Malgré l’urgence climatique, la crédibilité de l’accord de Paris s’amenuise, COP après COP.
Plus de 36h de négociations supplémentaires n’ont pas permis aux dirigeant·es politiques réunis à Madrid de s’entendre pour rehausser leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre d’ici à mars 2020, comme ils s’y étaient pourtant engagés lors de la COP21.
Les conclusions de cette COP, adoptées dans la douleur, marquent le pas, avec l’absence d’une feuille de route claire pour 2020. De nombreux Etats, en particulier les plus gros pollueurs, arriveront vraisemblablement les mains vides à Glasgow, pour la COP26, qui doit voir la mise en application de l’Accord de Paris.
Pour Greenpeace, les négociations climatiques de Madrid ont été minées par les lobbies des industries et des énergies sales qui considèrent tout accord ambitieux sur le climat comme un danger pour leurs profits. Les pays vulnérables ont quant à eux été tenus à l’écart de nombreuses tractations et ont signifié leur exaspération à plusieurs reprises.
Attendue, la France s’est largement désengagée des négociations, Emmanuel Macron préférant défendre becs et ongles l’industrie nucléaire au sommet européen de Bruxelles jeudi dernier plutôt que le climat à Madrid. Aucun·e ministre français n’était présent lors de la phase politique finale des négociations, alors que des points cruciaux pour l’avenir de l’Accord de Paris faisaient l’objet de débats houleux.
Comme l’année dernière en Pologne, la France aura donc encore été aux abonnés absents lors de cette COP. « Où était Emmanuel Macron ? Le Président français n’a pas daigné faire le déplacement à Madrid pour sortir les négociations climatiques du bourbier. En revanche, il s’est montré très actif à Bruxelles, au Conseil européen, pour transformer la crise climatique en argument commercial en faveur d’une énergie coûteuse, sale et dangereuse : le nucléaire français. C’est irresponsable », souligne Clément Sénéchal, chargé de campagne climat pour Greenpeace France.
Le marchandage des émissions de gaz à effet de serre proposé à l’article 6 de l’Accord de Paris a été l’objet d’âpres négociations, qui n’ont pas abouti lors de cette COP. Les « marchés carbone » constituent une dangereuse diversion pour éviter aux États et aux multinationales de réduire les émissions à la source et dès aujourd’hui. « Les trafiquants de carbone veulent vendre notre futur au plus offrant : une nouvelle manœuvre pour préserver le système néolibéral, qui repose sur la marchandisation de nos écosystèmes. Sur ce point crucial, un mauvais compromis aurait été pire que pas de compromis du tout, car il aurait transformé l’Accord de Paris en instrument de blanchiment des émissions de gaz à effet de serre et de violation des droits humains à grande échelle », ajoute Clément Sénéchal.
L’Union européenne, désunie sur la neutralité carbone et peu ambitieuse dans son nouveau Green Deal, manquait des assises nécessaires pour tirer cette COP25 vers le haut. Son impuissance à relever l’épreuve de la crise climatique met en péril la continuité de l’Accord de Paris, avant même qu’il n’ait été mis en application. Ce qui doit être le cas l’année prochaine à Glasgow, lors de la COP26.
« Les faits scientifiques, les attentes de la jeunesse et l’intérêt des peuples ont littéralement été mis à la porte, à l’image de ces représentants de la société civile qui ont été exclus temporairement de la COP25 suite à une action de protestation non-violente : un fait sans précédent qui illustre le divorce entre les décideurs politiques et le monde réel », conclut Clément Sénéchal.