Elevage : M. Fesneau se fait le porte-parole de l’agro-industrie

Agriculture

Au lendemain d’une prise de parole de M. Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Greenpeace France s’indigne des propos tenus, qui vont à l’encontre d’une réforme en profondeur de notre modèle d’élevage pour faire face aux différentes crises que traverse le monde agricole [1].

Une politique de l’élevage aux antipodes de la souveraineté alimentaire
Ses propos vont tout simplement à l’encontre des enjeux climatiques actuels, alerte Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace. Réduire nos volumes de production n’implique pas d’aller “chercher notre nourriture à l’étranger” comme l’a dit le ministre puisque les produits issus de l’élevage industriel sont en grande partie destinés à l’exportation : par exemple 39% des produits porcins français sont exportés principalement vers des pays émergents et en développement, et ont des impacts sociaux, économiques et environnementaux délétères [2]. Ces élevages s’appuient également sur des denrées importées comme le soja pour l’alimentation animale qui contribue massivement à la déforestation. Cette politique de soutien à l’élevage industriel n’assure absolument pas la souveraineté alimentaire de la France.

Greenpeace rappelle que la réduction de la consommation et de la production de produits d’origine animale est bénéfique pour la santé, l’environnement et le climat : il s’agit d’un constat désormais largement partagé dans la communauté scientifique, dont le GIEC qui l’a récemment souligné dans sa synthèse, et recommandé par la Cour des comptes en juin dernier [3].

La réglementation sur les ICPE d’élevage ne doit en aucun cas être assouplie
Greenpeace rappelle également au ministre que les Installations Classées pour la protection de l’Environnement (ICPE) peuvent, par définition, “créer des risques pour les tiers et/ou des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement” [4]. Ces ICPE font régulièrement l’objet d’accidents et la Cour des comptes avait dénoncé en 2022 des failles dans les moyens de contrôle, de surveillance et de sanctions de ces installations [5].

Face au manque de contrôle des ICPE, il semble totalement illogique et dangereux de vouloir faciliter les constructions et les extensions de gigantesques bâtiments d’élevage comme cela est demandé par quelques agro-industriels, poursuit Sandy Olivar Calvo. Si la mobilisation citoyenne grandit face à ces projet de fermes-usines, une politique de déréglementation ne fera que renforcer la contestation. Pour réellement soutenir les éleveurs, M. Fesneau doit prendre son courage à deux mains et engager la nécessaire transition de l’élevage, plutôt que de se faire le porte-parole de l’agro-industrie en répondant favorablement à cette demande. Cette transition commence par la mise en place d’un moratoire national sur la construction ou l’extension de ces méga-exploitations et un soutien accru aux structures d’élevage écologique [6].”

Ces déclarations s’inscrivent dans un contexte d’urgence face à la crise climatique et à l’effondrement de la biodiversité, alors que Greenpeace constate une augmentation et un durcissement de la répression, dans l’objectif de museler la contestation et les mouvements de désobéissance civile [7].

Greenpeace soutient les fermes d’élevages qui respectent les éleveurs et les éleveuses, créent des emplois, garantissent le bien-être animal et protègent les écosystèmes, la biodiversité, le climat et notre santé. Le travail des éleveurs et des éleveuses écologiques contribue à nourrir la population et à maintenir certains équilibres écosystémiques. A contrario, l’élevage industriel nuit à la santé humaine et à l’environnement et conduit à la disparition progressive de l’élevage paysan dont nous avons besoin pour assurer notre souveraineté alimentaire [8].

 

Notes aux rédactions :
[1] Voir reprise de la dépêche AFP du 12/09/23 sur le site Info Durable : “Elevage : l’exécutif prié de faciliter les constructions et extensions de bâtiments”.

[2] Voir « Les coulisses de l’élevage d’exportation bas de gamme”, RAC, Greenpeace France, Oxfam, octobre 2022.

[3] Comme le GIEC l’a récemment rappelé dans sa synthèse, il est impératif d’adopter un mode alimentaire sain et durable, qui nécessite une diminution drastique des produits carnés + rapport de la Cour des comptes de mai 2023

[4] Définition d’une ICPE : “Toute exploitation industrielle ou agricole susceptible de créer des risques pour les tiers – riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement, est potentiellement une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).” Source.

[5] Une synthèse des accidents ayant lieu dans les ICPE d’élevage est disponible ici et dépêche AFP du 9 mai 2022, reprise sur ce site.

[6] Voir “Élevage industriel : Greenpeace exige un moratoire sur les fermes-usines”, communiqué de presse de Greenpeace France, 16/05/2023.

[7] Voir https://www.greenpeace.fr/espace-presse/activisme-climat-un-nouveau-projet-de-loi-pour-reprimer-la-desobeissance-civile/

[8] Voir tribune collective “Pas d’agriculture sans élevage !”, Ouest-France, 27/02/2023.