Kingston, Jamaïque, le 2 août 2024
Alors que se conclut aujourd’hui l’Assemblée de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), trente-deux pays du Pacifique, d’Europe, des Caraïbes et d’Amérique latine appellent désormais à ne pas démarrer l’exploitation minière en eaux profondes. Cinq nouvelles annonces en faveur d’une pause de précaution ou d’un moratoire ont été faites lors des négociations de l’AIFM. Tuvalu, qui avait auparavant parrainé l’exploration minière en eaux profondes, a rejoint l’Autriche, le Honduras, le Guatemala et Malte, qui ont fait part de leur inquiétude face à une possible exploitation.
Les gouvernements ont été plus nombreux que jamais à participer à ces négociations mondiales, notamment le président des Palaos et plusieurs ministres, signe de l’importance politique et de l’intérêt public croissants à arrêter le développement de l’exploitation minière en eaux profondes. Alors que The Metals Company menace de soumettre prochainement une demande d’exploitation minière commerciale au cœur de l’océan Pacifique, le président des Palaos, Surangel Whipps Jr., s’est adressé à l’Autorité Internationale des Fonds Marins accompagné de deux de ses enfants, concluant son discours par ces mots : «Ne quittons pas la Jamaïque après avoir accordé à l’industrie minière l’autorisation de coloniser le patrimoine commun de l’humanité et détruire notre plus grand allié dans notre lutte contre le changement climatique : notre océan.»
La vague croissante de soutien à la protection des fonds marins contre une nouvelle industrie minière s’est traduite pour la première fois par une discussion officielle sur une politique générale de protection de l’environnement marin. Cela pourrait ouvrir la voie à une pause ou à un moratoire officiel sur l’exploitation minière en eaux profondes. Il y a un an, un groupe de pays favorables à l’exploitation minière [1] avait réussi à bloquer cette discussion, mais une nouvelle proposition soutenue par encore plus de pays cette année a suscité un débat animé mercredi. Les États ont accepté de poursuivre les discussions dans le but de décider des prochaines étapes à l’issue de la réunion vendredi. De nouveaux États ont soutenu l’élaboration d’une politique générale, dont Madagascar, le Vietnam, le Maroc et la Belgique.
Monise Laafai, député de Tuvalu, a déclaré mardi qu’il soutenait la suspension de l’exploitation minière en eaux profondes : « la protection d’un océan sacré n’est pas un mandat technique, mais plutôt une responsabilité morale pour nous. D’autres peuples autochtones partagent des visions du monde similaires ; l’océan n’est pas seulement une ressource, mais un fondement de la vie, de la culture et de la subsistance qui sous-tend et anime nos relations. La dégradation environnementale potentielle causée par l’exploitation minière en eaux profondes pourrait avoir de graves répercussions sur notre sécurité alimentaire, perturber nos pratiques traditionnelles et porter atteinte à notre patrimoine culturel. »
La semaine dernière, la publication d’une étude inédite révélant que les nodules polymétalliques que les sociétés minières veulent extraire de l’océan pourraient produire de l’oxygène dans les profondeurs océaniques a fourni un nouvel exemple frappant du peu que nous savons sur ce milieu. Plusieurs pays ont fait référence à cette étude à l’AIFM pour souligner la nécessité de prendre des précautions, notamment le Panama, le Costa Rica et la Belgique, tandis que la société qui a financé en partie l’étude, The Metals Company, a contesté ses conclusions lors d’un événement en marge du sommet.
« Jamais auparavant la communauté internationale n’a été aussi consciente des dégâts que l’industrie minière pourrait causer aux profondeurs de l’océan. Les fonds marins ont besoin d’être protégés des machines d’extraction et la bonne nouvelle est que de plus en plus de pays conviennent qu’un moratoire doit être mis en place. La dynamique pour protéger les océans de l’exploitation minière en eaux profondes n’a jamais été aussi forte », a déclaré François Chartier, chargé de campagne Océans à Greenpeace France, qui a participé à l’ensemble des négociations.
La réunion doit se terminer ce vendredi 2 août, date à laquelle les délégués voteront pour élire le ou la prochaine Secrétaire générale [2].
Notes aux rédactions
[1] La Chine, le Mexique et Nauru (qui sponsorise The Metals Company) se sont opposés à l’inclusion d’une politique générale dans les points supplémentaires de l’ordre du jour en juillet 2023. Cette semaine, le Mexique s’est prononcé en faveur de l’élaboration d’une politique générale.
[2] PRACTICE IN THE ELECTIONS OF SECRETARY-GENERAL OF THE INTERNATIONAL SEABED AUTHORITY