Déforestation : l’UE doit refuser une année de destruction supplémentaire
Alors que la déforestation mondiale se poursuit à un rythme alarmant, l’Union européenne (UE) est sur le point de reporter l’application du règlement visant à limiter l’impact de la consommation européenne sur les forêts du monde entier [1]. Greenpeace France appelle les eurodéputé·es à résister aux pressions des lobbies et à voter contre le report et le détricotage de cette réglementation.
Sur proposition de la Commission européenne, le Conseil de l’UE a approuvé l’ouverture de cette procédure [2] : il appartiendra aux parlementaires européens de se prononcer à ce sujet le 14 novembre lors d’un vote à Bruxelles.
“Si l’UE venait à céder aux pressions en acceptant de reporter et de modifier l’application du règlement, elle décrédibiliserait considérablement son action en matière de lutte contre le réchauffement climatique, explique Eric Moranval, chargé de campagne Forêts à Greenpeace. Les citoyennes et citoyens européens ne veulent plus de déforestation dans leurs assiettes. Nous n’avons pas de temps à perdre face à l’urgence climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Les parlementaires ont le pouvoir de s’opposer à cet inacceptable retour en arrière : Greenpeace les appelle à s’opposer au report proposé par la Commission et à rejeter les amendements du PPE qui visent à démanteler ce règlement.”[3]
Pour Greenpeace, cette procédure présente un double danger : d’une part, cela signifie que l’UE serait complice une année de plus de la destruction des forêts et des violations des droits humains qui y sont associées ; d’autre part, les amendements du Parti populaire européen (PPE) pourraient saper les fondements de ce règlement avant même que celui-ci n’entre en application.
Un règlement fragile
Depuis son adoption en juin 2023, le règlement a fait l’objet de nombreuses attaques émanant de certaines filières industrielles ou d’États qui figurent parmi les principaux exportateurs des produits visés par ce règlement. Face à ce lobbying intense, la Commission européenne a fini par céder et a annoncé l’ouverture d’une procédure visant à reporter l’application du règlement au 30 décembre 2025, soit un an après la date initialement prévue [4]. Cette procédure peut aboutir non seulement à un report de l’application du règlement, mais aussi à des modifications sur le contenu du texte.
Pour rappel, l’UE, consciente de ses responsabilités et de l’urgence d’agir contre la déforestation, a adopté ce règlement ayant pour but d’interdire la commercialisation dans l’UE et depuis l’UE de produits issus de la déforestation. Ce règlement a été le fruit d’une mobilisation de longue date des citoyens et citoyennes de toute l’UE – près d’1,2 million de personnes ont répondu à la consultation publique visant à appuyer une telle réglementation. Son adoption a été saluée par la société civile européenne : c’est un outil à l’ambition inédite – aucune autre loi similaire n’existe dans le monde – à même de constituer un véritable tournant dans la lutte contre la déforestation mondiale.
La déforestation est un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique : responsable de 12% des émissions de gaz à effet de serre annuelles, elle amenuise considérablement nos capacités à stocker le carbone. L’UE est responsable d’environ 10% de la déforestation mondiale, en raison notamment de sa consommation de viande, de soja pour l’alimentation animale, d’huile de palme ou encore de bois [5].
Notes aux rédactions :
[1] La déforestation mondiale se poursuit à un rythme effréné (environ 10 millions d’hectares par an entre 2015 et 2020). Source : FAO.
[2] Voir : https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2024/10/16/eu-deforestation-law-council-agrees-to-extend-application-timeline/
[3] Voir EPP fiddles while forests burn, communiqué de presse de l’unité européenne de Greenpeace, 7 novembre 2024 + les amendements PPE.
[4] Voir “Von der Leyen might as well have wielded the chainsaw herself”, EU forest law delay, communiqué de presse de l’unité européenne de Greenpeace, 2 octobre 2024
[5] Voir https://pure.iiasa.ac.at/id/eprint/14868/1/1.%20Report%20analysis%20of%20impact.pdf