Paris, le 17 octobre 2012 – La commission européenne a rendu public ce mercredi son projet de directive concernant sa politique vis-à-vis des agrocarburants. Ce document marque un coup de frein à leur développement en Europe puisque leur incorporation sera plafonnée à 5%. Mais la Commission reste au milieu du gué quant à l’objet de la directive, la prise en compte du changement d’affectation indirect des sols (CASI). Les huiles végétales, détournées du marché alimentaire pour les agrocarburants, doivent être remplacées par des oléagineux -huile de soja, de palme- dont la culture en Asie ou Amérique Latine est une cause de déforestation et d’importantes émissions de CO².
« Le projet de directive marque un tournant dans le soutien européen aux agrocarburants mais reste dans la demi mesure. D’un coté, la commission reconnait enfin les impacts négatifs des agrocarburants« , explique Jérôme Frignet, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace France. « En proposant enfin une valeur chiffrée pour les émissions indirectes de CO2 associées aux agrocarburants, elle officialise le fait que le biodiesel produit en France émet plus de gaz à effet de serre que le diesel fossile. Mais sous la pression des lobbies industriels et d’Etats membres comme la France, elle n’impose pas la prise en compte de ce facteur disqualifiant. »
En décalage, le gouvernement cajole l’industrie à coup de cadeaux fiscaux
Il y a une semaine, Greenpeace publiait un dossier sur l’impact environnemental, économique et financier de la politique française de soutien à la filière des agrocarburants et notamment du biodiesel.
Le gouvernement propose de plafonner leur incorporation à 7%, bien au-dessus des 5% européens. Mais surtout, Jean-Marc Ayrault a pris la décision de prolonger l’exonération fiscale dont bénéficient les agrocarburants jusqu’à la fin 2015.
» La position du gouvernement Français est scandaleuse et épouse les intérêts du lobby des producteurs d’agrocarburants à l’encontre de l’Intérêt général« , explique Jérôme Frignet. « Les députés doivent revenir sur les montants exorbitants alloués au soutien des agrocarburants dans le Projet de loi de Finance 2013.. Rien que pour le biodiesel, il s’agit de 250 millions d’euros, dont 80 millions correspondent à l’annonce de Jean-Marc Ayrault lors de la conférence environnementale. »
Le Ministère de l’agriculture et les industriels français mains dans la main
La filière agrocarburants, dont le leader européen du biodiesel, Sofiproteol, peuvent manifestement compter sur le Ministère de l’agriculture pour relayer certaines contre-vérités et préserver leur « rente » fiscale.
« Sur les emplois, il est sidérant que le Ministère reprenne sans sourciller les affabulations des producteurs de biodiesel« , explique Jérôme Frignet. « Sofiprotéol parle de 12000 emplois directs : pourtant l’usine de Grand-Couronne emploie moins de 100 personnes pour produire 20% de la consommation française de biodiesel… Quant à l’amortissement des investissements, le rapport de la cours des comptes est clair : la filière biodiesel a bénéficié entre 2005 et 2010 de 1,8 milliards d’euros d’exonération fiscale pour un investissement total estimé à environ 500 millions d’euros… »
Le projet de Directive doit maintenant être discuté entre États membres et le Parlement de l’Union européenne. Nul doute que le Ministère de l’agriculture français va continuer à se faire le défenseur zélé d’entreprises comme Sofiprotéol, dont le Président n’est autre que Xavier Beulin, le Président de la puissante FNSEA.
« La commission a envoyé un signal incomplet mais important aujourd’hui. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et mettre un terme au soutien coûteux à une filière dont la l’inefficacité et la nocivité sont désormais reconnus « conclut Jérôme Frignet.