Des citoyen·nes sinistré·es attaquent l’État en justice face au manque d’adaptation au changement climatique

14 personnes sinistrées climatiques et associations, dont les organisations de l’Affaire du Siècle, lancent aujourd’hui une action en justice inédite contre l’État français. Elles l’accusent de manquer à son obligation de protéger tous·tes les citoyen·nes face aux conséquences du changement climatique.

Crédit : L’Affaire du Siècle, les demandeur·euses du recours

La France vulnérable et toujours sans stratégie d’adaptation efficace

En France, les effets du changement climatique sont déjà là : près de 2 personnes sur 3 sont fortement exposées aux risques climatiques, un quart de la population vit en zone inondable, et la moitié des maisons individuelles sont menacées de se fissurer à cause du phénomène de retrait-gonflement des argiles. Pourtant, le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3), dévoilé par le gouvernement en mars 2025, est largement insuffisant. Sans financement dédié, sans cadre contraignant, et sans suivi rigoureux, ce plan manque de mesures concrètes en matière de prévention et de gestion des risques, ne prend pas en compte les inégalités sociales et territoriales face aux conséquences du changement climatique et ne garantit donc pas la protection de toute la population face aux impacts inévitables et croissants du dérèglement climatique.

Les sinistré·es climatiques au cœur d’un recours inédit dans l’UE

Pour la première fois dans un pays de l’Union européenne, des citoyen·nes directement touché·es par les impacts du changement climatique attaquent leur État sur les enjeux d’adaptation.

Ce recours inédit est porté par des personnes sinistrées de toute la France qui font face à différents problèmes induits directement par le changement climatique : maisons fissurées à cause du retrait-gonflement des argiles, problèmes d’accès à l’eau, canicules, inondations, pertes agricoles. Certain·es des sinistré·es cumulent les inégalités face aux impacts du changement climatique et sont d’autant plus impacté·es car en situation de handicap, atteint·es de maladies chroniques ou encore issu·es de quartiers populaires, de territoires ultra-marins ou des communautés des gens du voyage. Ces personnes, leurs associations et les organisations de l’Affaire du Siècle, ont décidé d’agir en engageant une action en justice contre l’Etat français qui ne les protège pas suffisamment contre ces risques climatiques, pour l’obliger à agir.

« À chaque fois qu’il pleut, c’est l’angoisse ! Puisque rien n’a changé, on se dit qu’on va à nouveau revivre ce cauchemar » témoigne Jérôme Sergent, dont la ferme située à Rumilly dans le Pas-de-Calais, a été inondée huit fois en quatre mois entre novembre 2023 et mars 2024.

« Être pauvre à Mayotte, ce n’est pas seulement vivre sous le seuil de pauvreté comme 77 % de la population, c’est aussi travailler dur pour avoir les moyens d’acheter de l’eau potable. Mais c’est surtout souffrir de la soif, parce que les rayons sont vides et que nos robinets sont à secs » témoigne Racha Mousdikoudine, qui a subi de nombreuses coupures d’eau potable à Mayotte.

Les expériences concrètes des sinistré·es révèlent de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux : droit à la vie, droit à la santé, droit au logement. Les demandeur·euses exigent que l’État soit contraint à adopter des mesures concrètes et ambitieuses de prévention et de protection et que celles-ci prennent en compte les vulnérabilités de certaines catégories de la population (personnes précaires, atteintes de maladie ou de handicap, personnes marginalisées à cause de leur genre, de leur origine, de leur classe sociale ou de leur âge) et de certains territoires comme les territoires ultra-marins ou les quartiers populaires, fortement négligés dans les stratégies d’adaptation.

Les demandeur·euses portent la voix de celles et ceux qui subissent au quotidien les conséquences du changement climatique et revendiquent leur droit à vivre dans un pays qui protège la vie, la santé, la sécurité et le bien-être de ses habitant·es. Alors que l’urgence climatique impose des actions fortes, ce recours rappelle une vérité fondamentale : l’État a le devoir de protéger ses citoyen·nes. S’il ne prend pas les mesures nécessaires, il engage sa responsabilité devant la justice.

Les bases juridiques du recours déposé devant le Conseil d’État

Portée devant le Conseil d’État, cette action en justice ne vise pas à obtenir d’indemnisations personnelles pour les sinistré·es mais à obliger l’Etat à renforcer ses politiques d’adaptation et à prendre des mesures concrètes et efficaces pour protéger et soutenir toute la population face aux risques climatiques. Elle repose sur un recours pour excès de pouvoir qui permet de contester la légalité d’un acte administratif, en l’occurrence le PNACC-3, jugé insuffisant.

Le recours s’appuie notamment sur l’obligation générale d’adaptation au changement climatique à la charge de l’État, déduite des textes constitutionnels, en particulier la Charte de l’environnement, et confortée par le droit international, le droit du Conseil de l’Europe et le droit européen. Il fait la démonstration détaillée des lacunes du PNACC-3 et des politiques sectorielles associées, notamment en matière de gestion des inondations, de lutte contre les effets du phénomène de retrait-gonflement des argiles, de sécurisation de l’accès à l’eau, de protection contre les vagues de chaleur ou encore des pertes agricoles.

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Notes aux rédactions

Télécharger le dossier de presse complet du recours pour de plus amples informations (portraits des demandeur·euses, détails du recours, éléments de fond sur le PNACC-3 et les risques considérés). Des photos d’illustration sont disponibles à ce lien.

Les étapes du recours :
Le recours se déroule en plusieurs étapes et commence dès maintenant avec une demande préalable adressée à l’État, dans laquelle il est demandé au gouvernement de réviser le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) et d’adopter tout un ensemble de mesures destinées à assurer, ou renforcer, l’adaptation de la France au changement climatique. Cette étape est essentielle : elle lui donne l’occasion d’agir et de protéger les citoyen.nes. Le Conseil d’Etat sera saisi à l’expiration du délai légal de deux mois, sauf en cas de réponses positives aux demandes des sinistré·es et des associations, ce dont il est permis de douter.

La demande préalable de 161 pages détaillant les obligations de l’Etat et les insuffisances des politiques d’adaptation, est consultable ici.

Liste des 14 personnes et associations demandeuses : Jean-Jacques Bartholome, Salma Chaoui, Marie Le Mélédo, Jean-Raoul Plaussu-Monteil, Jérôme Sergent, Association Nationale des Gens du Voyage Citoyens (représentée par William Acker), Association Urgence Maisons Fissurées (représentée par Mohamed Benyahia), Ghett’up (représentée par Rania Daki), Locataires Ensemble (représentée par Salim Poussin), MIRAMAP (représenté par Evelyne Boulongne et Florent Sebban), Mayotte A Soif (représentée par Racha Mousdikoudine), Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France.

Les organisations de l’Affaire du Siècle – Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France – sont parties prenantes du recours et apportent aux sinistré·es un accompagnement juridique, leurs expertises ainsi qu’une visibilisation importante de leurs témoignages et enjeux.