Paris, le 20 mai 2011 – Un peu plus de deux mois après la catastrophe qui a frappé le Japon (11 mars), la situation de la centrale de Fukushima est toujours critique.
Les faits marquants :
– toutes les barrières de confinement ont été rompues dans les réacteurs 1 et 3, le combustible est maintenant totalement hors de contrôle et de toute possibilité technique de récupération (pour mémoire, à Tchernobyl le combustible en fusion est toujours présent sous la centrale)
– les ouvriers de Tepco ne peuvent pas travailler dans les bâtiments des réacteurs plus de quelques minutes d’affilée tant les taux de radioactivité sont élevés
– les rejets de radioactivité continuent : les sols, nappes phréatiques et aliments sont toujours fortement contaminés, même à plus d’une centaine de kilomètres du site
– la quantité d’eau contaminée dans la centrale continue d’augmenter et atteint un niveau faramineux, Tepco a annoncé le chiffre de 98 500 tonnes
« L’accident nucléaire japonais n’est pas prêt de s’arrêter, ajoute Sophia Majnoni, chargée de campagne nucléaire pour Greenpeace. Le calendrier que propose Tepco, qui annonce un refroidissement total en janvier 2012, est intenable. A Tchernobyl, où un seul réacteur est concerné, le refroidissement n’est toujours pas « total », 25 ans après l’accident. Et le sarcophage construit en sept mois en Ukraine n’est pas étanche. »
Tepco se noie et entraîne l’Etat japonais avec lui
L’opérateur Tepco commence à dévoiler des éléments sur le déroulement de l’accident. Il a avoué seulement cette semaine que les fusions des cœurs des réacteurs ont commencé quelques heures à peine après le tsunami. Les experts du monde entier l’avaient annoncé dès le lendemain du passage du tsunami (12 mars).
« Cette annonce montre que Tepco a volontairement fait de la désinformation durant la catastrophe comme le dénonce Greenpeace depuis des semaines, commente Sophia Majnoni. Le départ du directeur général de l’opérateur montre que l’Etat souhaite reprendre la main et essayer de regagner la confiance du public. Tepco, qui a aussi annoncé une perte probable de 11 milliards d’euros pour cette année, est en train de faire la démonstration qu’il est impossible de gérer un accident nucléaire. Evidemment cette perte sera compensée par l’Etat et ce sont tous les Japonais qui vont payer. En plus de la catastrophe humaine et sanitaire, le Japon s’achemine vers une catastrophe financière. »
Les tests français, opération de communication ou véritable audit ?
Alors que les Etats européens ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les modalités des « stress tests » à pratiquer sur les installations nucléaires, l’Allemagne a déjà lancé ses propres tests. Ces derniers incluent la possibilité de chutes d’avions et les premiers résultats sont accablants : aucune des dix-sept installations allemandes ne résisterait à la chute d’un gros porteur. En Belgique, qui compte sept centrales, les tests qui vont être réalisés prendront en compte la chute d’avion et les risques terroristes. Pour la France, cet audit sera réalisé par l’Autorité de sûreté nucléaire et le cahier des charges exclut totalement ces deux hypothèses.
« Il est incompréhensible que nous n’ayons pas le même niveau d’exigence que nos voisins sur la sûreté de notre parc nucléaire, s’indigne Sophia Majoni. Les résultats allemands sont éloquents. La France donne l’impression de ne faire des tests que pour être sûr de les réussir. L’ASN se doit de réaliser un audit complet, au même niveau que l’Allemagne et la Belgique pour être crédible. La France essaie de faire croire que le nucléaire ne pose pas de problème pour la population. Quand les pays frontaliers annoncent l’inverse, le discours ne tient plus. Le nucléaire sûr n’existe pas et la situation japonaise est venue douloureusement nous le rappeler à tous. »