Le mardi 13 septembre prochain, les députées et députés européens doivent voter le projet de règlement européen contre la déforestation. Après un été particulièrement catastrophique pour les forêts, ce projet de loi représente une opportunité historique de mettre un terme à la déforestation importée. A quelques jours du vote, les ONG alertent sur la nécessité de ne pas laisser passer cette occasion et d’adopter une loi à la hauteur de l’urgence.
Après plusieurs années de promesses des dirigeants et dirigeantes en Europe, l’heure de l’action est arrivée. Les parlementaires débattront le 12 septembre puis adopteront, le lendemain, leur position sur le règlement proposé par la Commission en novembre 2021. Ils et elles ont l’occasion de renforcer la proposition lacunaire initiale de la Commission et surtout, de contrer la position adoptée en juin dernier par le Conseil des ministres.
Les parlementaires avaient déjà envoyé un signal positif avec le vote de la Commission de l’environnement le 12 juillet dernier. Grâce aux multiples avancées adoptées lors de ce vote, nous sommes convaincus que cette nouvelle loi aura le potentiel d’apporter un réel changement, mais cela nécessite de conserver ces avancées et de renforcer encore plus le texte.
Des organisations engagées au sein du mouvement Together4Forests appellent les député·es à adopter une loi ambitieuse et efficace qui prévoit :
La protection de tous les écosystèmes clés menacés par notre consommation : la législation ne doit pas se limiter aux forêts et assurer dès maintenant la protection des autres écosystèmes naturels comme les prairies, les savanes ou encore les tourbières, aussi essentiels que les forêts pour le climat et la biodiversité
La protection des forêts contre leur dégradation : le texte doit garantir que la production de bois ne conduit pas à la dégradation des forêts
Un champ d’application large : la liste initiale (soja, huile de palme, bœuf, cacao, café, bois) était restrictive et a déjà été complétée par les députés commissaires à l’environnement (volaille, caoutchouc, maïs..). Ils doivent aller plus loin et intégrer tous les produits liés à la déforestation
Le respect des droits humains reconnus internationalement : notamment le consentement libre, informé et préalable des peuples autochtones et communautés locales.
L’été 2022 a encore été destructeur pour les forêts du monde, notamment pour l’Amazonie. Les chiffres du premier semestre montraient déjà un haut niveau de déforestation (le plus fort depuis 2016) et les incendies de l’été ont également battu des records. En août 2022, plus de 33 000 départs de feu ont été constatés en Amazonie par l’Institut brésilien de recherche spatiale (INPE), du jamais vu depuis 2010. Le Parlement européen a aujourd’hui l’opportunité de renverser la tendance, et son vote sera suivi attentivement.
Note aux rédactions
Le calendrier législatif
17 novembre 2021 : la Commission propose un projet de règlement pour lutter contre la déforestation. C’est un bon départ mais des lacunes restent à combler.
28 juin 2022 : le Conseil des ministres de l’Environnement adopte une position qui affaiblit la proposition de la Commission européenne.
12 juillet 2022 : la Commission Environnement du Parlement européen adopte une position ambitieuse et renforce la proposition de la Commission.
12/13 septembre 2022 : le Parlement, réuni en séance plénière, débattra (le 12) puis votera (le 13) sa position sur le projet de règlement
Fin 2022 : trilogues entre les trois institutions européennes pour valider le texte définitif
Responsabilité de l’UE dans la déforestation mondiale
La consommation européenne de produits tels que le soja, l’huile de palme, le bœuf, le caoutchouc, le maïs, le bois, le cacao ou le café, alimente la déforestation et la dégradation des forêts : entre 2005 et 2017, les importations de l’UE ont provoqué la déforestation de 3,5 millions d’hectares de terres (1 807 millions de tonnes de CO2) : plus de 80% de la déforestation tropicale importée par l’UE concernait le soja (31 %, 89 000 hectares de déforestation par an), l’huile de palme (24 %, 69 000 ha), la viande de bœuf (10 %, 28 000 ha), les produits dérivés du bois (8 %, 22 000 ha), le cacao (6 %, 18 000 ha) et le café (5 %, 14 000 ha).
D’après un rapport du WWF, l’UE est responsable de 16% de la déforestation tropicale liée au commerce international.
Notre consommation en Europe n’est pas uniquement liée à la déforestation mais également à la conversion d’autres milieux naturels (savanes du Cerrado brésilien et du Chaco argentin, prairies nords-américaines, tourbières de Sumatra et Bornéo, mangroves indonésiennes), clés pour le climat et la biodiversité : en 2019, 14 % du soja et 26 % de la viande de bœuf importés par l’UE provenaient du Cerrado au Brésil.
Le règlement proposé prévoit que les entreprises, dont les institutions financières, ne puissent pas mettre sur le marché des produits liés à la déforestation : si un règlement ambitieux est adopté, les produits et matières premières liés à la déforestation ne pourront plus être commercialisés sur le sol européen. Cette loi offre donc l’opportunité de rendre durable l’ensemble de nos approvisionnements et de développer des standards internationaux qui pourront être mis en place dans le reste du monde.
Campagne Together4Forests
Depuis près de trois ans, les citoyennes et citoyens, les organisations de la société civile et les scientifiques européens se sont mobilisés pour obtenir une loi ambitieuse
De nombreuses entreprises ont également appelé à un règlement ambitieux et témoigné qu’il était techniquement faisable et économiquement créateur de valeur de produire sans déforester.
En 2020, près d’1,2 million de personnes ont participé à la consultation publique organisée par la Commission européenne pour réclamer une loi ambitieuse et contraignante.
Situation au Brésil
En Amazonie brésilienne, l’INPE a recensé 33 116 foyers d’incendie en août 2022, un record pour ce mois depuis 2010. Entre début janvier et fin août, l’Amazonie a déjà connu plus de 46 000 foyers d’incendie. Ces incendies sont le plus souvent liés à la déforestation pour l’agriculture (élevage, culture de soja).
La déforestation en Amazonie en 2022 est trois fois plus élevée que celle enregistrée en 2017
La déforestation dans la région du Cerrado au Brésil sur le premier semestre 2022 a augmenté de 28,2% par rapport à 2021.
La déforestation est l’un des plus importants facteurs d’émissions au niveau mondial et représente environ 12 % des émissions anthropiques mondiales de GES
Les forêts abritent la plus grande partie de la biodiversité des terres émergées de la planète. Elles procurent un habitat à 80 % des espèces d’amphibiens, 75 % des espèces d’oiseaux et 68 % des espèces de mammifères.
300 millions de personnes vivent dans ou aux alentours des forêts et plus de 1,6 milliard de personnes dépendent à divers degrés des forêts pour vivre. Parmi les personnes vivant dans l’extrême pauvreté, plus de 90 % dépendent des forêts pour au moins une partie de leurs moyens de subsistance.
La moitié des prairies et savanes du monde a déjà été perdue.
15% des réserves mondiales de tourbières sont détruites ou dégradées et 35% des mangroves ont disparu en seulement 20 ans.
La destruction des tourbières est responsable de 5% des émissions de GES mondiales, soit le double des émissions de l’aviation mondiale.
Contacts presse :
Kim Dallet, Greenpeace France – 06 33 58 39 46
Margaux Béal, WWF France – 07 69 86 67 41
Audrey Benard, Envol Vert – 06 81 25 48 64
Klervi Le Guenic, Canopée – 07 52 64 08 54
Boris Patentreger, Mighty Earth – 07 76 07 44 19