse à nouveau de sauver et transformer les entreprises vers un modèle plus durable. Pour basculer dans le monde d’après, le Plan de Relance attendu en septembre devra inscrire non seulement une logique d’éco-conditionnalités pour les entreprises bénéficiant d’argent public, mais aussi une éco-responsabilité pour l’ensemble des grandes entreprises : des objectifs précis et contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre, cohérents avec l’Accord de Paris, doivent être fixés dans la loi ».

 

Pour Grégoire Niaudet, CCFD – Terre Solidaire : 

« La majorité a encore fait preuve d’un manque d’ambition et de volonté flagrant. Elle ne souhaite clairement pas mettre en place des dispositifs contraignants assortis de sanctions pour que les engagements demandés aux entreprises soient réellement effectifs et pérennes. Il est indispensable de dépasser les engagements volontaires, trop souvent insuffisants. Les mesures qui seront prises à l’issue de la Convention citoyenne pour le climat et l’élaboration du budget 2021 doivent être l’occasion de mettre en place des cadres ambitieux et contraignants pour assurer la transition écologique des entreprises. D’autant plus quand elles bénéficient de soutiens publics ! Il est grand temps de passer des discours aux actes pour s’assurer que les entreprises soient enfin socialement et écologiquement responsables ».

 

Pour Meike Fink, responsable transition climatique juste au Réseau Action Climat :

 « Il est temps de conditionner l’accès des entreprises aux aides publiques, selon leur respect d’engagements écologiques et sociaux. Il n’est plus défendable qu’une entreprise d’un secteur polluant puisse bénéficier d’argent public sans respecter une trajectoire climatique cohérente avec les limites imposées par l’Accord de Paris. Il est grand temps de faire preuve de volonté politique pour mettre en place un cadre méthodologique permettant de suivre, contrôler et sanctionner le non-respect des objectifs climatiques des entreprises concernées ».

 

Notes aux rédactions :

[1] Voir le communiqué de presse du Haut conseil pour le climat publié pour la sortie de son nouveau rapport le 8 juillet 2020 : “Les premières dispositions du gouvernement en réponse à la crise du COVID-19 ne vont pas dans le sens des recommandations du HCC. Les dispositions sont peu contraignantes et n’incluent pas de mesures d’évaluation. En bénéficiant de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour aider à la reprise économique, les entreprises françaises pourraient être sollicitées plus fermement par des mesures contraignantes.” 

[2] Selon un récent sondage, 88% des Français·es souhaitent que les responsables politiques obligent les entreprises à émettre moins de gaz à effet de serre, et 81% pensent que l’État ne devrait pas accorder d’aides aux entreprises polluantes sans contreparties écologiques contraignantes.