71 % des terres agricoles européennes sont destinés à nourrir du bétail (1). C’est la conclusion d’une étude de l’unité européenne de Greenpeace rendue publique ce jour, intitulée « Feeding the problem. The dangerous intensification of animal farming in Europe » (Nourrir le problème. La dangereuse intensification de l’élevage européen). Parmi ces 71 %, la moitié sont des prairies permanentes qui peuvent apporter des bénéfices indéniables en termes de préservation de la biodiversité et de captage du carbone.
Cependant, et c’est ce qui est le plus problématique, l’autre moitié sont des terres arables (2) qui pourraient en partie être utilisées pour produire fruits, légumes, légumes secs ou céréales destinées aux populations et non au bétail. Selon ce rapport, sur l’intégralité des terres arables européennes, 63 % sont ainsi destinés à l’alimentation du bétail. Un chiffre qui démontre la place démesurée prise par l’élevage ces dernières décennies.
« Ce chiffre paraît d’autant plus excessif que les scientifiques nous alertent sur l’urgence de réduire notre production et notre consommation de protéines animales pour éviter une catastrophe climatique et environnementale, commente Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France. L’Europe importe pourtant déjà du soja pour nourrir son bétail et contribue ainsi à la déforestation importée. De plus, l’intensification et la surproduction de protéines animales ont complètement modifié l’agriculture européenne, entraînant une sur-occupation des sols pour le bétail ainsi qu’une diminution drastique du nombre de fermes. Le nombre d’élevages européens a ainsi chuté de 32% entre 2005 et 2013 (2,9 millions de fermes d’élevage ont disparu) (3). L’élevage industriel se développe au détriment d’un élevage écologique, réparti sur le territoire ».
L’élevage : 18 à 20 % du budget de l’Union européenne
Les subventions publiques européennes, à travers la Politique agricole commune (PAC), entretiennent le système. En effet, une part conséquente des aides de la PAC sont distribuées à l’hectare, ce qui fait du secteur de l’élevage et de l’alimentation animale un bénéficiaire important du premier pilier de la PAC. Cette étude estime ainsi que l’élevage au sens large bénéficie entre 28 et 32 milliards d’euros d’aides directes de la PAC, via des aides couplées ou bien via les aides à l’hectare. Cela représente entre 18 et 20 % du budget de l’Union européenne en 2017.
Les négociations pour la prochaine PAC ont lieu en ce moment même. La commission environnement du Parlement européen doit ainsi voter le 14 février un projet d’avis sur cette réforme. « L’Europe a la responsabilité d’aider les éleveurs à aller vers des modèles plus écologiques. Or les subventions actuelles encouragent forcément l’agrandissement et l’intensification, nous emmenant droit dans le mur si on ne change pas de modèle, continue Suzanne Dalle. C’est l’élevage industriel qui est directement mis en cause par cette étude. Il faut absolument repenser la PAC pour encourager la transformation de l’élevage actuel vers un modèle plus durable, moins gourmand en terres et moins intensif. 50% de ce budget doit absolument être dédié à l’agriculture écologique. Notamment dans le premier pilier, la moitié du budget doit servir à la mise en œuvre d’un dispositif obligatoire qui fournisse des bénéfices environnementaux et climatiques ».
(1) Chiffres de 2017
(2) Les terres arables sont aussi appelées terres cultivables. Il s’agit des terres agricoles qui sont labourées et sur lesquelles on produit des cultures comme les céréales, les oléagineux, les betteraves sucrières. Elles se distinguent donc des prairies permanentes et des cultures permanentes.
(3) Chiffres Eurostat