TotalEnergies annonce aujourd’hui ses résultats annuels dans un contexte de hausse des prix du pétrole et du gaz. Si ces bénéfices s’annoncent spectaculaires, difficile d’en dire autant pour l’ambition de neutralité carbone de la major pétro-gazière.
Dans une note publiée aujourd’hui, Greenpeace France analyse la trajectoire affichée par TotalEnergies pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Basée notamment sur des rapports de TotalEnergies, des documents intergouvernementaux et des analyses d’ONG, cette note démontre comment TotalEnergies omet sciemment d’intégrer à ses calculs la partie de son activité la plus émettrice de gaz à effet de serre, évite de chiffrer sa trajectoire de neutralité carbone ou encore sur-estime l’efficacité des solutions de stockage de carbone, qu’elles soient naturelles ou industrielles.
TotalEnergies ambitionne de ne compenser qu’une partie de ses émissions
Comme de nombreuses entreprises, TotalEnergies communique largement sur son ambition de neutralité carbone à l’horizon 2050. La major pétrolière et gazière :
- vante un virage vers les énergies renouvelables alors qu’elles ne concernent que 2% de ses investissements ;
- met en avant ses projets de puits de carbone naturels alors qu’ils ne permettront de stocker que l’équivalent de 1,2% de ses émissions actuelles [1] ;
- présente les solutions de stockage industrielles comme la panacée alors qu’elles ne concerneront que marginalement ses activités…
Le tout en signant de nouveaux contrats pétroliers et gaziers. Pire encore, la multinationale, qui émet environ 460 millions de tonnes de CO2 [3] par an (soit plus que les émissions de la France), s’engage à la neutralité carbone uniquement pour ses opérations industrielles (scopes 1 et 2). Par un tour de passe-passe comptable, la multinationale n’a ainsi “plus que” 45 millions de tonnes de CO2 par an [4] à compenser. Pour le reste, soit les émissions des produits consommés par ses clients (scope 3), la neutralité est envisagée… uniquement pour l’Europe.
La neutralité carbone, un terme déjà vidé de sa substance
Les différents rapports sur le sujet sont formels : pour limiter le changement climatique, il ne faut plus exploiter de nouveaux gisements dès maintenant et réduire la production de pétrole dès 2025. De plus, l’objectif de neutralité carbone n’a de sens qu’à l’échelle mondiale : il s’agit d’abord de réduire au maximum les émissions de CO2, dans tous les secteurs possibles, puis de compenser les émissions résiduelles.
Autrement dit, la responsabilité des majors pétrolières et gazières est de réduire leurs émissions. Pas de chercher un point d’équilibre entre les émissions actuelles, qu’elles tentent de maintenir, et des compensations dans le futur, qu’elles souhaitent développer. « Or, l’ambition de neutralité carbone selon TotalEnergies consiste à communiquer sur des projets d’énergies renouvelables et de compensation carbone, et marteler que le gaz est une énergie de transition. Le tout en continuant à investir massivement dans les énergies fossiles et à engranger toujours plus de profits au détriment du climat », résume François Chartier, chargé de campagne Pétrole à Greenpeace France.
Le greenwashing de l’industrie pétrolière et gazière doit cesser
La neutralité carbone a pris une place prépondérante dans la communication d’entreprises qui ont en réalité pour seul objectif la perpétuation de leur modèle actuel. Derrière ces annonces, la tendance n’est pas à la baisse des émissions de CO2, mais à une compensation des émissions géographiquement bancale, à la temporalité douteuse, qui se base sur des puits de carbone naturels à créer et sur des technologies qui n’ont pas encore fait leurs preuves. De plus, les volumes qui pourront être séquestrés sont minimes par rapport aux volumes émis.
L’affichage d’un objectif de neutralité carbone est en fait une stratégie de greenwashing qui vient se substituer à la stratégie du doute sur la réalité du changement climatique que la major pétrolière avait mise en place dès 1971.
Notes aux rédactions
[1] Ou 10,2% des émissions de TotalEnergies si l’on écarte, comme le fait la multinationale, les émissions de CO2 générées par les produits consommés par ses clients (scope 3) pour ne garder que les émissions des opérations industrielles de TotalEnergies (scopes 1 et 2).
[2] Climat : Total passe au décodeur d’Oxfam – Les ressorts du greenwashing du géant pétrolier, Oxfam France, mai 2021.
[3] 458Mt en 2018, 469Mt en 2019 et 455Mt en 2020 (hors effet covid) d’après le document d’enregistrement universel 2020 de Total (p.255).
[4] 45Mt de CO2 en 2019 et 41Mt en 2020 (hors effet covid) d’après le document d’enregistrement universel 2020 de Total (p.255).